Driss Lagrini, Directeur du Groupe de recherche sur les études internationales et la gestion des crises
Samedi 21 octobre, le Maroc annonce le rappel pour consultation de son ambassadeur à Alger, de même que la convocation du chargé d’Affaires à l’ambassade d’Algérie à Rabat. Ces deux décisions interviennent quelques heures après les déclarations du ministre algérien des Affaires étrangères, Abdelkader Messahel, qui a accusé les entreprises et les banques marocaines de financer leurs activités «grâce à l’argent du haschich». Dans cet entretien, le directeur du Groupe de recherche sur les études internationales et la gestion des crises nous livre sa lecture du timing de ces critiques.
Le chef de la diplomatie algérienne, Abdelkader Messahel, a accusé le Maroc de financer son économie par le biais de l’argent sale. Le Timing de cette sortie médiatique n’est pas innocent, estiment plusieurs observateurs. Quelle est votre position par rapport à cela?
Il faut tout d’abord souligner que ces déclarations portent préjudice aux relations de bon voisinage entre le Maroc et l’Algérie. Ces déclarations sont l’expression du niveau de bassesse atteint par Abdelkader Messahel qui porte atteinte à la diplomatie de son pays. En s’attaquant au Maroc, Messahel, qui n’a ni la carrure, ni les compétences de son poste, a cru pouvoir porter préjudice aux institutions économiques nationales. Qu’il se détrompe! Le Royaume est un pays stable, dont le développement et l’économie sont pris comme modèle dans plusieurs pays de la région. Quoi qu’il arrive, jamais un ministre des Affaires étrangères ne doit se défaire des règles de bonne conduite, telles que connues au sein de la sphère diplomatique.
De l’avis de plusieurs analystes politiques et économiques algériens, les propos de Abdelkader Messahel dénotent la faillite du pouvoir algérien. Partagez-vous ce point de vue?
Les propos irresponsables et l’attitude immature du ministre algérien des Affaires étrangères montrent que le pouvoir algérien n’a plus rien à proposer à la population. Pour se libérer de toute responsabilité, Abdelkader Messahel, qui n’est en fait que la voix de ses maîtres au palais Mouradiya, a jugé bon de s’en prendre au Maroc, un pays qui dépasse de loin l’Algérie dans tous les domaines. Ce que le chef de la diplomatie algérienne ne réalise peut-être pas, c’est que le Royaume, avec des moyens financiers et des ressources naturelles limités, a pu réaliser en quelques années ce que l’Algérie peine toujours à mettre sur pied.
Selon la majeure partie de la population algérienne, pour ne pas dire toute, les ressources de son pays ont été délibérément pillées par une poignée de dignitaires du pouvoir en place. Qu’en pensez-vous?
Les Algériens ont raison de réclamer l’argent du pétrole et de l’exploitation du gaz naturel, deux ressources dont les prix avaient connu dans le passé des hausses considérables. Le pouvoir algérien aurait très bien pu utiliser les pétrodollars dans le développement du pays et l’amélioration des conditions de vie des Algériens. Au lieu de cela, la primauté a été accordée à l’achat d’armement et au pillage des ressources financières du pays. Le résultat de cette politique délibérée est connu de tous. En 2017, l’Algérie est devenue un pays sous-développé, alors qu’il avait les moyens d’agir en faveur du développement de toute la région et de l’ensemble du continent africain.
Le recours à la planche à billet est-il un indicateur de la crise économique qui frappe de plein fouet l’Algérie?
La planche à billet est en elle-même un aveu d’échec. Le recours à cette option veut tout simplement dire que le pays est en phase de déclin et que l’explosion sociale et la faillite économique n’est qu’une question de temps.
La tournée dans la région de l’émissaire onusien, Horst Kohler, a-t-elle une quelconque relation avec la sortie irresponsable de Abdelkader Messahel contre le Maroc?
L’envoyé spécial du Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies (ONU) au Sahara, Horst Kohler, a visité le Maroc dans le cadre d’une tournée qu’il effectue dans la région. M. Kohler, contrairement à son prédécesseur Christopher Ross, est connu pour sa neutralité dans le traitement du dossier du Sahara. L’émissaire onusien va, après la fin de sa tournée, présenter un rapport de la situation dans la région au Conseil de sécurité. C’est à ce niveau que l’Algérie a la trouille. Le pouvoir algérien craint en effet que Horst Kohler démasque les magouilles algéro-polisariennes dans ce dossier. Abdelkader Messahel s’est imaginé que le Maroc va avoir une réaction disproportionnée ou que Rabat va aller jusqu’à couper les relations diplomatiques avec Alger. La tentative de Messahel n’a pas eu, malheureusement pour lui, le résultat escompté. Le Royaume est un pays souverain qui maîtrise les bases de la diplomatie entre les deux pays.
Partagez-vous les avis qui estiment que la percée économique et diplomatique du Maroc aux niveaux continental et mondial y sont pour beaucoup dans l’irritation du pouvoir algérien?
En multipliant les mesures et les décisions inappropriées, le pouvoir algérien a isolé le pays de son environnement régional. Abdelkader Messahel, en s’en prenant au Maroc et à son économie, ne fait que renforcer le positionnement du Royaume au niveau du continent et vis-à-vis de ses partenaires économiques. Le ministre algérien des Affaires étrangères, Messahel, a certainement mal pris l’adhésion du Maroc à la CEDAO et son retour, par la grande porte, au sein de l’Union Africaine (UA). En définitive, les propos déplacés du ministre algérien des Affaires étrangères dénotent un aveu d’échec du pouvoir algérien. L’Algérie, contrairement au Maroc, est à bout de forces et de moyens et ce n’est pas Abdelkader Messahel qui va remédier à la situation.
Propos recueillis par Mohcine Lourhzal