Le siège parisien de l’Organisation des Nations Unies pour l’Education, la Science et la Culture (UNESCO) a été le cadre, mardi, d’échanges fructueux entre personnalités de différents horizons autour du thème : «L’Islam au XXIème siècle»
Un éventail de questions en rapport avec l’Islam ont été ainsi abordées, sous un angle souvent critique, par les participants venus de plusieurs pays européens et arabes dont le Maroc.
Au premier jour d’une conférence organisée à l’initiative de l’Association l’Islam au XXIème siècle, les intervenants, dont des chercheurs, des théologiens et des penseurs, ont mis l’accent sur la nécessité de rompre avec les discours démagogiques et de proposer de nouvelles pistes plus audacieuses et modernistes dans la façon de percevoir la religion musulmane.
Intervenant lors du panel sur «Islam et égalité», l’écrivaine et essayiste marocaine, Asma Lamrabet, a indiqué qu’en Islam, l’égalité dans sa dimension morale, de dignité, de respect et de liberté de l’être humain, est reconnue aussi bien au sein du Texte Coranique que de la pensée musulmane en général, reconnaissant toutefois que malgré l’existence d’une éthique égalitaire initiale spirituelle et humaniste, sa traduction sociale et juridique a toujours été problématique.
Pour elle, la pensée musulmane sur cette question de l’égalité bute essentiellement sur deux grandes problématiques théologiques, à savoir, l’égalité avec les non croyants ou croyants des autres religions et celle hommes-femmes. Cependant, c’est cette dernière qui symbolise l’une des impasses théologiques les plus sensibles, les plus complexes et les plus difficiles à déconstruire, a-t-elle observé.
Ce concept illustre à lui seul la peur de perdre une identité religieuse, qui aux yeux de beaucoup repose sur l’autorité et la supériorité masculine mises à mal par l’émancipation de la femme, a-t-elle ajouté en évoquant à ce propos l’anachronisme dans lequel vivent la majorité des sociétés musulmanes entre référentiel juridique dit universel où l’égalité est inscrite officiellement et le référentiel dit islamique où l’on préfère parler de complémentarité et de justice, voire d’équité.
L’essayiste marocaine a ainsi mis l’accent sur l’urgence de repenser l’égalité et d’offrir de nouvelles clés de lecture de l’intérieur mais aussi de l’extérieur de la tradition musulmane, à partir du monde où nous vivons et des valeurs fondamentales de l’héritage humain universel.
« Il faudrait aujourd’hui s’accorder sur le fait qu’il nous faut dépasser le conformisme théologique dans lequel les traditionalistes nous enferment, voire refuser l’autoritarisme des Oulémas qui nous imposent une misogynie juridique séculaire que l’on ne retrouve pas dans l’éthique spirituelle du Coran et dont on veut absolument nous faire croire qu’elle est une prescription divine ! », a-t-elle souligné.
Elle a déploré dans ce sens que la dynamique féminine aujourd’hui en cours reste «invisibilisée», alors qu’elle est en train de faire un travail monumental sur la déconstruction de toutes les interprétations patriarcales.
Lamrabet a enfin émis le vœu de voir bousculé, au sein d’un monde musulman pluriel et complexe, ce refus commun à toute lecture réformiste de la tradition.
«Au Maroc par exemple, nous avons une égalité au niveau de la constitution et la Moudawana a constitué une avancée très importante pour les droits des femmes, mais son applicabilité sur le terrain pose toujours problème, en raison d’une certaine impasse sur la réforme de l’éducation», a-t-elle confié.
Les travaux de cette conférence de deux jours, dont la séance inaugurale, a été marquée par la présence de nombreux invités de marque, parmi lesquels l’ancien ministre français des affaires étrangères, Hubert Védrine, seront sanctionnés par une Déclaration dite de Paris, après qu’une équipe de «sages» en aura fait la synthèse, a annoncé le secrétaire général de l’association, Michel de Rosen.
Avec MAP