La guerre contre Daech et son terrorisme occulte largement la visibilité d’autres organisations radicales, dont la première de toutes, Al-Qaïda. Mais l’on aurait tort de croire que l’organisation de Ben Laden et du 11 septembre a disparu.
Al-Qaïda reste présente un peu partout dans le monde et est combattue en Syrie et en Irak aussi bien par les Russes que par la coalition des alliés occidentaux.
L’organisation fondée en 1987 par Oussama ben Laden, responsable des attaques terroristes du 11 septembre 2001, mais aussi de celles du 11 mars 2004 à Madrid et du 7 juillet 2005 à Londres, est désormais concurrencée par une organisation djihadiste rivale, le groupe Etat islamique (EI). Al-Qaïda garde toutefois des branches très puissantes au Yémen (Al-Qaïda dans la péninsule arabique, Aqpa), au Maghreb (Al-Qaïda au Maghreb islamique, Aqmi) et, jusqu’en juillet 2016, en Syrie (le Front Al-Nosra).
L’armée américaine a tué une vingtaine de combattants d’Al-Qaïda, dans deux bombardements récents dans le nord de la Syrie, a indiqué le Pentagone. Les deux bombardements près de Sarmada, dans la province d’Idleb, avaient été déjà rapportés par des sources locales. Selon ces sources, ils visaient des membres de Fateh al-Cham, l’ancienne branche locale d’Al-Qaïda qui a officiellement rompu avec sa maison-mère en juillet. Mais pour le Pentagone, les frappes près de la ville de Sarmada visaient bel et bien «le réseau de combattants étrangers» d’Al-Qaïda.
Des responsables de la nébuleuse «ont commandé des opérations terroristes à partir de ce quartier général», a déclaré le porte-parole du Pentagone, Peter Cook, dans un point presse. «Nous continuerons de faire en sorte qu’Al-Qaïda ne bénéficie d’aucun abri en Syrie», a-t-il affirmé. La province d’Idleb est en grande majorité aux mains de Fateh al-Cham et des groupes rebelles qui lui sont alliés. Fateh al-Cham est exclue de la trêve entre insurgés et régime, actuellement en vigueur en Syrie et parrainée par la Russie et la Turquie.
La guerre n’est donc pas livrée que contre Daech.
Au Yémen, l’ennemi principal de l’Arabie Saoudite reste Al-Qaïda.
Malgré plusieurs tentatives de cessez-le-feu, la guerre au Yémen s’enlise. Seize membres des forces gouvernementales sont morts, mardi 3 janvier, lors d’affrontements séparés avec des combattants d’Al-Qaïda et des rebelles, ont indiqué des sources militaires et des responsables politiques.
Quinze combattants d’Al-Qaïda et neuf rebelles chiites houthistes ont également péri dans ces violences survenues dans la province d’Abyane. C’est en faisant route pour une opération contre le groupe djihadiste, à l’est de la ville côtière de Chakra, que des membres d’Al-Qaïda ont tendu une embuscade à une unité de l’armée, ont rapporté des responsables provinciaux. Un accrochage s’en est suivi, dans lequel onze soldats et quinze combattants d’Al-Qaïda ont été tués. Selon des sources de sécurité, les djihadistes se sont emparés de deux véhicules militaires et d’armes durant les affrontements. Depuis mars 2015, les forces gouvernementales au Yémen, soutenues par une coalition de pays arabes sous commandement saoudien, tentent en vain de reprendre le terrain perdu au profit des rebelles chiites houthistes qui contrôlent une partie du territoire, dont la capitale Sanaa (nord).
Profitant du chaos, Al-Qaïda et l’organisation Etat islamique (EI) ont renforcé leur présence dans le sud et le sud-est du Yémen, où ils commettent des attentats sanglants, notamment contre les combattants progouvernementaux qui peinent à sécuriser les zones sous leur contrôle et à recruter de jeunes soldats.
Deux exemples donc frappant, alors que l’organisation Ben Laden n’a pas dit son dernier mot et même, devant les revers de Daech, hausse le ton!
Les Etats-Unis ont placé, jeudi 5 janvier, Hamza Ben Laden, le fils du fondateur d’Al-Qaïda, sur la liste noire des «terroristes internationaux». La décision sanctionne sa mise en avant désormais régulière par la propagande du réseau djihadiste et la teneur de ses propos. Hamza Ben Laden a ainsi menacé les Etats-Unis et exhorté «les tribus basées en Arabie Saoudite à s’unir avec Al-Qaïda au Yémen, pour mener la guerre contre le royaume saoudien», dans un message diffusé en août 2016.
Le chef du réseau Al-Qaïda, Ayman al-Zawahiri, a accusé son rival à la tête du groupe Etat islamique, Abou Bakr al-Baghdadi, de mentir sur la réalité de la lutte djihadiste que mène le réseau fondé par le défunt Oussama Ben Laden. Dans un message audio, cité et traduit en anglais par le centre américain de surveillance des sites djihadistes (SITE), l’Egyptien Ayman al-Zawahiri renouvelle également ses appels à attaquer «en priorité» les Etats-Unis et leurs alliés. Le chef d’Al-Qaïda conteste aussi des allégations qu’auraient portées Abou Bakr al-Baghdadi, le chef du groupe ultraradical sunnite EI, accusant Al-Qaïda de ne pas combattre les musulmans chiites. Les deux organisations considérées comme «terroristes», l’EI et Al-Qaïda, sont des groupes rivaux, aux tactiques et aux stratégies djihadistes différentes, notamment dans les attaques menées en Syrie, en Irak ou au Yémen.
Longtemps numéro deux, Ayman al-Zawahiri a été propulsé à la tête d’Al-Qaïda en 2011. Mais son règne a été marqué par un net déclin de l’organisation, tandis que le groupe EI a suivi une trajectoire inverse, conquérant de vastes territoires en Irak et en Syrie et multipliant les attentats dans le monde.
Le rapport des forces est peut-être en train, une nouvelle fois, de s’inverser.
Patrice Zehr