Les élections du 4 septembre 2015 seront décisives pour l’avenir du Maroc, avait souligné SM le Roi Mohammed VI dans son Discours à l’occasion du 62ème anniversaire de la Révolution du Roi et du Peuple (20 août 2015). Quelles leçons aujourd’hui ?
D’aucuns ont tablé sur la prise de certaines décisions antipopulaires du gouvernement de Abdelilah Benkirane pour désarçonner le Parti de la Justice et du Développement (PJD) et lui faire avaler la poussière. Mais le vote sanction n’a pas eu lieu. Bien au contraire, le parti a réussi à se maintenir. Plus, il est sorti grand vainqueur, contrôlant la quasi-totalité des métropoles et consacrant la défaite de l’opposition. Celle-ci a quand même triomphé aux communales avec 50,3% des sièges, contre seulement 45% des sièges pour la majorité.
L’annonce de Hassad
Tard dans la nuit de vendredi à samedi (4-5 septembre 2015), le verdict est tombé non sans surprise. Le PAM, a annoncé le ministère de l’Intérieur, a remporté haut la main les communales, avec 6.655 sièges (23,12%), talonné dans cette course par le Parti de l’Istiqlal avec 5.106 sièges (16,22%), du PJD avec 5.021 sièges (15.94%) et du RNI avec 4.408 sièges (13,99%). Réagissant à chaud, Abdelilah Benkirane, fidèle à lui-même, a qualifié les résultats de son parti de «victoire incontestable par le fait que les Marocains aiment simplement le PJD» et prouvent, a-t-il attesté que «les Marocains font confiance au gouvernement qui dirige les affaires du Royaume». Et d’enfoncer encore plus loin le clou en ironisant, comme d’ habitude, que la défaite de l’opposition doit pousser les trois dirigeants de l’opposition -faisant allusion au trio Hamid Chabat (PI), Driss Lachgar (USFP) et Mustapha Bakkouri (PAM)- vers la sortie.
Le PJD caracole
Volet régional, c’est incontestablement le PJD qui a caracolé en contrôlant la quasi-totalité des grandes villes. Il est sorti grand vainqueur de la course. Il a gagné Casablanca qui, désormais, revient d’office au ministre chargé des relations avec le Parlement et la Société civile, Abdelaziz El Omari. Il faudra cependant attendre que les choses se dégagent pour décortiquer les alliances. Majorité et opposition ne semblent pas disposées à nouer des alliances sans en avoir étudié les moindres coutures.
Des résultats bons ou moins bons, ainsi est fait le jeu politique. Le RNI de Salaheddine Mezouar est passé de la 3ème à la 4ème place, même s’il a réussi à grignoter un certain nombre de sièges: 4.408, contre 4.112 en 2009.
Le PJD prend les métropoles
Les élections communales et régionales du vendredi 4 septembre 2015, les premières organisées sous la Constitution de 2011, ont tenu en haleine les électeurs marocains. Finalement, c’est un taux de participation de 53,67%. Pour la première fois, les membres des Conseils régionaux ont été élus au suffrage universel direct; une réelle et courageuse consécration de la démocratie! A l’issue de la campagne électorale et une journée de vote, les observateurs se sont accordés à reconnaître que le parti dirigeant le gouvernement a réussi habilement à tirer son épingle du jeu, comme confirmé par les résultats officiels partiels communiqués durant cette nuit de vendredi à samedi par le ministre de l’intérieur, Mohamed Hassad.
La formation politique de Abdelilah Benkirane a en effet réussi -une première dans les annales des élections dans notre pays!- en s’offrant les grandes villes, ce qui lui permettra de contrôler près de 80% des budgets des collectivités locales, ainsi que celles des conseils régionaux. Ce raz-de-marée a provoqué une réunion d’urgence des leaders des formations politiques de l’opposition, Hamid Chabat (PI), Mustapha Bakkouri (PAM), Driss Lachgar (USFP) et Ilias El Omari (PAM), au siège des socialistes sis à l’Avenue Aarar à Hay Riad. Au menu, le ratissage large opéré par les amis de Benkirane dans les grandes villes, entre autres Casablanca, Kénitra, Tanger, Fès (qui a été déboulonnée au détriment du leader istiqlalien Hamid Chabat et qui revient désormais au PJDiste Driss El Azami), Errachidia, Agadir, Tétouan et Dakhla. Toutes ces cités vont changer de gestionnaires.
Il ressort aussi de cette première lecture des résultats des élections communales et régionales que ceux qui avaient misé sur un éventuel vote sanction à l’encontre du PJD, au vu du bilan du gouvernement qu’ils avaient qualifié de négatif, ont fait fausse route.
Chabat hors circuit
A Fès, l’événement a été de taille mais sans surprise. Le populisme de l’istiqlalien Hamid Chabat ne payait plus et ne drainait plus la foule. Celui-ci mettra-t-il à exécution sa promesse de démissionner de ses responsabilités partisanes «si le parti de l’Istiqlal n’obtient pas la première place aux élections du 4 septembre 2015»? Ce fut donc un réel vote sanction des Fassis pour Hamid Chabat qui a été battu dans son propre fief qu’il a longtemps dirigé, en particulier «Zouagha» où le Parti de l’Istiqlal n’a pas remporté plus de 9 sièges, alors que le PJD en a raflé 72.
