Incontestablement, «MasterChef Maroc», diffusée sur 2M trois mois durant, a été l’EMISSION télévisée de l’année. Celle qui a eu le plus grand succès populaire, suivie, de semaine en semaine, par un nombre croissant de fans, avant de battre un record d’audience avec ses 5,5 millions de téléspectateurs lors du «Prime» final.
Un tel succès, si rare pour nos télévisions nationales trop souvent zappées au profit de chaines satellitaires, n’est évidemment pas dû au hasard.
Les initiateurs du projet ont leur propre explication de sa réussite. Le producteur de l’émission, Fouad Loukili en livre l’essentiel au «Reporter» (voir l’entretien, plus loin)
Il est vrai qu’à la base, il y a un certain nombre de conditions objectives, à ce succès. Par exemple, le concept «MasterChef» est international (il existe 41 autres «Masterchef» dans le monde). Telle une franchise, il est appliqué dans le respect des règles qui lui sont propres et qui ont fait son succès sous d’autres cieux.
Mais, comme dans toutes les franchises, il y a, à côté de la partie «adoption pure et simple» du concept, une petite marge pour l’adaptation.
Et dans le cadre de cette petite marge de manœuvre accordée aux acquéreurs de la franchise, tout peut se jouer. L’ensemble du concept peut être soit dévalué, soit magnifié.
Dans le cas de «MasterChef Maroc», si le succès est allé au-delà de ce que pouvaient garantir les conditions objectives (concept international, respect des règles, rigueur dans la conduite du projet, ou encore fort soutien des sponsors…) ; s’il est même allé au-delà des espérances des initiateurs du projet ; c’est que d’autres éléments ont contribué à l’alchimie qui a conduit au résultat final.
En réalité, ces éléments étaient peu nombreux, mais subtils.
Le choix des candidates et candidats à la compétition -représentant des classes d’âge, régions, et catégories socio-professionnelles diversifiées, n’excluant pas une représentation des MDM (Marocains du monde) dont la porteuse du flambeau, Halima, a d’ailleurs fini en tête- était bien inspiré.
De même que l’organisation de «Primes» dans plusieurs villes du Maroc –une dizaine, dont Rabat, Marrakech, Oujda, ou Fès ; sans oublier la perle du Sahara marocain qu’est Dakhla- était bien vue.
Il n’a pas échappé aux téléspectateurs que, dans ce souci de diversification –qui donnait à voir, chaque fois, des paysages différents et de nouveaux théâtres d’action pour les compétiteurs- il y avait aussi un clin d’œil en direction du patrimoine historique national. Villes impériales, richesse régionale (Sud, Nord, Oriental, Saïss…) et, bien sûr, Sahara marocain dont la cuisine pourrait bien inspirer quelques plats gastronomiques (la candidate d’Espagne, Halima, n’a-t-elle pas fait du biscuit populaire «Bechkito» un dessert gastronomique ?)…
Dernier trait d’intelligence de «MasterChef Maroc», cette superbe idée d’organiser au moins un «Prime» en Afrique subsaharienne (au Gabon). Un autre «Prime» a eu lieu en Turquie. Mais si la Turquie «parle» aux téléspectateurs marocains, depuis que les séries télévisées turques (comme «Samhini») ont détrôné les «moussalsals» égyptiens et les «novelas» mexicaines, embarquer l’équipe pour la Turquie seulement aurait relevé du simple choix touristique.
Un «Prime» en Afrique, quant à lui, relie subtilement l’émission à un autre des thèmes forts du Maroc (outre le Sahara et la régionalisation): la préservation de ses liens avec cette partie sud du continent auquel il appartient et la mise en exergue, en cette occasion également, des racines subsahariennes du Royaume.
C’est ainsi qu’en définitive, que les téléspectateurs aient aimé «MasterChef Maroc» pour la compétition des candidats, pour le suspense maintenu sur trois mois, pour les recettes de cuisine, pour la variété des thèmes et paysages, ou pour des messages plus subtils… Ils avaient tous une raison de l’aimer. Et, au «Prime» du baisser de rideau, ils étaient 5 millions et demi dans ce cas !
Il y a juste à regretter qu’il n’y ait pas eu de distribution plus généreuse de prix. Pour une émission qui s’est vu allouer un budget de 25 millions de Dirhams (DH), un seul prix à la seule candidate gagnante et qui plus est n’atteint même pas le demi-million de DH, cela atténue l’impression de grandeur et de générosité que dégageait l’émission tout au long de la compétition ! Des prix auraient pu être prévus à partir des quarts de finale. Les candidats arrivés jusqu »à ce niveau des épreuves (1/4 de finale, ½ finale et finale) les auraient bien mérités. Comme il n’est pas juste –ni même logique- que le 2ème finaliste (cette année, Ismaïl) reparte les mains vides, sans aucune reconnaissance le distinguant des candidats éliminés 4 ou 5 semaines avant lui. Pour cette seule raison, l’émission a laissé à nombre de téléspectateurs un petit arrière-goût de déception (à l’image de celui décelé par les membres du jury dans certains plats en compétition, pourtant donnés gagnants à première vue)… La fête finale était aussi trop expéditive, sommaire, donnant le sentiment d’une émission qui finit en queue de poisson dès lors que le nom du gagnant (cette année, une gagnante: Halima) est donné. Ce ne sont que des détails, au regard des 3 mois d’émission, mais le diable se cache dans les détails !
Bahia Amrani