M’jid : ceux qui ont trahi Casa

M jid internet

Mohamed M’jid, acteur associatif, président de la Fondation M’jid

«Tout le monde profite de cette situation»

Comment réagissez-vous au discours royal prononcé lors de l’ouverture de la session d’automne parlementaire?

Comme tous les citoyens, j’ai suivi le discours de Sa Majesté le Roi et il faut dire que, cette fois-ci, il est encore plus percutant. Il est le résultat d’une constatation. Sa Majesté n’est pas journaliste, mais il a la responsabilité du pays. Son devoir est de se pencher sur tous les problèmes qui touchent le pays, ainsi que la recherche de la solution adéquate, sachant que, si on arrive à solutionner les problèmes de Casablanca, on aura résolu les problèmes du Maroc. Parce que tout se concentre à Casablanca: l’économie, le social et la politique (la bonne et la mauvaise). Dans les journaux, on parle beaucoup de corruption. Or, là où il y a corruption, il y a dysfonctionnement. Les responsables de ce pays -ce que j’appelle les acheteurs de voix- se taisent et perdent la voix quand on fait appel à eux. C’est cela le système de gestion dans ce pays. Et c’est le cas à Casablanca. Il y a malheureusement carence et dysfonctionnement et je dirais même, sans hésiter, trahison. Car on ne peut pas acheter des voix et engager des centaines de millions pour rendre service au pays et aux citoyens. Ce n’est qu’un investissement frauduleux. D’ailleurs, on connaît pratiquement l’origine de cet argent et on connaît aussi sa destination. On sait pourquoi ces gens-là se disputent pour être élus: non pas pour servir, mais pour se servir. Mais tout le mal provient des partis politiques qui désignent des mafieux. Un parti mafieux ne peut désigner que des mafieux et le résultat est malheureusement là. Il est à souligner que, pour avoir une responsabilité dans ce pays, il faut avoir une carte de parti: la fameuse «tazkia». Et c’est cette «tazkia» qui est vendue par le parti politique, lequel permet à l’élu d’acheter des voix. Comment voulez-vous que cet élu gère le pays, alors qu’il ne fait pas de la vraie proximité, c’est à dire la découverte, l’écoute, le dialogue, la responsabilisation et l’accompagnement des populations?

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Quel regard portez-vous sur la gestion locale dans le Grand Casablanca?

Ces messieurs, qui sont venus pour la gestion de Casablanca, ne sont pas là pour gérer. Mais à 95%, ils sont venus pour profiter et je n’exagère pas. Casablanca et les Casablancais ne les intéressent pas. En fait, ce qui les intéresse, c’est ce qu’ils vont mettre dans leur poche. A Casablanca, il y a encore des constructions insalubres et des bidonvilles. Quand vous passez dans un coin, vous constatez qu’il est nu. Mais deux jours après, si vous y repassez, vous trouverez qu’il y a cinquante baraques. Vous n’allez pas me dire que les autorités sont aveugles ou qu’elles sont absentes. Non! Tout le monde est là. Mais tout le monde profite de cette situation. Car il y a la corruption. Malheureusement, le fléau de ce pays, c’est la corruption et il faut avoir le courage de la combattre. Il aura donc fallu le discours de Sa Majesté le Roi qui a, une fois de plus, lancé un SOS pour que toutes les parties concernées se penchent sur les problèmes de Casablanca et se mobilisent pour écarter ceux qui sapent l’économie de cette ville. Les élus doivent tenir compte du message royal et aller de l’avant. Et quand je dis «aller de l’avant», il ne faut pas discuter de politique dans les salons ou dans les palaces, comme on fait. Ces élus doivent aller là où il y a les problèmes réels et voir comment vivent les populations. Ils doivent aller dans les zones où les enfants de 4-5 ans se disputent, à côté d’une poubelle, la nourriture avec des vaches, des chiens et des poules. C’est cela en fait le rôle des hommes politiques. C’est surtout aller là où il y a les problèmes réels, écouter les gens qui souffrent et ne pas attendre le week-end pour aller sur la corniche. Mais, encore une fois, les partis politiques sont responsables de la situation déplorable qui prévaut à Casablanca. Qu’ils ne viennent pas me dire qu’il y a des problèmes, qu’ils ont essayé de les régler, mais qu’ils n’ont pas pu. Mais quels sont ces problèmes?

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Au Conseil de la ville de Casablanca, on insiste sur le fait que, si la gestion a échoué au niveau de cette métropole, c’est parce que les moyens financiers sont insuffisants pour aller de l’avant. De plus, il n’y a pas que l’intervention du Conseil de la ville. D’autres intervenants participent également à cette gestion. Qu’en dites-vous?

Mais qu’on le dise publiquement: que ces élus viennent à la télé et annoncent clairement pourquoi cette gestion a échoué. Du moment qu’ils se taisent, c’est qu’ils sont complices et ça les arrange. C’est très bien de dire aux journalistes que l’on essaie, mais que l’on ne peut rien faire à cause des contraintes qu’il y a. Mais lesquelles? Si les élus ne sont pas capables de combattre ces contraintes, eh bien, qu’ils se retirent et qu’ils laissent la place à d’autres. Et il y en a! Il y a des jeunes et des femmes qui sont très compétents et peuvent très bien gérer Casablanca. Pourquoi jusqu’à présent écarte-on la femme ? Il y a très peu de femmes au Conseil de la ville. Malgré cela, tout le monde criait victoire. Or, c’est la moitié des femmes qu’il faut. Il faut -et c’est obligatoire- inclure la femme dans la gestion de la chose locale, parce qu’elle est compétente, disponible et surtout honnête.

En tant qu’associatif, qu’attendez-vous des responsables de Casablanca?

Ces gens-là, on les appelle, on les convoque et on essaie de se réunir avec eux. Mais ils ne répondent pas et donc ne viennent pas. Ils fuient tout simplement. Personnellement, ma journée compte au minimum dix heures de travail. Je réponds aux appels et vais à l’écoute des citoyens. A mon âge (NDLR: 90 ans), il m’arrive de faire 800 kilomètres dans la journée pour aller à la rencontre des citoyens qui souffrent encore de l’enclavement.

Entretien réalisé par Naîma Cherii

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