Le plan Trump-Netanyahu aura eu un seul avantage. Remettre sur le devant de l’actualité le drame des Palestiniens, peuple chassé de sa terre et privé depuis d’Etat.
Ce plan Trump-Netanyahu aura révulsé les opinions publiques arabo-musulmanes dont l’indignation devra être prise en compte, notamment dans les pays arabes dont les gouvernements ont eu des réactions pour le moins mesurées. Car ce plan, qui donne toute satisfaction à Tel-Aviv en réaffirmant que sa capitale est Jérusalem, entérine la politique de colonisation en contradiction avec toutes les résolutions de l’ONU. Certes, la solution à deux Etats n’est pas enterrée, mais le futur Etat palestinien reste hypothétique et sera de toute façon, vu son découpage territorial, invivable et ingouvernable.
Le Figaro titre «Trump propose à Israël un plan de paix sur mesure» et Le Monde «Le plan Trump donne carte blanche à Israël». «Ce n’est pas un plan de paix pour le Moyen-Orient», a confié, à peine dévoilée l’initiative dans les Salons de la Maison de la Blanche, Mohammed Shtayyeh, le Premier ministre palestinien. Selon lui, le projet vise avant tout à protéger «Trump de la destitution» et «Netanyahu de la prison». «Une journée historique». Voilà comment Benyamin Netanyahou a accueilli la révélation par Donald Trump de son plan de paix tant attendu sur le Proche-Orient.
La joie du Premier ministre israélien, qui se trouvait lui-même à la Maison-Blanche pour la présentation du document de 180 pages, s’explique par les nombreux gages que le Président américain accorde à son «ami» israélien. Jérusalem capitale indivisible d’Israël, annexion des colonies en Cisjordanie, ainsi que de la vallée du Jourdain, l’«accord du siècle» de Donald Trump, concocté par son gendre et conseiller Jared Kushner, fait la part belle aux demandes israéliennes qui sont appliquées immédiatement, et revient sur plusieurs fondamentaux décrits par les résolutions de l’ONU. Aux Palestiniens, il est promis à moyen terme un État «démilitarisé», dont la sécurité et l’espace aérien seront assurés par Israël, à condition notamment de reconnaître ce dernier comme «État juif» et de «rejeter le terrorisme sous toutes ses formes».
D’après Donald Trump, qui a évoqué le versement de 50 milliards de dollars pour les Palestiniens, sa capitale pourrait être située «à l’Est de Jérusalem», autrement dit dans les faubourgs arabes de la «ville sainte», derrière le mur de séparation construit par Israël. Sans surprise, le plan a aussitôt été rejeté par le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas. Celui-ci a d’ailleurs coupé tout lien avec l’administration américaine depuis que Washington a reconnu en décembre 2017 Jérusalem comme capitale d’Israël.
Les réactions des capitales arabes sont pour le moins contrastées et très en deçà de l indignation de ces derniers mois précédant le «plan du siècle». Lorsque le Premier ministre Benjamin Netanyahu s’est engagé à annexer la vallée du Jourdain en septembre dernier, s’il était reconduit dans ses fonctions, les gouvernements arabes alliés aux Etats-Unis se sont immédiatement joints aux Palestiniens pour -vivement– dénoncer cette déclaration.
La cour royale d’Arabie Saoudite avait qualifié la déclaration de Netanyahu d’«escalade très dangereuse aux dépens du peuple palestinien», ajoutant qu’elle représenterait «une violation claire de la Charte des Nations unies et des normes internationales». Le ministre jordanien des Affaires étrangères, Ayman Safadi, avait déclaré qu’elle visait à «faire voler en éclats les fondements du processus de paix». Mais le ton a bien changé. Le ministère saoudien des Affaires étrangères a déclaré que Ryad «réitère son soutien à tous les efforts visant à parvenir à un règlement juste et global de la cause palestinienne» et «apprécie les efforts de l’administration du Président [Donald] Trump pour élaborer un plan de paix global».
Il a également déclaré que le royaume du Golfe «encourage l’ouverture de négociations de paix directes entre les parties palestinienne et israélienne, sous les auspices des États-Unis, et à résoudre les désaccords avec certains aspects du plan à travers la négociation». Safadi, le ministre jordanien des Affaires étrangères, a exprimé son soutien à la création d’un État palestinien sur les lignes de 1967 avec Jérusalem-Est comme capitale et a mis en garde contre «les conséquences dangereuses des mesures israéliennes unilatérales, telles que l’annexion de terres palestiniennes, la construction et l’expansion de sites israéliens illégaux… Et les empiètements sur les lieux saints à Jérusalem». Le Qatar a déclaré qu’il saluait «tous les efforts visant à une paix durable et juste» et «apprécie les efforts du Président Trump et de l’actuelle administration américaine pour trouver des solutions au conflit israélo-palestinien».
L’émirat du Golfe a également déclaré que «la paix ne peut être durable si les droits des Palestiniens dans leur État souverain à l’intérieur des frontières de 1967, y compris Jérusalem-Est, et le droit au retour, ne sont pas préservés». Le ministère des Affaires étrangères du Bahreïn a déclaré que Manama «affirme… son soutien à tous les efforts visant à parvenir à une solution juste et globale du conflit, qui conduise à la restauration de tous les droits légitimes du peuple palestinien et à la création d’un État palestinien indépendant. Les Émirats arabes unis ont apparemment publié la déclaration la plus élogieuse, qualifiant le plan d’«initiative sérieuse», précisant qu’il «offre un point de départ important pour un retour aux négociations dans un cadre international dirigé par les États-Unis».
Les Palestiniens ne se sont certes pas sentis très soutenus. Il semble que la cause palestinienne, longtemps sacrée et fédératrice de peuples arabes divisés, soit frappée d’une sorte d’obsolescence. Car comment expliquer sinon la relative indifférence face à un «plan de paix» qui est une deuxième Nakba («catastrophe») pour les Palestiniens selon l’OBS ? Ce même plan qui entérine leur faiblesse sur le terrain et leur déroute au cours de tous les conflits passés. Qui prend acte du rapport de force actuel et expose l’incapacité de la communauté internationale à faire la paix. Et surtout qui conforte Benyamin Netanyahu dans la plus délictueuse de ses politiques: la colonisation».
Patrice Zehr