Que l’on soit sur internet ou dans la rue, plus aucune différence! La mondialisation a depuis longtemps touché le royaume et en a fait sa proie. Mondialisation de quoi? Celle des fêtes de fin d’année…
En passant par des sites étrangers pour consulter ses mails, lire les informations ou encore acheter des articles, cela ne vous a sûrement pas échappé. Vous êtes accueillis par des publicités délirantes de sapins verts étincelants, des boules de toutes les couleurs, des cannes en sucre, sans oublier le fameux père Noël. Ho, Ho, Ho!
Certains sites ont même changé leur design en fonction de cette fête.
Et dans nos rues, l’ambiance se transpose comme par magie. Où que l’on aille, les guirlandes sont accrochées, les sapins plantés, les vitrines illuminées… On se croirait presque dans un autre pays. Il ne manque plus que la neige!
«Ce qui est magnifique dans votre pays, c’est que vous êtes ouverts à toutes les cultures. Vous avez la vôtre, mais nous aussi en tant qu’étrangers, on retrouve nos marques, ce qui nous facilite la vie», déclare une retraitée française installée au Maroc.
Une confusion qui traverse les générations
Les générations défilent et pourtant, il y a toujours ceux qui ont du mal à séparer le réveillon du nouvel An (la Saint Sylvestre) de celui de Noël (soirée du 24 décembre). Pour certains, «tout cela n’est qu’une pure tradition chrétienne qu’il faudrait arrêter de suivre».
Si le nouvel An célèbre le début d’une nouvelle année «administrative» ou «civile» pour la plupart d’entre nous, pour d’autres, il est difficile de ne pas y voir une connotation religieuse. «Pourquoi ne faisons-nous pas tout ce tralala, toute cette célébration pour notre calendrier à nous?», s’enquit un homme. Et un autre de répliquer: «Eh bien, parce qu’on travaille avec le calendrier grégorien tout simplement».
Concernant Noël, «c’est la même chose, tout le mois de décembre est décoré de sapins et de traîneaux. Noël ou nouvel An, c’est pareil».
Chez les petits aussi, il n’y a pas vraiment de différence entre Noël et nouvel An. Certes, il y a les décorations qui sont posées bien avant le 24 décembre… Sauf qu’elles restent jusqu’en janvier (ou plus tard)! Il y a aussi les cadeaux que les parents, qui jouent le jeu, posent au pied du sapin, entre le 24 décembre et le 1er janvier, selon les disponibilités (généralement le week end qui se situe entre ces deux dates)… «Quand on n’a pas de sapin, on le (le cadeau) retrouve dans les chaussettes, a dit la maîtresse», raconte innocemment le petit Yassir de 5 ans.
Les chaussettes, pas les souliers?… Ici, rien n’est vraiment très précis.
Dans certaines familles, on reprend les traditions et on en fait un méli-mélo personnel. «Chez nous, tout y est sauf qu’on change les dates. Par exemple, à Noël, on se contente des cadeaux, de la décoration et des biscuits à la cannelle. La dinde, les marrons glacés, les huîtres, etc, c’est pour le jour de l’An», explique Salwa, une femme rencontrée au supermarché.
Une ambiance de Noël à tout prix
Difficile de ne pas succomber à la tentation d’une bûche alléchante dans une pâtisserie et surtout quand tout le monde en commande une. Difficile aussi d’échapper à la décoration, à moins que l’on reste chez soi. Partout dans les rues, les magasins ornent leur vitrine de toutes sortes de petits effets rappelant Noël et l’hiver. Des guirlandes géantes et des traîneaux à rennes dans les centres commerciaux, des pères Noël gonflables en vente dans les médinas et des sapins imposants dans les cafés et hôtels.
Pour cet hôtelier, ce changement de décoration était principalement à destination des touristes. «Au début, c’était pour les touristes pour qu’ils se sentent chez eux. On voulait recréer ici l’ambiance qu’ils ont en Europe», explique-t-il. Sauf qu’en cette période hivernale, son hôtel enregistre beaucoup plus de «bookings» de la part des nationaux appréciant cette ambiance enchanteresse et cherchant à passer les fêtes de fin d’année loin de chez eux.
