Il n’y a plus que cela sur toutes les lèvres: le nouveau modèle de développement. Et pour cause… Fin juillet dernier, à l’occasion du Discours du Trône, le Roi a secoué les sphères politiques, économiques et sociales, avec une annonce toute simple: à la rentrée (septembre), le projet central sera celui du nouveau modèle de développement dont doit se doter le Maroc.
Et cela, avec de nouvelles compétences –y compris au gouvernement- (donc, remaniement ministériel) ; une Commission spéciale qui sera le récipiendaire des propositions chargé de leur synthèse ; et une mobilisation générale…
Que fallait-il de plus pour que le nouveau modèle de développement devienne «le rabâchage national», le thème servi à toutes les sauces, le déclencheur de toutes les ambitions ?
Or, tout ce petit monde qui s’anime autour du nouveau modèle de développement, ne devrait pas perdre de vue quatre ou cinq points des plus importants…
D’abord, il ne faut pas se méprendre. Ce projet de nouveau modèle de développement ne devra pas se limiter à la recherche de recettes et formules pouvant colmater les brèches, aussi prometteuses et intelligentes soient-elles.
L’objectif n’est pas celui de «mesurettes» qui ramèneraient le pays au même constat de «modèle épuisé», d’ici deux ans.
Il s’agit de bien plus que cela. Le Roi l’a dit. Il est question de «Projet de société» et de «Pacte social» renouvelés.
Deuxième point à garder en tête: ce nouveau projet de société doit pouvoir s’attaquer aux disparités sociales et territoriales. Si l’on a estimé que l’ancien modèle de développement a atteint ses limites, c’est bien parce que, malgré toutes les réalisations en termes d’infrastructures et de grands chantiers, il n’arrive pas à réduire le nombre de citoyens laissés sur le bord du chemin. Ni à réduire les écarts entre ce qu’on appelle «le Maroc utile» et les régions enclavées et/ou déshéritées.
La formule du nouveau modèle de développement devra, à la fois, améliorer les ressources de l’Etat et celles du citoyen.
Pour cela, il faudra créer de la richesse et que cette richesse soit mieux répartie.
Créer de la richesse, c’est améliorer la croissance du pays. Or, si le Maroc n’a ni pétrole, ni gaz, il a un beau territoire qu’il peut rentabiliser par le biais du tourisme. Il a une agriculture qui fait l’essentiel du PIB (produit intérieur brut. C’est-à-dire, précisément, la production nationale de richesse). Et s’il a une croissance qui repose en grande partie sur la consommation interne, il faut créer les conditions de booster cette consommation interne. Les idées ne manquent pas, à ce niveau, mais ceux qui sont (chèrement) payés pour les proposer et les mettre en œuvre, n’en font rien.
Quant à mieux répartir la richesse nationale, c’est peut-être ce que devraient le mieux comprendre ceux qui s’agitent autour du projet de nouveau modèle de développement.
Car, il n’y aura pas d’appropriation du nouveau modèle par les citoyens s’ils n’y trouvent pas leur compte.
Certes, le nouveau modèle de développement offrira de nombreuses opportunités aux entrepreneurs. Mais il induira, en même temps, quelques sacrifices et petits renoncements des plus nantis. Une répartition des richesses qui ambitionne de relancer un pacte social se traduira forcément par «un peu plus pour les plus pauvres, un peu moins pour les plus riches et tout ce qu’on peut pour la classe moyenne».
Bien sûr que les déclinaisons du nouveau modèle de développement dont se dotera le Maroc, seront nombreuses et variées. Elles toucheront tous les secteurs, de l’économie à la culture, en passant par les mille et un chantiers auxquels doivent s’atteler ceux qui seront chargés de cela (ou nouvellement désignés pour cela).
Mais, si chacun voit le nouveau modèle de développement à sa porte, en allant dans le détail du détail (on a même entendu dire, à la radio, qu’il ne peut y avoir de nouveau modèle de développement sans développer le paiement par carte bancaire…), il est impératif de garder de la hauteur, en n’oubliant jamais de raisonner en termes de «projet de société, pacte social, retour de confiance…» !
La confiance… Quelque chose d’essentiel et un grand défi, désormais, quand on voit le nombre de citoyens qui rêvent de quitter le pays… Et ceux, parmi l’élite même, qui l’ont déjà fait…
Bahia Amrani