ONU : Plaidoyer royal pour l’Afrique

Plaidoyer royal Afrique

A la tribune de la 69ème assemblée générale des Nations unies qui s’est tenue à New York, le 26 septembre dernier, la parole du Maroc a été portée par un message de SM Mohammed VI, lu par le chef du gouvernement, Abdelilah Benkirane. Ses idées-force.

Commençant par saluer le choix du thème central de cette session: «le développement humain durable, pour l’après 2015» et soulignant que ce thème «constitue l’un des défis les plus pressants pour l’humanité entière», le Roi a rapidement rappelé que «le Maroc est arrivé à mettre au point une initiative nationale pionnière pour la promotion du développement humain, parallèlement à des programmes ambitieux dans le domaine des énergies renouvelables, notamment solaire et éolienne, tenues pour être des piliers du développement durable», avant de donner le véritable ton de son message. «Je ne suis pas ici aujourd’hui pour vous faire un exposé sur l’expérience et les réalisations de mon pays. Je suis venu porteur d’un appel à l’équité pour les pays en développement, surtout en Afrique, un appel pour une approche objective de la problématique du développement dans ce continent».

Un premier appel

Et SM Mohammed VI d’entamer: «Le développement durable ne se décrète pas par des décisions ou des recettes toutes prêtes, pas plus qu’il n’existe un seul et unique modèle en la matière. En effet, chaque pays a un parcours qui lui est propre, selon son évolution historique, son patrimoine civilisationnel et ses ressources humaines et naturelles, outre ses particularités politiques et ses choix économiques, ainsi que les écueils et les défis qu’il vient à affronter. C’est dire (…) qu’il ne devrait y avoir de comparaison entre les Etats, quelle que soit la similitude des circonstances, et indépendamment de l’appartenance au même espace géographique.

Par conséquent, le premier appel que je lance du haut de cette tribune est un appel pour le respect des spécificités de chaque pays, dans son itinéraire national ; et de la volonté qui est la sienne d’édifier son propre modèle de développement. Cela vaut surtout pour les pays en voie de développement qui pâtissent encore des effets de la colonisation». Ajoutant: «Le colonialisme a causé de grands préjudices aux Etats qui en ont subi la tutelle. Le colonisateur y a entravé le processus de développement pendant de longues années. Il a exploité leurs richesses et les potentialités de leurs enfants, tout en altérant en profondeur les coutumes et les cultures respectives de leurs peuples. Il a instillé les ferments de la division entre les composantes d’un même peuple, et planté les germes du conflit et de la discorde entre les Etats du voisinage. Même si de nombreuses années se sont écoulées depuis, il n’en demeure pas moins que les Etats coloniaux portent une responsabilité historique pour la situation difficile, parfois dramatique, que vivent certains Etats du Sud, surtout en Afrique. Aujourd’hui, après tous ces effets pervers, ces Etats n’ont pas le droit d’exiger des pays du Sud, un changement radical et rapide selon un schéma étranger à leurs cultures, leurs principes et leurs atouts propres; comme si le développement ne pouvait se réaliser qu’à l’aune d’un modèle unique : le modèle occidental». Et à qui trouverait ce rappel sévère, cette précision: «Evoquer les effets négatifs du passé colonial, ne revient pas à intenter un procès à qui que ce soit. Il s’agit plutôt d’un appel sincère à rendre justice aux Etats du Sud, en revoyant la manière de les aborder et en les soutenant dans leur évolution graduelle vers le progrès».

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Deuxième appel

«Après ce constat -poursuit le Roi- j’en arrive au deuxième appel que j’adresse à la communauté internationale: il faut davantage de réalisme et de sagesse dans les rapports avec ces Etats, dont il faut comprendre les circonstances ayant marqué leurs parcours respectifs vers la démocratie et le développement. Mais certains Etats occidentaux, qui n’ont demandé l’autorisation de personne pour coloniser les pays du Sud, au lieu d’apporter le soutien nécessaire aux peuples de ces pays, s’obstinent à leur imposer des conditions drastiques qui entravent leur évolution naturelle vers le progrès. Mieux encore ! Les Etats occidentaux et les institutions qui en dépendent ne savent que donner des leçons, à profusion, et dans le meilleur des cas prodiguer quelques conseils. Quant au soutien qu’ils concèdent, il est très faible et systématiquement soumis à conditions. Plus encore ! Ils exigent des Etats du Sud qu’ils réalisent la stabilité et le développement dans des délais très limités, selon des modalités déterminées qui leur sont imposées sans tenir compte des parcours respectifs et des particularités nationales de ces Etats. La stabilité ne peut se réaliser sans développement ; et le développement n’est possible que dans la stabilité. Mais ils sont, l’un et l’autre, liés au respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale des Etats, des cultures et des coutumes de leurs peuples et aux conditions qui leurs sont assurées pour mener une vie libre et décente».

