Avec la rentrée, l’opinion publique internationale prend, à travers la presse notamment, toute l’importance du Discours du Trône de cet été du Roi du Maroc. Le Roi Mohamed VI a mis la communauté internationale face à ses responsabilités.
Il faudra, pour avoir de bonnes relations avec le Maroc, être clair sur la marocanité du Sahara occidental. Le journal français « Libération», souvent plus proche des approches algériennes, a bien résumé ce qui est un tournant sans doute historique. «Renforcé sur la scène diplomatique ces dernières années, le Maroc hausse désormais le ton contre ses partenaires qui entretiendraient des positions ambiguës sur la question du Sahara-Occidental. Désormais, seuls les pays qui ne contestent pas la marocanité de ce territoire, que se disputent Rabat et les forces indépendantistes du Front Polisario –soutenues par l’Algérie– depuis 1976, seront les amis du Royaume chérifien. L’accueil officiel réservé fin août au chef du Polisario, Brahim Ghali, que le Maroc considère comme le chef d’une «milice séparatiste», a récemment provoqué une crise diplomatique inédite entre Rabat et Tunis, qui prenait jusqu’à présent soin de maintenir une position de neutralité sur le dossier du Sahara-Occidental».
Le journal Le Figaro, de l’autre côté politique en France, prend également date. «Le Roi Mohammed VI a exhorté les pays partenaires du Maroc à «clarifier» leur position sur la question du territoire disputé du Sahara occidental et à le soutenir «sans aucune équivoque». «Je voudrais adresser un message clair à tout le monde: le dossier du Sahara est le prisme à travers lequel le Maroc considère son environnement international», a déclaré le Roi dans un discours radio-télévisé à l’occasion de la Fête dite de «la Révolution du Roi et du peuple», célébrant le lien entre le monarque et ses sujets.
«C’est aussi clairement et simplement l’aune qui mesure la sincérité des amitiés et l’efficacité des partenariats qu’il établit», a-t-il souligné. «S’agissant de certains pays comptant parmi nos partenaires, traditionnels ou nouveaux, dont les positions sur l’affaire du Sahara sont ambiguës, nous attendons qu’ils clarifient et revoient le fond de leur positionnement, d’une manière qui ne prête à aucune équivoque», a averti le Souverain chérifien. Le souverain a salué la position «incontournable» des États-Unis -qui ont reconnu la «marocanité» du Sahara occidental sous la présidence de Donald Trump, une initiative assumée par son successeur Joe Biden. Mohammed VI s’est également félicité du revirement de l’Espagne, et dans une moindre mesure de l’Allemagne, qui se sont ralliées à «l’initiative d’autonomie» sous souveraineté marocaine prônée par Rabat pour régler le conflit du Sahara occidental. A cela s’ajoute le nouveau partenariat avec Israël, pierre majeure d’un nouveau dynamisme diplomatique. Le Maroc et Israël ont renoué leurs relations diplomatiques en décembre 2020 dans le cadre des accords d’Abraham, un processus entre l’État hébreu et plusieurs pays arabes, soutenu par Washington. En contrepartie, l’administration Trump a reconnu la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental. Les quelque 700.000 Israéliens d’ascendance marocaine ont souvent gardé des liens très forts avec leur pays d’origine.
L’importance de ce Discours tout de suite ressentie au Maroc a pris, dans l’actualité dominante de la canicule et de la guerre en Ukraine, un certain temps à infuser dans la presse internationale. Mais, en cette rentrée où l’on fait le point avec un peu de recul, la clarté marocaine a pris toute sa dimension. Le Maroc marque des points et sa main tendue, avec une constance admirable malgré les rebuffades, vers l’Algérie dans une vision géopolitique de proximité entre les territoires et les peuples, rend encore plus fragile une diplomatie algérienne qui malgré son atout gazier n’arrive pas à sortir d’un isolement grandissant. Selon un communiqué du ministère des Affaires étrangères, le chef de la diplomatie algérienne Ramtane Lamamra a discuté avec l’envoyé onusien Staffan de Mistura des «perspectives de consolider les efforts de l’ONU en vue d’une reprise des négociations directes entre les deux parties du conflit, le Royaume du Maroc et le front Polisario, pour parvenir à un règlement politique équitable et pérenne».
Ramtane Lamamra a ainsi réitéré la position de son pays rejetant la formule dite de «tables rondes», organisées à Genève en 2019 suivant une résolution de l’ONU et censées réunir le Maroc, le Polisario, l’Algérie et la Mauritanie. Alger juge ce format quadriparti «contre-productif». Le Maroc prône pour sa part la reprise de ces tables rondes pour parvenir à une solution «basée exclusivement sur l’initiative marocaine d’autonomie, dans le cadre de la Souveraineté nationale et de l’intégrité territoriale du Royaume».
C’est ce cadre qui s’impose maintenant, le Maroc a pris la main, tout le monde le constate et va en tirer conclusions et conséquences. Pour certains, ce sera douloureux car, comme l’affirmait le cardinal de Retz «On ne sort de l’ambigüité qu’à ses dépends», une phrase qui résonne étrangement depuis quelques semaines un peu partout dans le monde et à Tunis tout particulièrement. Quand au Maroc, il a illustré magistralement une autre formule celle de Boileau «Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement…».
Patrice Zehr