Le Conseil national des droits de l’Homme a dévoilé, lundi 8 juillet, lors d’une conférence de presse à Rabat, le résultat d’un rapport sur les activités médico-légales au Maroc.
En vue de contribuer au vaste chantier de la Justice en cours de réforme, le Conseil national des droits de l’Homme (CNDH) a réalisé une étude sur les activités médico-légales afin de déterminer les modalités de mise en œuvre d’une réforme de ce secteur au Maroc. Le rapport dresse un état des lieux concernant les ressources humaines, les équipements et les infrastructures de cette activité avec leurs défaillances.
Cette étude a été élaborée par une équipe multidisciplinaire, laquelle a questionné des acteurs de trois champs d’activités médico-légales: le champ thanatologique comprenant les autopsies et les examens externes des cadavres, le champ des certificats médico-légaux de tous genres, y compris pour les femmes et enfants victimes de violences, et le champ des expertises médico-judiciaires.
Le groupe de travail a procédé à l’étude de l’ensemble des instruments et rapports du droit international concernant les droits de l’Homme en matière d’activités médico-légales et de la législation marocaine. Les pays étudiés sont la Tunisie, l’Algérie, la France, la Suisse, le Portugal, les Pays-Bas, l’Egypte, la Suède, l’Espagne, l’Allemagne et l’Italie. La mission a aussi entrepris des visites de tribunaux de première instance, de centres hospitaliers et de Bureaux municipaux d’hygiène de 7 villes: Tanger, El Jadida, Safi, Khouribga, Rabat, Fès et Casablanca.
On apprend à travers ce rapport du CNDH que le Maroc ne compte que 13 spécialistes en médecine légale (dont deux professeurs-assistants et un professeur agrégé) et une seule unité universitaire spécialisée pour tout le pays. Sur le terrain, l’équipe a constaté que la plupart des morgues se caractérise par la vétusté des locaux et des installations frigorifiques, l’insuffisance quantitative et qualitative du matériel utilisé dans les autopsies et un personnel médical en nombre insuffisant.
Le groupe de travail du CNDH souligne aussi que le Parquet général n’a qu’un contrôle hypothétique sur la qualité des certificats médico-légaux (CML), puisque de très nombreux CML sont à peine lisibles même pour un médecin. Les unités hospitalières d’accueil des femmes et enfants victimes de violences sont rarement identifiées et ne disposent pas de médicaments pour la contraception d’urgence, la prévention et le traitement des infections sexuellement transmissibles…
Concernant les expertises médico-judiciaires, le rapport souligne qu’elles sont confiées en général à des médecins inscrits sur les tableaux des experts auprès des Cours d’appel, n’ayant pour la plupart aucune formation préalable en matière d’expertise et d’évaluation du dommage corporel. «Bon nombre d’experts judiciaires sont en même temps des médecins-conseils des compagnies d’assurance, parties au procès, ce qui bat en brèche le principe d’indépendance et d’impartialité», précise le rapport.
Les activités médico-légales représentent un enjeu important pour la bonne administration de la justice tant pénale que civile. Elles jouent un rôle déterminant dans les investigations criminelles liées aux atteintes à la vie ou à l’intégrité physique des personnes (levées de corps ou autopsie en cas de décès, délivrance de certificats médico-légaux en cas de blessures volontaires ou involontaires ou d’agressions sexuelles)…
Absence d’un cadre institutionnel
Des recommandations préconisent la création d’un Conseil national ou supérieur de la médecine légale ou un Institut national de médecine légale; une couverture de l’ensemble du territoire avec un schéma régional; le placement du service public hospitalier au cœur du dispositif, avec une approche globale de la médecine légale, pour les morts et les vivants; et la révision des critères pour l’inscription aux tableaux des experts avec la formation continue. Cette formation se décline en formation initiale des étudiants en médecine, en formation des spécialistes en médecine légale et en formation postuniversitaire ciblée pour certains champs de l’activité médico-légale, tout en assurant un financement juste et pérenne, précise le rapport du CNDH. |