Depuis le début du mois de décembre, les habitués des cafés commencent à bouder ceux qui n’ont pas changé leur déco. Ils préfèrent ces ambiances cocooning faites de blanc et de vert.
Certains cafés rivalisent d’originalité en créant un total look bleu ou rouge pour apporter une touche de modernité. «J’ai apporté un concept des Etats-Unis ici. Toute ma décoration est new-yorkaise, mes clients cherchent à se sentir dans un endroit différent. C’est pour cela que l’ambiance de Noël ou de Thanksgiving est primordiale ici. Faire l’impasse sur cette décoration serait une grosse perte pour moi», déclare la propriétaire d’un café branché ayant vécu aux Etats-Unis avant de retourner au Maroc. Elle achète ses objets de décoration sur des sites spécialisés basés à l’étranger. Elle dit payer le prix fort pour se distinguer de la concurrence, mais l’effet est garanti: son café est plein à craquer à toute heure de la journée et jusqu’à tard le soir.
Offrir ou ne pas offrir?
«La culture d’offrir un cadeau à Noël n’existe pas ici», remarque un vendeur. En effet, à Noël, dans les pays catholiques, ce sont les enfants qui sont les plus gâtés puisqu’ils croient dur comme fer au père Noël qui apporte des cadeaux et à la féerie de cette fête. Chez nous aussi, les enfants des familles modernes et/ou nanties attendent Noel et ses cadeaux qu’ils voient à la télévision ou qu’on leur raconte à l’école. Cependant, quand il s’agit des «grands», on oublie de faire plaisir aux autres. A moins qu’il s’agisse de jeunes couples qui profitent de ce genre d’occasions pour montrer qu’ils se soucient du bonheur de leur conjoint en lui offrant tout et n’importe quoi, pourvu que ça produise un effet positif!
D’un autre côté, si les Marocains n’offrent pas des cadeaux personnalisés à chaque membre de la famille, comme on le voit chez nos amis étrangers, on note cependant une tendance à offrir des cadeaux pouvant profiter à plusieurs personnes en même temps, ce qui est le cas des fromages, des chocolats et autres mets délicieux.
Dans une enseigne de chocolat belge, un jeune couple choisit une boîte de chocolat spécial fêtes de fin d’année. «Vous me voyez offrir quelque chose que j’aurais moi-même choisi à ma belle-mère? Rien ne trouve grâce à ses yeux, pas même un bijou en or. Elle le trouvera hideux. Au moins, avec une belle boîte de chocolat, elle ne trouvera rien à redire puisque c’est son pêché mignon», lance Ahmed, 32 ans, le regard espiègle.
Souvent déçus par les présents que l’on nous fait et qui ne sont pas à notre goût, on aurait préféré à certains moments ne rien recevoir, pour ne pas avoir à faire semblant d’être ravi du cadre photo clignotant qu’on vient de recevoir. «J’ai arrêté avec les cadeaux le jour où j’ai reçu un vase tout moche, alors que je venais d’offrir une belle montre de marque», pesta la femme d’Ahmed.
Dans les familles marocaines modestes, Noël ne compte pas. Pas de réveillon, pas de fête. Personne n’y fait, ni reçoit de présents. Les cadeaux aux enfants, c’est pour Achoura.
Par contre, quel que soit le budget de la famille, un effort est fait le jour de l’An, ne serait-ce que pour le bon augure de l’année qui commence…
Et puis, l’ambiance générale, dans la rue, à la télévision, dans les grandes surfaces, est à la fête. L’effervescence est contagieuse au marché, dans les pâtisseries… Tous les foyers, chacun selon ses moyens, apportent une petite touche festive au dîner du 31 décembre. Au minimum, gâteaux et friandises accompagnent la soirée télé et ses programmes spéciaux.
Comme l’a dit la dame (retraitée française), au Maroc, on aime toutes les fêtes. A fortiori, celle du jour de l’an que le monde entier célèbre… Calendrier grégorien oblige !
YS