La place financière casablancaise sort progressivement de son cycle baissier entamé depuis le début de la crise financière en 2008. Décryptage.
Actuellement, le marché boursier affiche une performance de 10,5% depuis le début de l’année. Les indices sont sur un trend haussier depuis avril dernier, avec toutefois quelques phases baissières. Même la volumétrie s’améliore progressivement d’un trimestre à l’autre. Cette croissance s’explique par la baisse des taux des bons du Trésor et l’amélioration du contexte économique, de la liquidité et des bénéfices de la cote.
Dans une conjoncture nationale et internationale peu favorable, la masse bénéficiaire des sociétés inscrites à la cote s’est établie à 14,2 milliards de dirhams (MMDH) à fin juin 2014, en croissance de 2,5 % sur une année glissante. Le chiffre d’affaires (CA) global s’est apprécié de 5,6% par rapport à fin juin 2013, en dépassant 126 MMDH. Sur les 72 sociétés cotées à la Bourse de Casablanca, 48 ont connu une augmentation de leur CA au 30 juin 2014, contre 31 sociétés lors du premier semestre 2013. Pareillement, le résultat net suit la même tendance avec 44 sociétés qui enregistrent une croissance.
Selon le Conseil déontologique des valeurs mobilières (CDVM), le secteur bancaire reste le premier contributeur à la masse bénéficiaire de la place avec une hausse de 7,6%, en raison d’une forte contribution de BMCE Bank qui affiche un résultat net part du groupe en amélioration de 51,7%. Le produit net bancaire a atteint 26,4 MMDH à fin juin 2014, soit une hausse de 10,1% par rapport à la même période une année auparavant. Le secteur des télécommunications, quant à lui, est le second contributeur à la masse bénéficiaire, malgré une chute du résultat de 12,7% par rapport à fin juin 2013. Le chiffre d’affaires du secteur enregistre une légère hausse de 0,7% à 14,6 MMDH.
Origine des investissements en 2014
Sur les 9 premiers mois de l’année en cours, le volume d’échange à la Bourse de Casablanca a atteint près de 16 MMDH, en recul de 6% par rapport à l’année 2013. C’est ce qui ressort de la publication par le CDVM des statistiques relatives à la ventilation des transactions par catégorie d’investisseurs.
Le marché demeure dominé par les institutionnels qui ont généré 40% du volume à l’achat et 42% à la vente. Les organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) suivent en deuxième position, avec 28% des achats et des ventes. Aussi, les investisseurs étrangers sont-ils redevenus actifs à l’achat avec une part de 23% du volume global quant à la vente et sont présents à hauteur de 11% au niveau de la vente. Enfin, les personnes physiques poursuivent leur atonie, ne représentant plus que 8% des achats et 10% des ventes.
S’agissant des positions nettes, les investisseurs étrangers demeurent dans une posture acheteuse nette, passant de 1,1 MMDH en 2013 à 1 MMDH en 2014. A contrario, les personnes physiques sont toujours en situation de vente nette avec -413 millions de dirhams (MDH) en 2014, contre -372 MDH en 2013. De même pour les investisseurs institutionnels qui ont réduit la voilure, passant d’une position nette acheteuse de 2,3 MMDH en 2013 à -139 MDH en 2014. A l’inverse, les OPCVM sont passés d’un désinvestissement en actions de 2,3 MMDH en 2013 à un investissement net de 400 MDH en 2014.
En prévision de nouvelles règles plus draconiennes de solvabilité, les investisseurs étrangers ne pourraient plus faire des arbitrages que des achats nets. Concernant les étrangers, ils pourraient maintenir un flux d’ampleur moyenne sur le Maroc en absence de mouvement majeur. C’est ainsi que les personnes physiques semblent être le vivier qui pourrait rebooster les volumes en Bourse, en cas de retour de la confiance. D’ailleurs, ces derniers influencent indirectement aussi les OPCVM en cas de souscriptions importantes.
Les secteurs porteurs selon les analystes
Les analystes semblent porter un avis favorable sur les compagnies immobilières, en dépit de leurs réalisations décevantes au titre du premier semestre. Et pour cause, les promoteurs réalisent le gros de leur activité dans la seconde moitié de l’année. De même, Upline Securities prévoit la poursuite de la croissance bénéficiaire des banques cotées sous l’effet de l’amélioration de leurs réalisations commerciales au Maroc, de l’orientation favorable des opérations de marché grâce à la baisse tendancielle des taux d’intérêt, de la bonne tenue de leurs filiales africaines et de l’effet favorable de la maîtrise des charges opérationnelles. D’autre part, certaines valeurs du secteur agro-alimentaire ont la faveur des analystes. Il s’agit principalement de Lesieur, de Cosumar et d’Oulmès. Le secteur des assurances n’est pas en reste, puisque la reprise du marché actions devrait contribuer favorablement à l’accroissement de leurs résultats, de même que l’apaisement des tensions sur les liquidités qui devrait permettre un redécollage du segment vie. Cependant, les analystes relèvent le niveau de vigilance par rapport aux secteurs des ciments et des mines. Le premier en raison de la baisse de la consommation des ciments de 4,4% prévue en 2014, qui se traduirait par un repli des marges des cimentiers et partant de leurs bénéfices. Le second secteur en raison de la poursuite de la baisse des cours des métaux précieux sur les marchés mondiaux.
