Parce que les écoles privées m’ont ruiné…

Farid, cadre en entreprise, est marié et père de trois enfants. Ruiné par tous les frais de scolarité de ses enfants, inscrits dans des écoles privées, cet homme, pour s’en sortir, va tenter «l’autre» solution… Voici son récit.

«Cet été, durant mon mois de congé, je l’ai joué père de famille traditionnel d’antan. Un peu comme celui qui faisait trembler toute sa maisonnée, rien qu’en se raclant la gorge au fur et à mesure de ses pas. Rassurez-vous, pour l’instant même notre chat s’en est fichu royalement. «Même pas peur» ont ricané mes gamins. Normal, le plus grave pour eux, c’est d’être privés de wifi, et je n’y avais pas touché. On verra d’ici là … Pourquoi ai-je eu envie de fermeté ? Eh bien parce que j’ai des plans pour plus tard. Mais là, tout de suite, c’est pour qu’on me fiche la paix à la maison pendant ces quelques semaines qui semblent interminables. Je me sens vulnérable, près à fondre en larmes comme une madeleine dès que  l’état déplorable des finances de notre petite famille titille mes pensées.

Qui l’eût cru ? A peine ai-je savouré la réussite au Bac de mon petit gars et celle des deux autres pour leur passage de classe en classe, que je regrettais qu’ils aient grandi trop vite. Je me sens si misérable de ne pouvoir aller nulle part en vacances avec ma famille, après une année chargée en affolement. Mais le pire, c’est qu’en plus, je ne sais pas comment assurer les frais de la prochaine rentrée. Me rendre compte tardivement que je m’étais trompé en croyant faire partie de cette catégorie de gens qui, tranquilles, ont la possibilité de placer leurs gamins à l’école privée, me tue.

Franchement, au départ même avec toutes ces mensualités de scolarité à débourser, je trouvais qu’il était possible de nous en sortir. Bien qu’il n’y avait qu’un seul salaire sur lequel compter, en l’occurrence le mien. Je m’étais tranquillisé tout seul dans ma pauvre caboche. J’étais loin de m’imaginer dans quelle galère j’allais m’embourber. Des gamins, j’en ai trois et ce que je ne savais pas, c’est qu’à chaque passage de classe, le montant de la mensualité des trois augmentait. Par voie de conséquence, ma facture totale s’alourdissait. Il devenait de moins en moins évident, à chaque nouvelle année scolaire, que je pourrais continuer à assurer tout seul, sur ce plan. Une autre source de revenu devenait obligatoire. Mon épouse, qui jusque-là s’occupait de notre foyer uniquement, a été forcée de me donner un coup de main en se dégotant un job.

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Bref, nous n’avons pas réussi à acheter de maison, nous n’avons pas changé de voiture, par contre nous payions les études de nos enfants. Et ça ne rigolait pas coté «pépètes» à l’école. Le moindre retard dans le règlement de cette douloureuse, nous pouvions le regretter amèrement. Même nos gosses, à la solde de l’administration de leur école, se sont mués en agents de recouvrement chaque début de mois, sans parler des réinscriptions obligatoires en fin d’année. Nous n’avons jamais eu d’autre choix, de toutes les façons, que de raquer… Vu que les administrateurs des écoles nous menaçaient avec leurs très longues listes d’attente. Faut pas rêver, l’école privée ne fait pas crédit!

Autrefois, parce que les moyens nous le permettaient encore, on se débrouillait pour leur assurer une petite virée de quelques jours, quelque part pas loin, pour les vacances. Les gamins étaient ravis et nous, les parents, aussi. Dès que notre ainé avait dépassé les années de collège, fallait plus rien espérer! Mieux encore, en plus de la mensualité «crèv’cœur» de son lycée, nous avons fait «ami-ami» avec le monde parallèle des cours de soutien! Des démons suceurs de sang, ces gens! Ecœurantes leurs manières! Pour les contenter nous avions eu, pour seul secours, de multiples crédits. Sans quoi, notre gars, il n’aurait jamais été jusqu’au Bac. Le cours de notre existence s’est figé autour de ce gamin. Nous ne pouvions plus rencontrer ni famille, ni amis, ni nous permettre la moindre distraction. Nos rides se sont creusées, nos cheveux ont blanchi et nous sommes ruinés, mais notre enfant a réussi cet examen haut la main.

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Très bien! Oui, notre petite famille a été heureuse et nous avons fêté l’évènement mais malheur à celui qui s’aventurerait à me parler de ce que nous envisagions pour la suite, à savoir les études supérieures. Pourquoi ? Tout simplement parce que je n’en avais aucune idée. Pour de vrai, pas la moindre. Comment aurais-je pu ? Nous n’avons plus de chance de contracter un nouveau crédit. Cela me terrifie à quelques jours de la rentrée, sachant pertinemment que je n’ai pas le droit d’abandonner mon gamin à son sort après l’avoir poussé à avoir les meilleures notes du Bac, qui lui permettront de passer des concours.

En tous cas, la solution qui me semble la plus raisonnable dans mon cas serait que je place mes autres gamins à l’école publique. Heureusement, qu’il est encore loin le temps du Bac pour ces deux chenapans. Nos deux salaires malgré les traites ponctionnées dessus nous permettront de faire face à tout ce qui va nous tomber dessus avec le bachelier. Je n’ai pas encore parlé de ma décision d’envoyer les petits à l’école publique. Cela risque d’exploser, mais je m’y suis préparé à l’avance en revêtant l’armure du père fouettard. J’avoue quand même qu’il s’agit bien et bel d’une injustice, par rapport à leur grand frère, mais je n’ai pas d’autre choix.

Ce qu’il me reste de mieux à faire, c’est d’aller au plus vite me joindre à ceux qui s’agitent sur les réseaux sociaux pour redorer le blason de l’école publique et d’essayer d’en convaincre les miens… 

Les gens qui vivent la même situation que moi, il doit y en avoir beaucoup, c’est une certitude».

Mariem Bennani

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