Ceux qui veulent hausser les épaules, bailler d’indifférence, ou faire semblant de regarder ailleurs, peuvent bien le faire. Ils n’y échapperont pas pour autant.
La cause –internationale- gagne du terrain. Qu’ils le veuillent ou non, année après année, elle s’impose à eux, s’introduisant insidieusement dans leur vie, leur foyer… Pire, dans la tête des leurs…
Cette cause a sa journée mondiale: le 8 mars.
Elle a ses armées: institutions internationales, ONGs, partis politiques (pas tous), intellectuels…
Et elle a ses fossoyeurs: conservateurs, néo-conservateurs, intégristes, machistes… (Et même des femmes aux préférences passéistes qui ne veulent pas que la condition de la femme change).
D’où le combat interminable entre défenseurs et fossoyeurs de la cause.
En quoi consiste cette cause ? Au fil des époques et selon les contrées, chacun a pu lui accoler sa propre définition et ses propres objectifs. Mais, à la fin des fins, cette cause consiste tout simplement en ce que la femme soit considérée comme un être humain à part entière.
Faut-il le rappeler ? Un être humain à part entière, c’est quelqu’un qui a d’abord les pleins pouvoirs sur sa personne et sa vie ; ensuite, autant d’options que les autres dans la vie publique. Cela parait simple, en effet, pourtant…
Nombreux sont celles et ceux qui ont voué –et parfois même, sacrifié- leur vie à cette cause. Elles et ils en ont fait un combat sans concessions, arrachant les droits confisqués de la femme, un à un, jusqu’à lui restituer le minimum qu’exige l’être humain… Et, surtout, jusqu’à mettre d’accord la planète entière sur ce minimum.
Bien sûr, ni les combats ni les succès obtenus ne sont les mêmes, selon que l’on soit dans des pays développés ou sous-développés, dans des Etats laïcs ou ceux où la religion gère tout. Cependant, grâce à ces combats, la prise de conscience est aujourd’hui générale.
Nous nous inclinons donc, en ce 8 mars 2014, devant toutes celles et tous ceux qui ont participé à ce combat, chez nous et de par le monde. Toutes et tous méritent notre gratitude, qu’il s’agisse de grandes figures dont le nom a été retenu par l’histoire, ou de citoyennes et citoyens lambda, soldats de l’ombre, parfois tombés sur le front du combat, en parfaits anonymes… Comme toutes ces femmes qui ont tenté de faire bouger les lignes, par de simples petites révolutions dans leur quotidien, en refusant d’épouser l’homme qu’on leur impose, de se soumettre à un mari violent, de renoncer à leurs études ou à leur travail… Et qui en sont mortes, alimentant, dans le meilleur des cas, le fait divers local.
Nous nous inclinons devant la mémoire de celles et ceux d’entre eux qui nous ont quittés. Et devant l’œuvre de celles et ceux qui la poursuivent encore.
Puissions-nous, femmes de ce 3ème millénaire, avoir bien conscience que tous les droits dont nous jouissons aujourd’hui -et qui nous paraissent aller de soi- ont été arrachés de haute lutte ; que nous avons le devoir d’en être dignes ; et qu’en plus, ils ne sont pas toujours irréversiblement acquis !
Ne voit-on pas ce qu’il advient des femmes dans les pays où les intégristes prennent le pouvoir ? La burka, la police des mœurs qui fouette dans la rue la femme dont une seule mèche de cheveux s’expose aux regards, la lapidation à mort de la femme accusée de rapports intimes hors mariage, fût-elle une veuve d’âge avancé… Sans compter toutes les grandes restrictions qu’impose ce genre de régime… Tout cela est bien de notre temps. C’est ce que vivent aujourd’hui-même les Afghanes, les Iraniennes… C’est ce qui a été imposé, il y a quelques mois, aux Maliennes, dès l’invasion du Nord du pays par les Jihadistes, avant que ceux-ci ne soient chassés par les armées amies conduites par la France.
Prenons donc pleine conscience des acquis, mais, surtout, restons vigilants. Le combat se poursuit, sans hystérie, mais avec détermination, à tout moment et à tous les niveaux. Car, pour avoir le statut d’être humain, il n’y a pas de petit combat.
Au Maroc, pour ne prendre que les deux cas extrêmes, la cause est défendue aussi bien par «les incompétentes» que par la petite Amina. «Les incompétentes», ce sont ces femmes-cadres qui se battent pour la parité dans les hautes fonctions, sous cette dénomination, depuis que le chef de gouvernement a justifié la présence d’une seule femme dans sa 1ère équipe par l’absence de femmes compétentes. Et la petite Amina, c’est cette fillette qui s’est donné la mort après avoir été obligée d’épouser son violeur et grâce à laquelle la loi qui permettait cela a été abrogée. Les deux combats sont utiles. Autant que ceux menés par les associations, les partis politiques et, aussi, par le Roi qui a réussi le tour de force de réformer la Moudouwana (code du statut personnel) après quelque 35 ans de quasi –sacralité de ce texte, sans que les Oulémas y trouvent à redire sur le plan religieux. Non, il n’y a pas de petit ou grand combat. Il n’y a qu’une cause qui avance ou recule.
Bahia Amrani