Prendre en compte le capital immatériel

Pour SM Mohammed VI «l’opération de notation et de classement de ces Etats selon les paramètres en vigueur actuellement suscite de nombreuses interrogations. Ces critères ont montré leurs limites et, souvent, leur décalage par rapport à la réalité des Etats du Sud, ainsi que leur incapacité à présenter une image objective sur le niveau de développement humain dans ces pays. Or ces aides, déjà faibles malheureusement, sont accordées souvent sur la base de ces classements et à des conditions intenables. Nous préconisons donc que le capital immatériel figure désormais parmi les principaux critères de mesure et de classement de la richesse des Etats. Comme l’affirment les études effectuées par la Banque mondiale, le capital immatériel repose sur une série de données liées au vécu des populations, telles que la sécurité et la stabilité, les ressources humaines ainsi que le niveau des institutions et la qualité de la vie et de l’environnement. Ces données ont assurément un grand impact sur l’élaboration des politiques publiques».

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Le partenariat, non l’assistance

Rappelant son discours à Abidjan, en février 2014, le Souverain a réaffirmé «que l’Afrique n’avait pas tant besoin d’aides humanitaires que de partenariats mutuellement bénéfiques», donnant en exemple les accords passés par le Maroc avec «avec un certain nombre de pays africains frères». Et de lancer un véritable plaidoyer pour l’Afrique: «Comme vous le savez, Mesdames et Messieurs, le développement ne se réduit pas à de simples projets et crédits financiers ; pas plus que le sous-développement n’est consubstantiel aux Etats du Sud. Le problème n’est pas inhérent à la nature ou aux aptitudes de l’homme africain, qui a déjà fait la démonstration de sa capacité à donner et à créer, dès lors qu’il trouve les conditions appropriées et qu’il se libère du lourd passif légué par le colonisateur. De même, le problème de développement en Afrique n’est pas lié à la nature de la terre ni au climat, malgré ses rigueurs dans certaines régions. Il est plutôt imputable à une dépendance économique enracinée, et à la faiblesse des soutiens et des sources de financement, ainsi qu’à l’absence d’un modèle de développement durable. Par conséquent, l’assistance apportée à ces Etats n’est ni un choix facultatif, ni une faveur ou un acte de générosité. C’est plutôt une nécessité, voire un devoir, bien que ce dont les peuples ont besoin en réalité, c’est plutôt une coopération fructueuse, fondée sur le respect mutuel. Il s’agit donc de créer, au niveau de la pensée et de la pratique, les conditions propices pour opérer le passage d’une étape à une autre dans les processus de démocratie et de développement, sans ingérence dans les affaires intérieures des Etats, à charge pour eux, de souscrire aux principes de bonne gouvernance».

Les démons de l’extrémisme

Enchainant avec le lien entre le développement et la sécurité, SM Mohammed VI plaide encore: «Le monde aujourd’hui est à la croisée des chemins: soit la communauté internationale apporte son appui aux pays en développement, pour qu’ils puissent avancer et assurer la sécurité et la stabilité dans leurs régions respectives, soit nous aurons tous à supporter les conséquences de la montée des démons de l’extrémisme, de la violence et du terrorisme, qu’alimente le sentiment d’injustice et d’exclusion et auxquels aucun endroit au monde ne pourra échapper».
Et de conclure: «Je suis convaincu que la prise de conscience croissante, par la communauté internationale des menaces transfrontalières que connaît le monde, en raison de la faiblesse du développement humain et durable, conjuguée à la foi des peuples dans la communauté de leur destin, auront un grand impact sur le réveil de la conscience universelle, en faveur d’un monde plus sûr, plus équitable, plus humain».

Le Reporter

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