Anas Hassy
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Performance Les organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) obligations moyen et long termes affichent une excellente performance depuis le début de l’année 2014.
Selon l’Association des sociétés de gestion et fonds d’investissement marocains (ASFIM), l’actif net des OPCVM a atteint 276,5 milliards de dirhams (DH) à fin octobre, en croissance de 12,6% depuis janvier 2014. Ils sont sur un trend haussier depuis le second semestre de l’année dernière, période à partir de laquelle le Trésor a limité son recours au marché domestique de la dette, suite à l’amélioration des finances publiques. Les fonds obligataires de moyen et long termes ont enregistré un flux de souscriptions nettes de 7,5 MMDH, au moment où le segment court terme a totalisé un solde net de 10,3 MMDH.
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Le marché des introductions en Bourse reprend quelques couleur C’est officiel, Total Maroc sera côté à la Bourse de Casablanca lors du premier trimestre 2015. C’est ce que l’entreprise a indiqué dans un communiqué. En effet, le pétrolier ambitionne, à travers son introduction en Bourse, de consolider sa position sur le long terme et d’accompagner le pays dans la poursuite de sa croissance. Total devrait être accompagné dans ce chantier par AttijariFinanceCorp. Présent au Maroc depuis 1926, le pétrolier avait récemment ouvert 30% de son capital au saoudien Zahid, contre un chèque de 100 millions d’euros, soit 1,1 milliard de dirhams (MMDH) approximativement. Son entrée prochaine à la Bourse de Casablanca permettra, en particulier, aux investisseurs individuels et institutionnels marocains d’acquérir 15% du capital de Total Maroc. |
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Entretien avec Aomar Yidar, Président du Conseil d’administration de la Bourse de Casablanca
«La nouvelle offre financière doit être à la hauteur de l’ambition affichée»
Le développement du marché doit s’appuyer sur l’enrichissement de l’offre actuelle de la Bourse par la mise en place de nouveaux produits et services et la poursuite de l’effort de recrutement des entreprises à la cote officielle.
Qu’est-ce qui pourrait redynamiser la place financière casablancaise?
Dans le sillage de la forte crise financière qu’ont connue les économies mondiales, à compter de 2008, la Bourse de Casablanca a connu un recul de ses performances, sans toutefois atteindre les niveaux enregistrés par certaines Bourses comparables de la région Moyen-Orient et Afrique du Nord. Cette contreperformance a concerné aussi bien l’offre que la demande des titres, ce qui a impacté négativement le niveau des échanges au sein du marché boursier marocain. Pour remédier à cette situation, la Bourse travaille sur deux axes: promouvoir une politique d’encouragement des entreprises à s’introduire en Bourse, en ciblant particulièrement les petites et moyennes entreprises et ce, en étroite collaboration avec la confédération générale des entreprises marocaines et contribuer à la diffusion de la culture financière parmi la population, notamment en direction des jeunes. Des conventions ont été signées dans ce sens avec certaines institutions de l’enseignement supérieur.
Concrètement, qu’est-ce qui pourrait permettre l’essor de la Bourse de Casablanca au niveau de la région?
A moyen terme, le développement du marché doit s’appuyer sur l’enrichissement de l’offre actuelle de la Bourse par la mise en place de nouveaux produits et services et la poursuite de l’effort de recrutement des entreprises à la cote officielle, conformément au plan stratégique de la Bourse, pour les années à venir. A cela s’ajoute le fait d’améliorer l’efficacité de l’ensemble des intervenants sur la place boursière de Casablanca en les intégrant dans un même schéma organisationnel. Pour la conduite de ces chantiers importants, la Bourse de Casablanca compte s’appuyer sur l’expertise et le savoir-faire de la Bourse de Londres avec laquelle elle a conclu récemment un partenariat stratégique.
D’un point de vue global, quel est votre avis sur le marché boursier marocain?
Les réformes entreprises durant la décennie 90 du siècle dernier ont fortement contribué au développement du marché boursier marocain, comme en témoigne l’évolution fulgurante de ses principaux indicateurs d’activité. En tant que levier de financement, ce marché a permis de canaliser des capitaux importants en faveur de l’économie au niveau du compartiment actions et obligations. Nous estimons toutefois que de nouvelles réformes s’imposent pour revoir certaines organisations en place et enrichir l’offre actuelle en termes de produits et de services. La nouvelle offre financière doit être à la hauteur de l’ambition affichée de promouvoir la place financière de Casablanca en hub régional.
Interview réalisée par Anas Hassy