Mon addiction me perdra

Chadine, 38 ans, cadre en entreprise, est veuve. Cette jeune femme raconte son addiction à l’alcool et à la drogue. Un problème qui n’est pas seulement masculin. Voici son histoire.

«L’enfer, j’y suis et je ne pense pas que je vais en sortir. Au départ, il me semblait que je pouvais m’amuser sans crainte, que mon orgueil bafoué ne s’en portait que mieux ett que l’addiction concernait les gens faibles, pas ceux qui savent se contrôler. Je me suis rendue compte de mon erreur bien trop tard, malheureusement.

Quelle énorme déception, lorsque j’avais appris que mon ex-époux ne m’aimait pas et qu’il me trompait outrageusement. Je comprenais que ce qui le liait à moi n’était que mon salaire et les avantages qu’il lui procurait. Il faut dire aussi que j’avais délibérément fait l’aveugle, lorsque je le voyais ne pas dépenser un sou pour notre maison, ni pour moi. Il me faisait avaler des couleuvres en disant vouloir économiser pour nous offrir un véhicule de luxe. Il tranquillisait la gourde que j’étais, avec les siennes d’ambitions. C’était une obsession qu’il avait fini par vaincre haut la main à mes dépens. Une fois cette berline dans notre garage, elle s’en était prise à notre couple. Il fut pulvérisé. Cette maudite caisse, il la chérissait bien plus que quiconque au monde. C’est que grâce à elle, d’homme complètement ordinaire, il s’est mué en dandy égocentrique. Son narcissisme puant l’arriviste médiocre et ses mensonges étaient devenus navrants, exaspérants. Mais ce n’était pas ce qui m’avait vraiment décidée à le quitter.

Une amante délaissée allait se manifester en anonyme pour me faire des aveux. Je sus alors que mon mari me trompait avec des centaines de jeunes filles. Mais qu’il fricotait de façon permanente avec l’une d’entre elles. Cette cafteuse, par rage, m’avait déballé, tel un détective, tous les détails qui me conduiraient sans peine jusqu’à notre cible. Eh oui, forcément, il fallait que j’accepte mon nouveau statut d’épouse cocufiée et que nous étions toutes les deux des victimes. Certaines femmes sont sacrément culottées, mais j’évitais de le lui faire savoir. J’avais plutôt écouté son récit avec un calme olympien. Elle me rendait un service d’une valeur inestimable. J’avais enfin la preuve que les soupçons qui me hantaient parfois étaient bel et bien fondés.

La burka et moi

Le lendemain, déguisée en burqua, je n’ai pas eu de peine à repérer mon mari, tranquillement assis dans sa chère auto, attendant l’arrivée de sa conquête attitrée. Je vis alors se diriger droit vers lui une jeune femme qui faisait danser sa chevelure sur ses épaules. Mon cœur s’arrêta de battre, lorsque je l’ai vue se placer à ses côtés. Les jambes cotonneuses, j’ai quand même eu cette force inouïe, sûrement décuplée par la rage, de sauter comme une panthère, jusqu’à la portière. Je l’ai ouverte grand et, avec mes dix doigts, j’ai agrippé cette crinière offerte. Sa propriétaire, je l’ai arrachée du siège par la chevelure et l’ai faite basculer au sol. Je l’ai piétinée avec bonheur, je l’avoue. Mon poltron de mari, lui, avait démarré en trombe en nous délaissant. Me rendant compte que je risquais gros, seule face à cette inconnue, j’ai eu le réflexe de m’enfuir. Sous le coup de la surprise et de la douleur, l’autre aussi avait fait pareil.

De retour à la maison, notre dispute fut énorme. Ce goujat, même démasqué, continuait son cinéma. Il hurlait que j’étais une folle à lier, que je faisais tout un plat pour la fille d’un collègue. Un peu normal qu’il eut tenté l’incongru, des fois que ça marcherait. N’étais-je pas celle qui payait toutes les factures et même celles de ses frasques? Assuré du fait qu’il n’y avait plus d’issue, il m’a craché d’horribles paroles. De celles qui restent à tout jamais tatouées dans votre mémoire, même si elles ne sont pas correctes. Nous avons finalement conclu qu’il n’était plus question pour nous de rester ensemble.

Mon divorce avait été, d’un côté salvateur et, d’un autre, dévastateur. Je n’avais pu avaler le fait d’avoir été bernée et exploitée de la sorte. Le doute est une souffrance, mais lorsqu’il est remplacé par de la certitude, cela détruit. Ces mots entendus et ces rivales qui s’étaient dévoilées m’avaient profondément souillé l’âme. Il fallait donc à tout prix renaître de mes cendres.  Très vite,  je me suis mise en couple avec un homme, dont le profil était bien différent du précédent. Avec mon nouveau compagnon, mon ego avait été pansé. Bel homme, bon job, avec une tendance à trop faire la fête qui ne me déplaisait pas du tout. C’est avec lui, entre autres, que j’appris à boire, fumer des joints et me doper, pour tenir le coup au boulot, le jour et la nuit pour les soirées. J’avoue que je ne me suis jamais fait prier, au contraire, j’adorais, c’était grisant. Je ne me rendais pas compte que je devenais de plus en plus «addict» et que j’allais en baver. Bien plus que mon petit divorce avec ce petit larbin devenu plus quelconque qu’il ne l’était.

Vive la famille quand elle est comme ça !

Toutes ces années de fête et de dope, presque tous les soirs, ont eu raison de mon compagnon. Il n’a pas survécu à une foudroyante attaque cardiaque. Je me suis ainsi retrouvée seule, encore une fois, avec mes beaux souvenirs et avec les mauvais aussi, buvant et me droguant à outrance, par accoutumance et pour m’oublier. A force, contrôler mon addiction est quasi impossible maintenant. Par manque, au boulot, je suis devenue agressive. Cela m’a value d’être démasquée, dégradée et mise à l’écart. Je n’ai plus aucun contact avec les membres de ma famille, ni amies proches avec lesquelles je me suis brouillée à cause de cela aussi. Ne contrôlant jamais mes dépenses, j’ai très vite fini par toucher le fond. Aujourd’hui, j’ai pleinement conscience de mon état, mais il n’y a rien qui puisse m’aider à m’en sortir. Je suis foutue».

Mariem Bennani

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