L’Europe de Bruxelles est menacée de différentes explosions. Problème des migrants, faillite grecque, euro-scepticisme britannique et danois… L’Europe va mal.
Elle n’arrive pas vraiment à parler d’une même voix en assumant ses valeurs vis-à-vis du drame actuel des migrants. Entre le petit geste symbolique français de logements supplémentaires et le mur de protection des hongrois, il y a tout de même un fossé dans l’approche.
C’est une Europe fragilisée qui est face au dilemme de la faillite grecque. Ce dossier et surtout son traitement renforcent ceux qui veulent quitter l’euro et même l’Union ou la réformer totalement, comme la G-B de Cameron et maintenant le Danemark. Une forte progression du parti populiste de Kristian Thulesen Dahl était certes attendue, dans la foulée du double-attentat de Copenhague en février et dans un contexte de crispations autour des questions d’immigration et d’intégration. Mais les sondages situaient son score autour de 18%, soit trois points de moins que son résultat réel. Le parti anti-immigration signe là une nouvelle victoire, après avoir obtenu un score déjà marquant lors des européennes, il y a un an. La renégociation, sinon la sortie de l’Europe, est dans son programme.
Tout cela va pousser l’Europe à durcir les lois sur migrants et immigrés, ne serait-ce que pour donner à Cameron des arguments pour rester dans l’Europe.
Une illustration de ce climat a été visible pendant des jours à la frontière italienne de Vintimille et Menton. Alors même que le ramadan commençait, des dizaines d’Africains étaient accrochés à des rochers artificiels le long d’une frontière aujourd’hui désaffectée.
Ce spectacle a entraîné une forte mobilisation des associations en faveur des migrants, mais il a aussi exacerbé le rejet et l’hostilité d’une autre partie de la population. C’est donc un problème politique qui provoque une véritable crise entre l’Italie qui ne veut pas garder les migrants et la France qui se refuse à les recevoir. Paris a ainsi mis en place un dispositif de contrôle renforcé à la frontière italienne, bloquant de fait l’entrée sur son territoire de milliers de clandestins.
Le gouvernement français s’est toutefois dit résolu, mercredi, à créer 10.500 nouvelles places d’hébergement pour demandeurs d’asile et réfugiés, face à l’afflux de migrants. La France a enregistré 65.000 demandes d’asile en 2014.
Le syndrome Melilla, comme certains le nomment, progresse avec la tentation d’un rideau de barbelés, de mur anti-immigration. L’Europe se sent assiégée et ses grands discours généreux sont à l’épreuve des murs de la honte qui, on le sait, depuis la muraille de Chine, le mur d’Hadrien ou la ligne Maginot, ne servent pas à grand-chose et pourtant!
La Hongrie a annoncé, mercredi 17 juin, la fermeture de sa frontière avec la Serbie, un nouveau signe de la crise migratoire au lendemain de l’échec des Européens à décider d’une répartition solidaire des réfugiés sur leur territoire.
De tous les pays de l’Union européenne, la Hongrie est celui qui subit la plus forte pression migratoire. Une réponse commune de l’UE à ce défi prend trop de temps et la Hongrie ne peut plus attendre. Elle doit agir, a indiqué le ministre des Affaires étrangères, Peter Szijjarto.
Selon le gouvernement hongrois, 95% des migrants entrant en Hongrie le font par la frontière serbe. Quelque 75% d’entre eux arrivent de Syrie, d’Irak et d’Afghanistan, dont ils fuient les combats. En janvier et en février de cette année, la Hongrie a également vu arriver des milliers de Kosovars poussés à l’exode par la situation économique. L’ONG Comité d’Helsinki à Budapest a déploré le projet de clôture, évoquant un «nouveau Rideau de fer».
A l’extrême est de l’UE, la Bulgarie prévoit de prolonger de 82 km cette année sa clôture barbelée de 30 km, érigée fin 2013 sur sa frontière avec la Turquie longue de 274 km.
Le pape François a mis en cause tous ceux, gouvernements ou individus, qui «ferment les portes aux migrants» et a invité les catholiques à «demander pardon à Dieu» en leur nom.
Mais cela sera-t-il suffisant? On peut en douter.
Un peu plus de 25 ans après la chute du mur de Berlin, le territoire de l’Union européenne doit faire avec l’édification de nouvelles murailles sur ses frontières. D’une manière générale, depuis le 11 septembre 2001, on constate un peu partout sur le globe une augmentation massive de l’édification de clôtures ou de murailles aux frontières pour contrôler les migrations. En Europe, cela s’est déjà manifesté à plusieurs reprises: l’Espagne a édifié ses barbelés à Ceuta et Melilla et la Grèce a fini son mur sur une partie de sa frontière avec la Turquie en 2012 – dans un gouvernement où figurait l’actuel Commissaire européen aux Affaires intérieures, Dimitris Avramopoulos -.
Le syndrome Melilla est un nouveau mal d’une Europe qui ne va pas bien.
Patrice Zehr