Monsieur le ministre… Vous ne protègeriez pas le viol ?

La vague d’indignation qu’a soulevée l’affaire Amina Filali, au Maroc et dans le monde entier –où elle s’est propagée en moins de temps qu’il ne faut pour le dire, grâce aux réseaux sociaux- est, bien évidemment compréhensible.

Amina Filali est cette adolescente de 16 ans qui a mis fin à ses jours, à Larache, petite ville conservatrice du Nord du Maroc, en avalant de la mort-aux-rats, parce qu’elle n’en pouvait plus de vivre avec l’homme qu’elle avait dû épouser pour sauver l’honneur. Il avait abusé d’elle quelques mois auparavant et sa mère l’avait poussée à se marier avec lui, comme le permettaient deux textes de loi. L’article 475 du code pénal qui annule les sanctions (amende et peine de prison) contre le violeur s’il accepte d’épouser sa victime. Et l’article 20 de la Moudouwana (code de la famille) qui, dans certains cas, autorise le juge à ignorer l’âge légal pour marier des mineurs.

 

Rejetée par sa famille autant que par sa belle-famille, battue par son mari qui acceptait visiblement mal d’avoir été contraint de l’épouser, Amina Filali s’est donné la mort en ingurgitant du poison pour rongeurs.

On comprend donc la charge émotionnelle que déclenche une telle affaire. Et l’on comprend, par conséquent, l’avalanche de réactions auxquelles elle a donné lieu à travers le monde. Même le parlement européen en a débattu ce mercredi 21 mars !

Ce que l’on comprend moins, ce sont les déclarations du ministre de la Justice, Mustapha Ramid ?

Passons sur le fait qu’il se soit empressé de prendre la défense de «sa chapelle», assurant que l’adolescente décédée avait consenti au mariage qui lui aura été fatal. Ce qui choque davantage, c’est qu’il annonce publiquement qu’il n’y a pas lieu de toucher à l’article 475 du code pénal… Cet article scélérat qui permet au violeur d’échapper à sa peine (5 à 10 ans de prison), s’il accepte d’épouser la fille qu’il a violée !!!

Libye Justice pour un roi

Comment cela, Monsieur le ministre… ? Ne rien changer à un texte de loi qui a conduit à ce scandale et soulevé la réprobation, partout, au Maroc et dans le monde ? Mais aucune loi n’est éternelle ! Toutes sont perfectibles ! Et c’est bien à l’épreuve de la pratique qu’on peut voir leurs limites…

Procédons à une analyse, calmement. Loin des réactions émotionnelles qui risquent de perturber notre perception des choses.

Il est vrai, Monsieur le ministre, qu’initialement, des textes comme l’article 475 du code pénal, ou l’article 20 du statut personnel, avaient été conçus pour protéger, non pour accabler, les citoyennes et citoyens auxquels ils s’appliquent.

Tenant compte de la mentalité de la majorité de la population marocaine (mentalité régnant dans le monde rural, patelins, petites villes et quartiers défavorisés des grandes villes), le législateur a voulu laisser quelques portes ouvertes. Dans l’article 20 de la Moudouwana, sachant que certains parents s’obstineront à marier leurs filles avant l’âge légal (18 ans), quitte à le faire en ayant recours à la simple lecture de la «Fatiha», mais que ce procédé traditionnel ne donne droit à aucun avantage légal (ni mariage, ni enfants reconnus. Ni héritage…), le législateur a donné au juge la possibilité de marier des mineurs, à certaines conditions, préservant ainsi leurs droits (si les parents marient leur fille à 15 ans, sans autorisation du juge et qu’elle se retrouve veuve à 17 ans avec deux enfants, pour peu que sa belle-famille la rejette, elle se retrouvera à la rue, sans le sou, elle et ses enfants).

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L’article 475 du code pénal, lui, a cru bon de permettre au violeur de se racheter en épousant sa victime et en lui proposant un «statut honorable», au lieu de l’abandonner après l’avoir «déshonorée» aux yeux de la société…

Le fait est que ces articles ne sauvent pas toujours les victimes, sans compter les abus qu’ils ont permis… Ils ne sont donc pas bons.

Si, qu’à Dieu ne plaise, Monsieur Ramid, la fille d’un de vos amis ministres était violée par un drogué SDF, trouveriez-vous suffisant de proposer au violeur le mariage avec la fille de votre ami, sur la base de l’article 475 ?

Il faut donc réformer cet article, Monsieur le ministre. Le violeur ne doit pas échapper au châtiment. Quant à la personne violée, l’Etat doit la prendre en charge, psychologiquement et financièrement, si elle est dans le besoin, jusqu’à sa complète réinsertion dans la société. Elle ne peut pas avoir seulement à choisir entre deux doubles peines: violée et contrainte d’épouser son violeur quel que soit le traitement qu’il lui réserve ; ou violée et abandonnée de tous. Vite, Monsieur le ministre, prenez les devants, réfléchissez à changer cette loi proposez une réforme. Le monde entier attend cela. Sinon, de toutes les manières, l’opposition, au Parlement, s’en chargera, puisque c’est du parlement que relève la loi. Mais alors, que vous vous y opposiez ou que vous y adhériez sous la pression, vous y perdriez de votre crédibilité…

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