Moussaoui Ajlaoui, chercheur au Centre d’études pour l’Afrique et le Moyen-Orient

Moussaoui Ajlaoui, chercheur au Centre d’études pour l’Afrique et le Moyen-Orient

Suite aux Hautes instructions de SM le Roi Mohammed VI, le Maroc a décidé de se retirer de façon unilatérale de la zone de Guergarate. Dans cet entretien, Moussaoui Ajlaoui, chercheur au Centre d’études pour l’Afrique et le Moyen-Orient, explique que le Maroc a pris la décision de se retirer de Guergarate pour des raisons stratégiques. Il estime que, si elle le voulait, l’armée marocaine aurait anéanti les troupes du Polisario présentes à Guergarate en quelques minutes.

Le Maroc a effectué, dimanche 26 février 2017, une opération de retrait unilatéral de ses troupes de la zone de Guergarate. Quelle lecture faites-vous de cette décision?

La décision du Maroc de se retirer unilatéralement de Guergarate est un signal positif envoyé à la communauté internationale et au nouveau Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies (ONU), en particulier. Le Maroc a décidé de se retirer de la zone de Guergarate après que le SG de l’ONU, Antonio Guterres, a exprimé ses inquiétudes face au climat de tension qui règne depuis plusieurs semaines sur cette zone. Guterres a demandé à SM le Roi Mohammed VI, lors d’un entretien téléphonique, d’agir pour un retour au statu quo ante à Guergarate. Pour montrer sa bonne foi et sa confiance en le nouveau SG de l’ONU, le Souverain a tout de suite donné ses Hautes instructions aux FAR pour se retirer immédiatement de la zone de Guergarate. En donnant une suite favorable à la demande du nouveau SG de l’ONU, le Royaume a ainsi envoyé un signal positif à l’ONU. Il a fait preuve d’un self-control remarquable, évitant de la sorte de tomber dans le piège qui lui a été tendu par le Polisario et son mentor algérien, consistant à le pousser à la confrontation militaire en multipliant les provocations contre les éléments des FAR qui étaient présents à Guergarate pour une mission pacifique.

Après le retrait du Maroc de Guergarate, la presse algérienne et les séparatistes ont crié victoire contre le Maroc. Qu’en dites-vous?

Il est évident que le Polisario et le régime algérien vont utiliser la décision marocaine de retrait de Guergarate pour crier victoire. S’il le voulait, le Maroc aurait anéanti les troupes du Polisario à Guergarate en quelques minutes. Le Royaume n’est pas un pays dirigé à l’aveuglette ou à l’humeur. Il prend les décisions qu’il voit justes en fonction de ses objectifs stratégiques, qu’il finit d’ailleurs toujours par atteindre. Le Polisario a besoin d’un coup d’éclat pour se procurer une légitimité. Il a donc imaginé qu’il pouvait tirer profit, avec le soutien du pouvoir algérien, des travaux  de goudronnage effectués par le  Maroc à Guergarate, pour envoyer dans la région ses troupes et crier à la reprise des hostilités par le Royaume. En se retirant de cette zone, le Maroc a mis en échec le plan du Polisario et de l’Algérie.

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Peut-on dire que le Maroc s’est retiré de Guergarate, après y avoir accompli la mission pour laquelle il s’y était rendu?

Effectivement, les troupes marocaines s’étaient rendues à Guergarate pour y effectuer une opération d’asphaltage d’une route de 4 kilomètres. Le Royaume voulait contribuer à la fluidité du trafic commercial et routier à la frontière avec la Mauritanie, tout en mettant un terme à la contrebande dans cette zone.

Quelles sont, selon-vous, les raisons stratégiques qui ont poussé le Maroc à se retirer de Guergarate?

Le Maroc a opté pour une stratégie agissante dans le continent africain et auprès des puissances mondiales. Grâce à la vision prospective du Souverain, le Royaume a réussi à réintégrer l’Union Africaine (UA), malgré les coups bas du Polisario et de l’Algérie qui voulaient empêcher ce retour par tous les moyens. Malgré cela, le Royaume est revenu au sein de sa famille institutionnelle panafricaine par la grande porte. Il est devenu un partenaire clé pour de nombreux pays africains et occidentaux. Tout cela fait que le Polisario et l’Algérie sont pris d’une rage qui les empêche de voir la réalité en face et se décider enfin à admettre que le Maroc a réussi à leur tirer le tapis sous les pieds.

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Maintenant que le Maroc s’est retiré de Guergarate, comment voyez-vous l’évolution de la situation in situ?

Maintenant, c’est au nouveau SG de l’ONU, Antonio Guterres, de passer à l’action. Comme il a demandé au Maroc de veiller à ce que la situation ne dégénère pas à Guergarate, il doit aussi faire pression sur le Polisario et ceux qui les soutiennent pour qu’ils se retirent à leur tour de cette zone. Quoi qu’il en soit, le Maroc a gagné des points face au Polisario. N’oublions pas que le SG de l’ONU présentera en avril 2017 son rapport sur la situation au Sahara. L’organisation onusienne va certainement réagir fermement à la provocation que lui a directement faite le Polisario en refusant de se conformer à ses recommandations, contrairement au Maroc qui a tout de suite répondu favorablement à la demande d’Antonio Guterres. Le Polisario démontre ainsi sa mauvaise foi et prouve qu’il a des intentions belliqueuses. Aujourd’hui, le front séparatiste devra s’expliquer devant les grandes puissances mondiales, à savoir les Etats-Unis, la France et l’Espagne qui ont tous applaudi la décision marocaine de retrait unilatéral de Guergarate.

L’ancien SG de l’ONU, Ban Ki-moon, s’était clairement rangé du côté des séparatistes.  Qu’est-ce qui empêcherait son successeur, Antonio Guterres, d’en faire de même, malgré le message positif qui lui a été envoyé par le Maroc?

Contrairement à son prédécesseur Ban Ki-moon, qui ne  maîtrisait pas le dossier du Sahara, le nouveau SG de l’ONU, le Portugais Antonio Guterres, a une connaissance plus fine de ce dossier. Après six années passées à la tête du Haut-Commissariat des Réfugiés (HCR) et sept années à la  présidence d’un gouvernement socialiste au Portugal, Guterres fera certainement mieux que son prédecesseur à la tête de l’ONU. Ceci dit, il est vrai qu’il ne faudrait pas crier victoire trop vite, car tout Secrétaire général de l’ONU doit composer avec d’autres puissances avant de se prononcer sur un dossier donné.

Propos recueillis par: Mohcine Lourhzal

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Un commentaire

  1. Analyste objectif ?

    Je constate deux choses :

    1. La route goudronnée n est pas terminée
    2. Le polisario est maintenant présent dans cette zone
    3. Si c’est pour se retirer de cette manière, fallait pas y aller. Pensait on que le polisario aller rester les bras croisés ?? Si oui alors il y a un manque de clairvoyance de la part de nos stratèges !

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