Pakistan : Le retour de Nawaz Sharif

Le Pakistan est l’un des pays les plus importants pour la paix mondiale.

Nawaz Sharif Pakistan AFP

Puissance nucléaire musulmane confrontée au terrorisme islamiste et en permanence en conflit avec le grand voisin indien, le Pakistan est impliqué dans l’interminable guerre ethnique et religieuse de l’Afghanistan. Partenaire indispensable des USA, il est soupçonné souvent de jouer double ou triple jeu. Cet allié sous haute surveillance de Washington développe un sentiment anti-américain très fort. Un Pakistan apaisé et plus sûr est donc un espoir pour les Occidentaux, avant le retrait d’Afghanistan.

C’est pourquoi la victoire électorale de Nawaz Sharif a été saluée chaleureusement à Washington. Cela étant, ce n’est pas un homme neuf qui prend les rênes du deuxième pays musulman le plus peuplé de la planète. Surtout que l’on est dans une première électorale.
Pour la première fois depuis la naissance du Pakistan en 1947, un gouvernement sortant, élu démocratiquement, aura achevé son mandat (cinq ans) -sans être délogé prématurément par un coup de force inspiré par l’armée- avant de transmettre le pouvoir dans des conditions constitutionnelles à un autre gouvernement élu. Cette transition sans rupture, balisée par la loi, est historique. Bien sûr, la campagne a été ensanglantée par des attentats terroristes orchestrés par les talibans du Tehreek-e-Taliban Pakistan (TTP) à Karachi et dans la ceinture pachtoune frontalière de l’Afghanistan. L’intimidation ainsi exercée a miné la campagne dans de nombreuses localités du pays, les candidats visés (issus des partis laïcs) préférant ne pas convoquer des réunions électorales.
La Ligue musulmane (PML-N) du Premier ministre élu pakistanais, Nawaz Sharif, a remporté suffisamment de sièges au parlement pour pouvoir gouverner sans former de coalition avec un autre grand parti, au vu des résultats définitifs publiés jeudi. En effet, elle a obtenu 124 des 272 sièges, ce qui ne lui permet pas d’atteindre la majorité absolue des 137 sièges, mais lui laisse une marge de manœuvre suffisante pour pouvoir gouverner sans coalition en s’alliant avec une poignée de députés indépendants. Son rival historique, le Parti du peuple pakistanais (PPP) du président Asif Ali Zardari, veuf de l’ex-Premier ministre Benazir Bhutto, a quant à lui été lourdement sanctionné pour ses mesures jugées impopulaires. Il ne remporte que 31 sièges.
L’ancien Premier ministre, qui accomplit un retour électoral triomphal, pourra s’affranchir de l’appui du Tehrik-i-Insaf (PTI) de l’ancien joueur de cricket, Imran Khan, qui a remporté 27 sièges alors qu’il n’avait obtenu qu’un seul élu aux dernières élections de 2008. Nouveau venu devenu le troisième parti du Pakistan, le PTI a redistribué les cartes dans un jeu politique traditionnellement dominé par le PPP et le PML-N qui ont assumé le pouvoir, quand celui-ci n’était pas aux mains des militaires, depuis l’indépendance en 1947. Une situation que le nouveau Premier ministre, qui n’est pas un homme neuf, connaît bien.
Mian Muhammad Nawaz Sharif a été Premier ministre du Pakistan à deux reprises, d’abord du 1er novembre 1990 au 18 juillet 1993, ensuite du 17 février 1997 au 12 octobre 1999. L’alliance démocratique islamique remporte les élections législatives de 1990 en obtenant 106 sièges, deux au-dessus de la majorité absolue. Nawaz Sharif devient Premier ministre le 1er novembre 1990, succédant à Benazir Bhutto contre laquelle il avait fait campagne, Il poursuit et élargit la politique de privatisation entamée par Benazir Bhutto. Il tente aussi de développer les infrastructures du pays, avec notamment le début de la construction de la première autoroute.
Le 18 avril 1993, Nawaz Sharif est démis de ses fonctions par le président Ghulam Ishaq Khan pour des charges de corruption et de népotisme, notamment. L’Assemblée nationale est également dissoute par le président. Toutefois, la décision est jugée inconstitutionnelle par la Cour suprême et annulée. Nawaz Sharif retrouve son poste le 26 mai, mais l’armée fait pression pour obtenir sa démission. La Ligue musulmane remporte très largement les élections de 1997 en obtenant une majorité absolue (137 sièges sur 207). Cette large majorité facilite ses projets de révision de la Constitution. Son second mandat est également marqué pas la course à l’armement nucléaire entre le Pakistan et l’Inde. En 1998, le Pakistan réalise son premier essai nucléaire avec succès. Le second mandat de Premier ministre de Nawaz Sharif se termine par le coup d’État du chef de l’armée, Pervez Musharraf, qui avait été nommé par celui-ci. Le voilà à nouveau de retour avec une politique économique libérale et un positionnement sociétal très conservateur.
Jamais deux sans trois donc. Un nouveau Pakistan est promis par un homme qui n’est certes pas un homme neuf.

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