Hasna est lycéenne. Elle a 17 ans. Elle raconte comment ses parents se déchiraient tout le temps, jusqu’à ce qu’elle et sa petite sœur connaissent le déchirement final.
«Mes parents ont divorcé, alors que j’entamais mes 15 ans. Et, depuis ma naissance, j’ai toujours vécu avec eux des moments de panique, durs et terribles. Les disputes entre mes parents ne cessaient jamais. Elles étaient invivables, alors que les causes étaient parfois tellement futiles. Il suffisait, par exemple, que ma mère n’ait pas préparé le dîner à l’heure pour que mon père se mette à râler.
Et puis, de reproches en reproches, la tension montait au point où nous assistions, ma petite sœur et moi, à des situations complètement hystériques. Les assiettes, l’ameublement, l’électroménager, tout volait en éclats. Mon père s’en prenait à tout ce qui se trouvait sur son passage. Il faut dire que tout ce qui se trouvait chez nous était de toute façon complètement bousillé et recollé. Mon père tabassait aussi ma mère et, pour finir, il la mettait à la porte avec presque rien sur le dos et sans crainte qu’il lui arrive malheur dans la rue ainsi vêtue. Ce genre de scénario se répétait sans cesse sous nos yeux, d’abord, puis après sous les yeux de tout le quartier qui regardait par les fenêtres. Tous voyaient aussi ma mère presque nue, les membres meurtris jusqu’au sang par les coups, le suppliant de nous laisser partir avec elle. Il verrouillait les portes et s’en allait dormir, nous ordonnant d’en faire de même. Elle, contrainte et forcée de nous abandonner dans ce vaste chantier de débris, allait se réfugier chez une de ses amies qui avait pris l’habitude que ce genre de choses arrive dans notre maison. En plus, on ne pouvait souffler un mot de tout ce qui se passait chez nous dans la famille. Ma pauvre mère cachait ces hématomes et avait peur que l’un des siens soit alerté et que cela finisse en tuerie. Et puis, à quoi cela aurait-il servi parce que, quelques jours après, comme si rien ne s’était passé, notre père allait voir ma mère sur son lieu de travail, la suppliant de l’excuser pour qu’elle revienne à la maison? Ma pauvre mère, qui ne supportait pas d’avoir été séparée de nous et de vivre dans la honte chez son amie, se laissait encore mener par le bout du nez. Mais la tempête revenait toujours et même de plus belle. La fois où mon père avait vraiment été trop loin dans son hystérie et qu’il avait jeté le pilon du mortier en cuivre de la cuisine à la tête de ma mère, pour la lui écrabouiller, disait-il, parce qu’il l’avait entendue le traiter d’âne, poussa ma mère à aller porter plainte. Elle avait enfin pris la ferme résolution de divorcer. Les choses devinrent sordides; nous assistions à une bataille des plus féroces et des plus inhumaines. Mon père ne supportait pas que ma mère l’ait traîné en justice et que ce soit elle qui ait eu le courage de demander le divorce, alors qu’il s’était fait traiter d’âne. Pour ça, pendant deux ans, il la traquait, la poursuivait, la pourchassait. Il ne vivait plus que pour lui causer du tort. Pour lui, il était inadmissible que pareille chose se soit produite. Ma mère devait payer le prix de cet affront. Il s’était même arrangé pour que la justice tranche en sa faveur en la faisant passer pour femme indigne. Ma mère, finalement non sans mal, se séparait de mon père. Notre garde ne lui avait pas été accordée, ni aucun sou… Mon père avait même soudoyé l’avocat de ma mère pour que son dossier soit incomplet. Ainsi, ma petite sœur et moi avons atterri chez nos grands-parents paternels et enfin nous vivions tranquilles, au moins sans crainte d’être encore les témoins de scènes de cruauté, de cris et de pleurs. Nous n’avions pas le droit de voir notre mère, qui n’essayait même pas de faire prévaloir ses droits; c’était vain… Nous nous débrouillions pour essayer de garder contact avec elle sans éveiller de soupçons. Aujourd’hui, nous nous acharnons à essayer de rattraper le retard accumulé dans notre scolarité, mais de ça, mon père s’en fiche complètement. Ma petite sœur et moi rêvons de grandir, de nous en sortir et de retrouver un jour notre maman que nous aimons tant».
Les pauvres