La pandémie de coronavirus a changé le monde à jamais. Tous les pays doivent en tenir compte, le Maroc comme les autres. On ne peut qu’espérer que dans le Royaume, la contamination soit contenue. Il y a un élément d’espoir- le climat. Il est possible que le virus n’aime pas la chaleur. Mais on ne peut compter que sur ça.
Les pays relativement épargnés pour le moment auraient tort de se désintéresser de ce qui se passe ailleurs. L’exemple chinois montre que l’on peut juguler avec des mesures de confinements, imposées de façon totalitaire, la propagation du virus. On verra ce que cela donnera dans des pays démocratiques comme l’Italie, l’Espagne, ou la France. En Italie, des erreurs ont été commises dès le début et reconnues.
En Espagne, on a perdu du temps. Et en France, le traitement évolutif et différencié qui paraissait si cartésien, n’aura pas tenu face à la montée pourtant connue car irréversible de la courbe. Retarder pour mieux sauter, est-ce une sagesse ou un déni partiel ? On ne peut plus nier les conséquences ni sanitaires ni économiques.
On voit l’affolement des bourses, l’effondrement du tourisme et du trafic aérien qui concerne tout le monde. Le virus ne connaît ni les frontières ni les races. Mais il est véhiculé par les humains. Réduire les échanges s’impose, mais jusqu’où ? L’Europe s’est montrée incapable d’appliquer une politique sanitaire commune, elle a failli comme jamais. Elle va réagir, mais si tard, elle le paiera cher. A la frontière de Menton entre la France et l’Italie, les Français -le 13 mars- sont refoulés par l’armée italienne, mais les Italiens passent librement, notamment pour aller travailler à Monaco. On ferme les écoles en France, mais on maintient les élections municipales et les anciens sont invités à rester chez eux, sauf pour aller voter. L’incohérence accroit l’anxiété. Même la généreuse Allemagne, si ouverte aux migrants il fut un temps, ferme ses frontières aux frontaliers français. Les Américains ferment le pays aux Européens, sauf aux britanniques infestés comme les autres. On fait tout ce qu’on peut, mais parfois dans des contradictions fort peu rassurantes. Une incohérence qui est parfois le fruit de principes idéologiques, les politiques sont forcément sous pression. Après l’allocution du Président de la République française, jeudi 12 mars, l’opposition navigue entre discours d’unité et critiques. Les élus sont nombreux à défiler au sein de chaque parti pour saluer les mesures annoncées au sommet de l’Etat, en pleine crise du Coronavirus. Avant d’y lire chacun, de droite à gauche, la validation de leur propre programme politique. «J’ai trouvé le Président de la République à la hauteur de sa fonction», a ainsi validé Damien Abad, le président du groupe Les Républicains de l’Assemblée nationale. Pour autant, chez LR, on prévient: «L’unité n’abolit pas l’exigence que nous portons pour les Français». Et le député des Alpes-Maritimes, Eric Ciotti, de préciser qu’il «regrette néanmoins l’absence de mesures imminentes à la frontière italienne». L’extrême droite acquiesce, applaudissant ce qu’elle nomme les «revirements spectaculaires» du chef de l’Etat sur la fermeture des frontières, tout en estimant qu’il ne va pas assez loin. «Emmanuel Macron a le plus grand mal à se départir de son idéologie antinationale», a tancé Marine Le Pen sur BFM-TV, jugeant «insensé» qu’il appelle à «éviter le repli nationaliste». «Un des premiers moyens de freiner l’épidémie était évidemment d’effectuer un contrôle aux frontières, qu’Emmanuel Macron se refuse à faire pour des raisons quasiment religieuses, tout en disant lui-même qu’il va peut-être être obligé de le faire. On est face à une énième incohérence du gouvernement dans cette crise.
Le retour des frontières est une thématique forte et controversée. Il s’agit, avant tout, d’une question de timing. Fermer une frontière n’a de sens -et encore- que si un danger est éloigné. L’Organisation mondiale de la santé (OMS), ayant admis que le monde fait désormais face à une pandémie, suggère que ce genre de mesures est obsolète. «La fermeture des frontières protège quand le risque est lointain, pour éviter la contamination intérieure. Mais s’il est proche, c’est-à-dire si la contagion s’est propagée, c’est déjà trop tard», observe l’ancien ambassadeur et géographe Michel Foucher. C’est d’ailleurs l’analyse de la France, qui estime que le mal est fait et juge la fermeture des frontières inefficace. Alors que la Slovénie et l’Autriche viennent de mettre un système de filtrage à leurs frontières avec l’Italie.
Pour Patrick Zylberman, historien de la santé, «c’est surtout un message en direction de leurs opinions publiques». Il constate que «l’Europe a du mal à se mettre en marche. On dit qu’on est tous ensemble, mais les petits Etats ferment leurs frontières parce que leur système de soin n’est pas à la hauteur. Si l’Allemagne commence à jouer pour l’équipe, cela pourra aider ceux qui sont en grande difficulté, comme l’Italie».
Se protéger en coopérant, pas simple en ce monde où la mondialisation a la fièvre du virus.
Patrice Zehr
Accroche longue
Se protéger en coopérant, pas simple en ce monde où la mondialisation a la fièvre du virus.
Accroche large
On voit l’affolement des bourses, l’effondrement du tourisme et du trafic aérien qui concerne tout le monde. Le virus ne connaît ni les frontières ni les races. Mais il est véhiculé par les humains.