Les grands perdants
Hamid Chabat n’a pas été le seul leader à rater le rendez-vous du 4 septembre 2015. D’autres et non des moindres ont connu le même sort: Mustapha Bakkouri (PAM) à Mohammedia; le Maire de Casablanca, Mohamed Sajid (UC); Karim Ghellab (PI), ancien ministre et ex-président de la Chambre des représentants, contraint à son tour de faire profil bas à Casablanca en obtenant un seul et unique siège; Yasmina Baddou (PI) qui n’a pas été plus chanceuse, puisqu’elle n’a pas réussi à conserver le district d’Anfa (5 sièges seulement); le Haraki Mohamed Ouzzine, Moncif Belkhayat (RNI) et Abdeslam Seddiki (PPS) ont connu le même sort, ce dernier battu dans son propre fief.
Face à ces échecs avoués des leaders de nombre de formations politiques et d’anciens ministres, il y a eu lieu de noter que nombre de ministres du gouvernement de Benkirane ont connu un succès retentissant. Le plus remarquable est, sans conteste, celui de Driss Azami Al Idrissi (PJD), ministre délégué chargé du Budget, que ses pairs ont qualifié non sans fierté de «libérateur de la ville de Fès» qui a longtemps été sous le joug de l’istiqlalien Hamid Chabat. Idriss Azami sera par conséquent le prochain maire de Fès, alors que le ministre chargé des relations avec le Parlement et la Société civile, Abdelaziz El Omari (PJD), sera le prochain maire de Casablanca (74 sièges sur 147). Aziz Rebbah, lui, est maintenu à la tête du conseil de la ville de Kénitra avec (42 sièges sur 55). Abdallah Bouanou, également PJD, sera à Meknès. Mohand Laenser (secrétaire général du MP) a réussi à se maintenir à Imouzzer Mermoucha avec 11 sièges sur 16. De même, Mohamed Moubdie (MP), ministre de la Fonction publique et de la Modernisation de l’administration, a conservé son éternel fief à Fquih Ben Salah.
Le PAM en tête, mais…
Le Parti Authenticité et Modernité (PAM) a de son côté remporté haut la main les élections communales du vendredi 4 septembre avec 6.655 sièges, talonné par l’Istiqlal (5.106 sièges) et le PJD (5.021 sièges).
L’USFP, grande perdante
Le PAM a certes remporté les élections communales en arrivant en tête, numériquement et en termes de sièges. Mais il a vu tomber nombre de ses symboles, tels Hakim Benchemmas, Fatima Zohra Mansouri (Maire de Marrakech) et Fouad El Omary. Si l’Istiqlal a su conserver une place de choix grâce à sa machine électorale bien huilée et suffisamment rodée, l’USFP a été de l’avis général la grande perdante de ce grand scrutin du 4 septembre 2015. Elle s’est vue privée de nombre de ses militants en désaccord avec le nouveau patron du parti, alors que d’autres ont préféré se présenter avec des listes indépendantes.
A l’attention de l’opposition qui a évoqué certaines irrégularités lors du scrutin du vendredi 4 septembre, le ministre de l’Intérieur a été catégorique: «Il y a eu des incidents isolés. Grosso modo le scrutin s’est déroulé normalement».
Mohammed Nafaa
Flashs
L’USFP perd Rabat
L’USFP a payé la facture de ses problèmes internes en se classant sixième sur la nouvelle carte politique. Nombre de ses militants connus ont fait une chute vertigineuse. Ils n’ont même pas réussi à franchir le seuil des 6%, tel Younès Moujahid (SNPM). Ainsi, les socialistes, qui ont toujours eu le contrôle de Rabat, ont perdu les clés de la capitale.
Le PPS s’en sort bien
Le PPS de Nabil Benabdallah s’est, au regard des scores, bien débrouillé. Il a réussi à obtenir 1.766 sièges (5,61%), contre 1.102 (4%) en 2009.
L’UC, dernier de la liste
L’Union Constitutionnelle (UC) que dirige Mohamed Sajid, fraîchement porté à la tête de cette formation politique, n’a pas réussi à faire une percée lors des dernières communales. Parmi les huit premiers partis engagés dans la bataille électorale, il s’est contenté de 1.489 sièges (4,7%), contre 1.307 en 2009. Il s’est tout simplement situé en queue du train.
Incompatibilité oblige
Abdelilah Benkirane l’a annoncé aux journalistes, lors de sa conférence de presse de samedi soir (5 septembre 2015): il est prévu un mini remaniement ministériel. Normal, les ministres qui seront élus à la tête des régions ne pourront plus garder le fauteuil de ministre, incompatibilité oblige.
Résultats définitifs du scrutin communal
1- PAM 6.655 sièges (21,12%)
2- PI 5.106 sièges (16,22%)
3- PJD 5.021 sièges (15,94%)
4- RNI 4.408 sièges (13,99%)
5- MP 3.007 sièges (9,54%)
6- USFP 2.656 sièges (8,30%)
7- PPS 1.766 sièges (5,61%)
8- UC 1.489 sièges (4,73%)
9- FGD 333 sièges
10- MDS 297 sièges
Le FFD a obtenu 193 sièges, suivi du Parti Al Ahd Addimoucrati avec 142 sièges. Le reste des sièges est réparti entre 12 partis politiques et des indépendants.
Succès retentissant de Mohamed Benaïssa à Assila
Mohamed Benaïssa, ancien ministre des Affaires étrangères et secrétaire général de la Fondation Assila, a enregistré un succès retentissant aux élections communales du 4 septembre 2015. Il s’est présenté sous l’étiquette d’«indépendant» et a remporté avec son équipe 28 sièges sur 30.