La mendicité est devenue, pour certains, un métier qui rapporte des fortunes. Certains mendiants profitent des fêtes et des occasions religieuses, comme la Ramadan, pour soutirer de l’argent aux passants, quitte à recourir à la violence.
Samedi 26 mai 2018, 11h du matin, boulevard Ghandi à Casablanca. Siham, jeune mère, vient à peine de sortir d’une boulangerie. Elle constate qu’elle est suivie par un jeune mendiant. Celui-ci lui demande: «Al okht, chi sadaqa âlallah, Allah ihafdak». N’appréciant pas le refus de la jeune femme, ce professionnel de la mendicité adopte une posture agressive. Ce qui pousse la jeune casablancaise à hâter le pas et à changer de trottoir, de peur d’être agressée. Surtout que, dans la journée, pendant de Ramadan, les agressions augmentent considérablement. Après le Ftour, les mendiants ciblent les personnes installées dans les terrasses de cafés. Ils demandent la charité tout en convoitant les objets de valeur déposés sur les tables.
Un art et des techniques
Leur nombre augmente de jour en jour, pour atteindre des pics pendant le Ramadan. Dans toutes les villes du Maroc, dont Casablanca, les mendiants se déploient dans des endroits stratégiques (marchés, boulangerie, GAB…) Hommes et femmes, jeunes ou vieux, chaque mendiant y va de son argument pour attendrir sa cible. Pour recevoir un don, plusieurs techniques sont mises en avant. Quand les uns préfèrent exposer leur handicap, réel ou fictif, les autres utilisent des enfants en bas âge, loués à 50 DH/jour, pour susciter la pitié des âmes charitables et toucher leur sensibilité.
D’autres professionnels de la mendicité viennent grossir les rangs des mendiants nationaux. Il s’agit de subsahariens ayant choisi de faire la manche. Ils parlent le dialecte marocain. Mais la plupart de ces immigrés visent une certaine catégorie de citoyens à même de leur donner plus d’un dirham.
La lutte contre les mendiants se poursuit
Certes, des actions sont menées à Casablanca, pour éradiquer le fléau de la mendicité. Ainsi, des unités d’assistance sociale sont déployées dans la ville 24h/24, pour appréhender les quémandeurs. Ces équipes, composées d’assistantes sociales, entre autres intervenants, agissent principalement au niveau des points noirs les plus connus de la ville: les ronds-points à fort trafic piéton et automobile, les mosquées, les souks, les principales avenues, outre les gares routière et ferroviaire et les stations de tramway. Les mendiants sont ensuite conduits au centre d’accueil de Tit-Mellil où ils sont hébergés, le temps que les assistants sociaux de l’établissement effectuent leur enquête, avant de proposer des formes d’intégration.
Malheureusement, ces efforts n’ont pas permis de venir à bout de ce phénomène qui prend de l’ampleur chaque jour, comme le montrent les chiffres fournis par la Direction Générale de la Sûreté Nationale. En 2016, la DGSN a annoncé l’interpellation de 8.593 personnes, dont 1.177 mineurs, 2.492 femmes et 415 ressortissants étrangers, dans le cadre de la lutte contre la mendicité. Les fouilles effectuées ont permis la saisie de 35 couteaux et de 22 boîtes de produits stupéfiants. Les arrestations ont concerné, au total, 159 cas de mendicité avec violence ou menace de violence, 189 cas de mendicité avec exploitation de nourrissons et de mineurs, ainsi que 26 cas de mendiants se faisant accompagner de personnes en situation de handicap, a précisé la même source.
Autrefois, le phénomène de la mendicité se limitait à certains quartiers périphériques et populaires. Aujourd’hui, même les quartiers huppés ne sont pas épargnés par cette activité considérée, par ceux qui la pratiquent, comme un moyen idéal pour se faire de l’argent facilement et rapidement. La mendicité est devenue une véritable profession qui rapporte, parfois, plus qu’une activité normale, surtout pendant le Ramadan et Aïd Al-Fitr, où la «Zakat» est un devoir pour tout croyant.
Mohcine Lourhzal