Robert Mugabe, mort vendredi 6 septembre à l’âge de 95 ans, personnifie la trajectoire tragique d’un homme confondu avec le destin de son pays, le Zimbabwe. L’espoir fou suscité par l’une des dernières indépendances d’Afrique, en 1980, s’est mué en un interminable échec.
Comparé à celle de l’idole planétaire qu’est devenu Nelson Mandela, vainqueur de l’apartheid dans l’Afrique du Sud voisine, il laisse exsangue ce pays d’Afrique australe bien doté en richesses naturelles sur lequel il a régné pendant trente-sept ans (1980-2017). Militant indépendantiste converti au marxisme, Mugabe avait passé dix années en prison et participé à la lutte armée depuis le Mozambique voisin.
Il n’a pas été seulement, à la fin des années 1970, le libérateur de l’ancienne Rhodésie britannique, dont les habitants noirs vivaient sous le joug du régime suprémaciste blanc de Ian Smith. Il a incarné le moment de grand basculement des forces: le triomphe des faibles face aux pouvoirs colonisateurs, dans ce qu’on appelait encore le tiers-monde.
Non réglée, la question agraire devient, à la fin des années 1990, une obsession. Sa décision de confisquer les terres de Blancs, pour les distribuer à des obligés, débouche sur une catastrophe agricole. L’hyperinflation et la pauvreté vont de pair avec un autoritarisme paranoïaque et une répression croissante. Le chéri des Occidentaux devient un paria, le jeune libérateur un vieillard autocrate accusant l’ancien colonisateur de toutes les turpitudes.
LR