Pour eux, la réforme qui a retardé le départ à la retraite ne leur pose aucun problème. Au contraire, habitués à travailler, ils ne voient pas leur vie professionnelle s’arrêter pour une question d’âge. Motivés plus que jamais, drôles, ceux qu’on veut taxer de «papy» malgré eux, n’ont pas dit leur dernier mot…
Si le gouvernement a réussi à faire passer sa réforme des retraites au forceps, malgré la virulente réticence des syndicats, certains y applaudissent. Ils voulaient justement que le projet de loi sur l’âge de départ à la retraite consistant en un prolongement de 60 à 63 ans, passe.
«Je suis en bonne santé, je n’ai aucun mal à me rendre au travail chaque jour. J’ai autant de fraîcheur qu’un jeune de 20 ans et je ne veux m’arrêter de travailler que lorsque ma santé ne me le permettra plus. Pour l’instant, je suis un stagiaire en période d’essai! Qui osera me contredire?», dit Driss, la cinquantaine et pas l’intention de se laisser faire. Selon lui, la question de la santé est une question primordiale et, tant qu’un salarié ou fonctionnaire a toujours la capacité physique de travailler et qu’il le souhaite, «pourquoi l’en empêcher?», dit-il. S’appuyant sur le fait que les conditions de vie se sont nettement améliorées au Maroc en comparaison avec sa jeunesse, Driss pense qu’il faut tenir compte de l’espérance de vie au Maroc qui est de 76 ans et des poussières (estimations 2014-2015), selon The World Factbook de la Central Intelligence Agency (CIA), pour se rendre compte que «l’on est toujours apte à travailler à 60 ans et que notre âge n’a aucune incidence sur la qualité du travail», conclut-il.
«Les cheveux blancs n’ont jamais été un signe d’incapacité à travailler», ironise Mohamed, fonctionnaire. Il dit avoir plus d’expérience qu’un «jeunot» et qu’il se doit de former les générations montantes, afin qu’ils profitent de son expérience. «On doit forcément servir à quelque chose même après 65 ans! J’encourage la réforme des retraites. Je voudrais même que le seuil s’élève encore si c’était possible, tant qu’on veut continuer de travailler, bien sûr. En Occident, on considère que 50 ans c’est le nouveau 30 ans. Donc, si on suit cette logique, à 60 ans, on n’a que 40 ans!» finit-il par déclarer en riant.
Une théorie qui se tient, car toutes les personnes âgées de 50 ans et plus, que l’on a interrogées lors d’un micro-trottoir, affirment ne pas sentir de grandes différences entre une personne de la trentaine et une autre de la cinquantaine. «Si on était trop vieux à 60 ans, c’est tous les hommes politiques marocains et étrangers qui devraient être en maison de retraite… Benkirane et Chabat, en premier!», se moque une femme. Et d’ajouter: «Ce n’est qu’à 50 ans qu’on atteint une certaine maturité dans la politique, alors, pourquoi ne pas appliquer ça à tout le monde? ».
Si certains veulent continuer d’exercer un métier à 60 ans ou plus, parce qu’ils s’en sentent capables, d’autres y ajoutent un argument. Ils s’inquiètent pour leur vie après la retraite. C’est le cas de Salwa, la cinquantaine et «toujours aussi jeune!». Sa vie de working-woman ne lui déplaît pas, même si elle avoue être fatiguée par moments. «C’est vrai qu’à mon âge, on n’aime pas se casser la tête, on a envie de plus de légèreté, mais le contraire ne nous handicape pas non plus. Travailler sous pression, ça a également son charme et je me demande: qu’est-ce que je ferai après ma retraite? Ce sera trop calme, donc le plus tard sera le mieux», témoigne-t-elle. Pour rien au Monde, elle ne voudrait arrêter les potins entre collègues. «Un peu de potins, ça ne fait de mal à personne. Quand je prendrai ma retraite, ce ne sera plus possible, autant en profiter!».
Yasmine Saih