Pour Mohamed Badine El Yattioui, l’attaque menée contre des cibles civiles à Es-Smara est une atteinte claire et nette à l’accord de cessez-le-feu de 1991. Pour ce Professeur en Etudes Stratégiques au Collège de Défense Nationale des Emirats Arabes Unis, si l’implication du Polisario dans cette attaque est officiellement avérée, le Maroc pourra riposter de différentes manières. Entretien.
«Avec l’attaque d’Es-Smara, l’accord de cessez-le-feu de 1991 a été violé»
Quatre obus ont été tirés sur la ville d’Es-Smara dans la nuit du 28 au 29 octobre 2023. Les premiers indices portent à croire que le Polisario est impliqué dans cette attaque, interpellant, notamment par son timing. Quelle lecture en faites-vous?
L’attaque sur la ville d’Es-Smara a eu lieu 48 heures avant l’adoption de la Résolution 2703 sur le Sahara par les membres du Conseil de Sécurité. Cette Résolution a, une nouvelle fois, enterré l’option référendaire au grand damne du Polisario et de ceux qui soutiennent ce mouvement séparatiste. Cette Résolution a également appelé l’ensemble des parties à ce conflit artificiel, y compris l’Algérie, à adhérer pleinement au processus des Tables Rondes sous l’égide exclusive de l’ONU pour résoudre définitivement ce dossier qui n’a que trop duré. Bien entendu, le contenu de la Résolution 2703 n’arrange pas les affaires du Polisario et encore moins celles du Régime algérien qui ont voulu, à travers l’attaque d’Es-Smara, marquer le coup et provoquer une nouvelle fois le Maroc. Deuxième élément à prendre en compte en ce qui concerne le timing de cet acte criminel, c’est le fait que l’Algérie et le Polisario voient d’un très mauvais œil, les percées et victoires diplomatiques du Royaume aux niveaux régional et international. Le Polisario et l’Algérie ont profité du fait que les yeux du monde sont tournés vers ce qui se passe au Proche-Orient et en Ukraine pour commettre leur basse besogne. Aujourd’hui, les plus grandes puissances mondiales voient en le Maroc un acteur clé à plusieurs niveaux, un interlocuteur sérieux et un partenaire stratégique crédible. En attaquant au-delà du Mur de Défense, le Polisario prouve une nouvelle fois que c’est un groupe terroriste. Avec l’attaque d’Es-Smara l’accord de cessez-le-feu de 1991 a été violé.
Comment le Maroc va-t-il réagir selon-vous?
Comme l’a expliqué l’Ambassadeur-Représentant Permanent du Maroc auprès des Nations-Unies lors de la conférence de presse qu’il a donnée le 30 octobre 2023 peu après l’adoption de la Résolution 2703 sur le Sahara, l’enquête diligentée par le Procureur Général du Roi près la Cour d’Appel de Laâyoune et celle de la Minurso, permettront d’identifier les auteurs de l’attaque d’Es-Smara. D’ores et déjà, tous les indices disponibles convergent vers une seule et unique conclusion, celle de l’implication directe du Polisario. Bien sûr, le Maroc ne restera pas les bras croisés. Le Royaume peut agir diplomatiquement, à travers son Représentant Permanent à l’ONU, Omar Hilale. La réaction de Rabat peut également se faire au niveau des grands acteurs internationaux, notamment les Etats-Unis où le Maroc a désormais un nouvel Ambassadeur, en la personne de Youssef Amrani qui peut faire pression sur les membres du Congrès et de l’Administration Biden pour que le Polisario intègre la liste des Organisations terroristes. Aussi, le Royaume peut agir dans le même objectif, au niveau de l’Union Européenne (UE). Le Maroc peut également recourir à des solutions plus radicales pour remettre le Polisario à sa place.
L’hypothèse d’une intervention des Forces Armées Royales est-elle envisageable?
Parallèlement au volet diplomatique, les Forces Armées Royales (FAR) pourront peut-être prendre leurs propres mesures. Dans ce cas, on sera devant une autre situation. Ce qui est sûr, c’est que l’armée marocaine agira comme elle l’a toujours fait dans un cadre mesuré, ciblé. Comme l’a dit Omar Hilale, il faut attendre les résultats des enquêtes menées par le Maroc et la Minurso avant de prendre les décisions qui s’imposent. Quoi qu’il en soit, les auteurs de l’attaque sur Es-Smara ne s’en tireront pas comme ça.
Propos recueillis par Mohcine Lourhzal