Maroc-UE-Sahara : Construire ou détruire ?

La récente crise entre le Maroc et l’Union européenne (UE) en a fourvoyé plus d’un. Dans les rangs des adversaires du Maroc, les jubilations ont fusé.

Lorsque le communiqué du ministère marocain de l’agriculture et de la pêche maritime a été rendu public, lundi 6 février, les paris étaient ouverts sur une humiliation du Maroc, une longue crise avec l’UE, voire une rupture pure et simple entre Rabat et Bruxelles.

Que dit le communiqué ? Que le Maroc et l’UE ont signé un Accord agricole en 2012. Que si cet accord avait été invalidé par la Cour de justice européenne en 2015, suite à un recours des séparatistes du Polisario (chaperonné, bien évidemment, par l’Algérie) au motif qu’il ne devait pas englober le Sahara, une année plus tard, le jugement a été cassé en appel. Et, donc, que le Maroc qui applique pleinement cet Accord, veut savoir si l’UE a également l’intention de l’appliquer pleinement ? Si c’est le cas, l’UE doit prendre ses responsabilités et mettre un terme à tout ce qui entrave l’entrée des produits marocains sur les marchés européens. Sinon, le dire clairement. Auquel cas, le Maroc se désengagera de cet accord et de tous les autres qui le lient à l’UE ; il n’assumera plus cette fonction -qui lui coûte si cher- de gendarme de la rive sud de la Méditerranée face aux flux migratoires ; il se tournera vers d’autres partenaires pour ses échanges commerciaux…

Le ton du communiqué était si ferme que la presse algérienne, qui fait une fixation sur le Maroc, s’est empressée de jeter de l’huile sur le feu, parlant de chantage du Maroc, de menaces contre l’UE, etc (TSA du 6 février, entre autres). Quant à Amar Belani, l’ambassadeur d’Algérie à Bruxelles (titre qu’on devrait compléter par «chargé uniquement du Maroc»), son Cocorico avait déjà précédé le Communiqué du Maroc. Il avait applaudi à une déclaration du Commissaire européen chargé du climat et de l’énergie, l’Espagnol Miguel Arias Cañete, qui a unilatéralement annoncé que suite à l’arrêt de la Cour de justice européenne, l’UE tiendra «dûment compte du statut distinct et séparé du territoire du Sahara occidental» (c’était au sujet du projet d’échange d’électricité renouvelable, signé le 17 novembre dernier à Marrakech en marge de la COP22, par le Maroc, l’Allemagne, la France, l’Espagne et le Portugal). Belani en avait, un peu trop vite, conclu que cette déclaration «instaure un nouveau positionnement politique et juridique» de l’UE sur la question du Sahara.

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Y avait-il un nouveau positionnement de l’UE ? Le Maroc, qui a vu s’activer ses adversaires à l’entrée de quelques marchés européens, tentant d’empêcher les produits agricoles marocains d’y accéder, ou voulant instaurer un contrôle sur ces produits, au prétexte que ceux qui proviennent du Sahara ne sont pas légaux –et cela, sans que l’UE ne réagisse- voulait en avoir le cœur net. D’où ce communiqué du 6 février…

Or, alors que tout laissait croire qu’une crise majeure allait éclater entre le Maroc et l’UE, voilà qu’en moins de 24 heures le problème est réglé !

Le ministre délégué aux Affaires étrangères, Nasser Bourita, se réunit à Bruxelles avec la Haute Représentante et vice-Présidente de la Commission européenne, Federica Mogherini (réunion à laquelle a assisté un moment le Président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker). En moins de temps que ne pouvaient l’envisager les meilleurs pronostics, une déclaration conjointe est diffusée. Les deux parties y déclarent que «l’Union européenne prendra les mesures appropriées pour sécuriser l’accord agricole et préserver le partenariat avec le Maroc» ; et que le Maroc étant «un partenaire clé de l’Union européenne et l’Union européenne un partenaire clé pour le Maroc», «les deux parties demeurent attachées à ce partenariat et engagées à le défendre» !!

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Comment s’explique cette réaction de l’UE, favorable au Maroc ?

Il y a les raisons dites et répétées ici ou là… Que l’UE, déjà accaparée par les problèmes migratoires que l’on sait, par le Brexit et par les décisions de l’administration Trump, ne veut pas voir s’ajouter une crise sur la rive sud de la Méditerranée… Ou que le lobby espagnol ne peut supporter une rupture de l’accord de pêche qui anéantirait un secteur vital de l’économie ibérique…

En réalité, il n’y a pas que cela. Si le Maroc engrange des victoires, c’est d’abord pour une raison qu’oublient souvent les observateurs: sa motivation. Le Maroc est motivé par un objectif qui passe absolument avant tout: la défense de l’intégrité territoriale. Le Maroc est déterminé et prêt à tout pour défendre son intégrité territoriale. Pour lui, l’objectif vaut tous les combats et tous les sacrifices… Ensuite, il y a la nouvelle approche du Maroc de Mohammed VI. Elle repose sur 3 piliers: travail, anticipation et prise de risques. Il a fallu au Maroc beaucoup de travail pour devenir aussi crédible aux yeux de l’UE, lui devenir indispensable parfois et même pour être en mesure de se passer de ce partenariat s’il le fallait… Personne ne le souhaite au Maroc, mais les arrières assurés, on est mieux placé pour négocier… Aussi, voyant les opportunités en Europe se réduire et la concurrence devenir plus féroce à mesure que l’UE s’élargissait à de nouveaux membres, Rabat a diversifié ses produits ces dernières années, de même qu’elle s’est attelée à diversifier ses destinations.

Les adversaires du Maroc, eux, n’ont qu’une motivation: contrecarrer tout ça. Ils ne construisent pas, ils détruisent. C’est toute la différence.

Bahia Amrani

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