Une conférence internationale à Casablanca, organisée par le Centre Euro-Méditerranéen de médiation et d’arbitrage, en partenariat avec la Société financière internationale (IFC), autour du thème «La médiation: instrument de réforme», a démontré qu’en matière de médiation, le Maroc a encore du chemin à faire…
Pour les professionnels, la médiation est cependant plus qu’un moyen alternatif de règlement des litiges. Elle pourrait être appréhendée comme un instrument de réforme. Concrètement, la mise en œuvre des textes juridiques relatifs à la médiation implique un changement des mentalités et le développement de la culture de recours aux moyens alternatifs de règlement des litiges, a estimé Choukri Ajraoui, magistrat détaché au ministère de la Justice et des Libertés. Le système juridique marocain dispose, depuis 5 ans, d’une loi sur «l’arbitrage et la médiation conventionnelle», outre des dispositions juridiques favorisant d’autres moyens alternatifs de règlement des conflits, notamment dans les domaines de la famille, du travail ou encore du commerce. Le Maroc œuvre, depuis quelques années, à l’institutionnalisation de la médiation judiciaire dans le système juridique marocain, a aussi fait savoir le magistrat qui a rappelé que les modes alternatifs de règlement des litiges se sont imposés lors des discussions sur la réforme de la Justice.
Ce qu’en pense la CGEM
Intervenant au nom de la CGEM (patronat marocain), Fayçal Mekouar a pour sa part souligné que la médiation, surtout celle commerciale, permet d’une façon remarquable l’amélioration du climat des affaires. Ce processus de règlement des litiges trouve également sa place dans des plans stratégiques de développement comme «Emergence». Il a par ailleurs souligné l’importance du plan d’action mis en place, qui porte sur la sensibilisation, à travers des conférences, la formation des médiateurs et l’accompagnement par la création de centres régionaux de médiation. Celle-ci offre plusieurs avantages, notamment celui d’éviter la longueur des procédures judiciaires et d’alléger les dépenses que ces dernières engendrent.
Prenant part au débat, le chef de programme à la Société financière internationale (SFI), Milo Sevanovich, a salué l’action menée au Maroc en matière de réglementation et de structures dédiées à la médiation, soulignant que l’expérience marocaine peut servir de modèle. Il a cité à cet égard la mise en place du comité public-privé pour la promotion des modes alternatifs de règlement des litiges, le renforcement des capacités du Centre Euromed de Médiation et d’Arbitrage (CEMA), ainsi que les opérations de formation et de sensibilisation.
Il y a lieu de souligner que les modes alternatifs de règlement des litiges au Maroc occupent désormais une place prépondérante mue par l’importance du partenariat public-privé instauré en la matière. La bonne évolution de la médiation commerciale au Maroc traduit l’engagement des partenaires dans la promotion de ce mode alternatif de règlement des conflits.
Qu’en est-il réellement?
Un premier constat fait quand même ressortir que l’impact de la médiation conventionnelle au Maroc reste faible, en dépit des avancées en matière de lois et textes juridiques. C’est ce qu’ont affirmé les intervenants de la conférence.
Malgré le fait qu’elle figure dans le système juridique marocain depuis cinq ans, la médiation conventionnelle n’a pas réussi à réaliser les objectifs escomptés, selon El Hassan El Gassem, président de la Cour d’appel et de commerce de Casablanca. Il a assuré que la procédure judiciaire serait plus rapide en cas de réactivation de la médiation.
Pour sa part, Amal Lamniai, conseillère du ministre de la Justice et des Libertés, a estimé que le recours à la médiation, en tant que moyen alternatif de résolution des conflits, est plus efficace et plus pacifique que la justice. «On assiste aujourd’hui à une judiciarisation des rapports. Avec moins de 400 magistrats et plus de trois millions d’affaires, il devient nécessaire de recentrer les interventions des juges. Le développement des moyens alternatifs semble nécessaire», a-t-elle souligné. Le recours à la médiation conventionnelle peut se faire avant ou au cours de la procédure judiciaire. Cependant, son impact reste faible, a encore estimé la conseillère du ministre de la Justice.
Ce débat sur la médiation a été également abordé dans le cadre du dialogue national sur la réforme de la justice, a-t-elle indiqué, soulignant que la médiation judiciaire, nouvelle conception de la médiation, vise à faire du juge la clé de voûte et le prescripteur de la médiation. «Le plus grand travail à faire, reste de mettre en place des structures et mécanismes pour assurer à ce mode toutes les chances pour réussir. Il faut penser à sensibiliser les juges et les citoyens, former les magistrats, mais également organiser la profession du médiateur». En somme, il est nécessaire de commencer par organiser la profession du médiateur.
De son côté, le président du Directoire du Centre EuroMed de Médiation et d’Arbitrage, Hassan Alami, a souligné que les efforts seront multipliés afin que la médiation judiciaire soit instituée et pour ancrer le réflexe dans les transactions commerciales.
À quand une médiation obligatoire?
Un projet de loi est en préparation. L’objectif est de passer de la médiation conventionnelle à la médiation obligatoire pour désengorger les juridictions commerciales déjà en mal de ressources. |
Des dates et des chiffres
L’action est menée depuis plus de cinq ans, mais ses effets demeurent en deçà des attentes. Tout a commencé en décembre 2007 avec la promulgation de la loi régissant la médiation et l’arbitrage. En février 2009, l’État et la CGEM (Confédération générale des entreprises du Maroc) ont pris un engagement sur la promotion de la médiation dans le plan Émergence. Depuis, il y a eu la constitution d’une commission pilotée par le CNEA pour la promotion de la médiation. Pour sa part, la SFI, en partenariat avec le Centre Euromed de médiation, aura formé plus de 100 médiateurs et 14 formateurs. |