Maroc-UA-RASD : Ces arguments juridiques d’Alger…

La délégation algérienne qui se rend à Adis Abeba pour le 28ème Sommet de l’UA, cette fin janvier, sera conduite par le Premier ministre Abdelmalek Sellal. Sa rencontre avec le chef du Polisario, Brahim Ghali, lundi 23 janvier, aura permis aux deux hommes d’accorder leurs violons sur l’un des principaux points à l’ordre du jour du Sommet: le retour du Maroc au sein de l’UA (ex-OUA), après 32 ans d’absence.

Au sortir de cette réunion -qui a eu lieu le jour même où le Maroc déposait à Adis Abeba ses instruments de ratification de l’Acte constitutif de l’UA- Brahim Ghali a donné le ton. «Nous avons pris acte de la ratification par le régime marocain de l’Acte constitutif de l’Union africaine, y compris dans ses articles prévoyant la nécessité pour le Royaume marocain de respecter les frontières internationales du Sahara occidental», a-t-il déclaré. Le lendemain, dans un entretien à l’APS -agence de presse officielle d’Alger- il précise: «le vainqueur dans ce processus (d’adhésion du Maroc à l’UA) n’est autre que le peuple sahraoui, la cause sahraouie, l’UA et son statut qui oblige tout Etat membre à respecter les frontières héritées à l’indépendance et à respecter tous les pays membres et leur souveraineté». Un refrain que, de leur côté, les médias algériens ont repris toute la semaine, étayé d’analyses et entretiens allant dans le même sens. Que signifie cette nouvelle campagne médiatique qui prépare un affrontement sur le terrain juridique, au sein de l’UA ?

En clair, le Maroc serait désormais tenu de reconnaître la RASD, du fait qu’il a ratifié l’Acte constitutif de l’UA dont l’article 4 énonce que tout Etat membre respecte «les frontières existant au moment de l’accession à l’indépendance» et  s’engage à «défendre la souveraineté, l’intégrité territoriale et l’indépendance» des autres Etats membres.

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Les arguments juridiques d’Alger dépoussièrent le vieux principe de l’intangibilité des frontières, le fameux «uti possidetis juris» qui, à la création de l’OUA en 1963, avait divisé les Etats africains en deux groupes. Le «Groupe de Monrovia» qui était pour le maintien des frontières telles qu’héritées du colonialisme, au motif qu’il ne fallait pas provoquer de guerres entre les Etats (et ceux qui avaient été avantagés par le colonisateur voulaient garder ce qu’ils avaient). Et le «Groupe de Casablanca» qui était contre ce principe de l’intangibilité des frontières, arguant que le colonisateur les avait tracées de façon arbitraire et que les Etats étaient en droit de recouvrer leur intégrité territoriale après l’indépendance.

Dans les textes de l’OUA, c’est le «Groupe de Monrovia» qui l’a emporté. Mais en pratique, beaucoup de pays ont œuvré à modifier leurs frontières, rarement par des voies pacifiques, souvent au moyen de conflits armés. Avec les indépendances, l’Afrique connaissait plus d’une trentaine de différends frontaliers !

En ce qui concerne le Maroc, il n’a jamais adhéré au principe de l’intangibilité des frontières, puisqu’il avait déposé devant l’ONU, dès le début des années 50, toutes ses revendications territoriales, dont sa revendication de décolonisation du Sahara (alors que ni le Polisario et encore moins la RASD n’existaient à cette époque). En adhérant à l’OUA, le Maroc a bien précisé qu’il «n’entend renoncer d’aucune façon à ses droits légitimes dans la réalisation pacifique de l’intégrité territoriale du Royaume dans ses frontières authentiques».

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Aux arguments juridiques qu’Alger tente de faire valoir, aujourd’hui, le Maroc peut en opposer de nombreux autres, devant l’UA. Exemples…

Ratifier l’Acte constitutif, c’est reconnaître la RASD ? Le fait est que la majorité des Etats membres de l’UA qui ont pourtant ratifié l’Acte ne reconnaissent pas la RASD ! Certains lui ont même retiré leur reconnaissance après avoir ratifié l’Acte constitutif. Personne n’a agité l’article 4 sous leur nez.

Que le Maroc reconnaisse les frontières internationales du Sahara, comme l’écrit le journal algérien «Al Moujahid» du 22 janvier ? Mais le Maroc reconnaît ces frontières et les protège même ! Ce qu’il ne reconnaît pas, ce sont les droits que l’auto-proclamée RASD prétend avoir sur le territoire à l’intérieur de ces frontières. Et c’est bien pour ça que le Maroc a porté le dossier devant l’ONU…

Respecter la souveraineté des Etats membres ? Bien évidemment ! Mais si la RASD est membre de l’UA, cela n’en fait pas pour autant un Etat. Pas au regard du droit international. Pas au regard de l’ONU. Aujourd’hui, seuls quelque 25 Etats la reconnaissent encore. 

Respecter le «pacta sunt servanda», ce principe qui signifie que «les conventions doivent être respectées», autrement dit que le Maroc aura l’obligation de respecter l’Acte Constitutif qu’il a ratifié ? Oui, mais l’Acte constitutif prévoit aussi que ses articles puissent être amendés à la majorité des 2/3. Même si l’opération est compliquée…

C’est une féroce bataille juridique que va engager l’Algérie. Et le Maroc s’y prépare. Quant à Brahim Ghali qui multiplie les gesticulations, il n’est que la mouche du coche qui se pose sur l’essieu et dit: «quelle poussière je soulève!».

Bahia Amrani

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