Les socialistes, au Maroc, c’est d’abord l’USFP. La chute libre que connaît ce parti au passé glorieux est affligeante.
La récente scission du parti et les élections communales et régionales ont accéléré sa précipitation vers le fond. Une situation que tous les observateurs déplorent.
N’y a-t-il aucun espoir pour que l’USFP retrouve sa gloire ?
L’USFP (Union Socialiste des Forces Populaires), c’est ce parti dont les leaders sont entrés dans l’Histoire du Maroc.
Leurs noms, qu’ils soient morts ou encore vivants, résonnent à nos oreilles comme des têtes de chapitres d’une encyclopédie: Abderrahim Bouabid, Omar Benjelloun, Abderrahmane El Youssoufi, Mohammed El Yazghi, etc.
La seule évocation du nom du parti renvoie systématiquement à des repères historiques… Tel que le Mouvement National (l’USFP est né d’une scission de l’UNFP, lui-même né d’une scission de l’Istiqlal ; et tous ces partis ont le titre de «partis du Mouvement national», en référence à la lutte de leurs dirigeants et militants contre le colonialisme)… Ou telle que la Koutla (bloc des 4 partis d’opposition sous le règne de Feu SM Hassan II: l’Istiqlal, l’USFP, le PPS et l’OADP)… Ou telle que l’alternance (1er gouvernement d’alternance dirigé par Abderrahman El Youssoufi, en 1998)…
Qu’est-il donc arrivé à ce parti pour être aujourd’hui à ce point à la traîne ?
Certes, l’USFP a toujours été traversé par des courants. Mais l’USFP était l’USFP ! Le parti savait préserver à la fois son unité, son identité et, par là-même, sa force.
Mieux, une génération d’Usfpéistes, quadras admirables de compétences, semblait prête à assurer la relève (Ali Bouabid, Omar Balafrej, Mohamed El Gahs, Larabi Jaïdi et tous les autres…). Tous dispersés !
Pourtant, quelle USFP on aurait pu avoir aujourd’hui si ces jeunes y avaient eu la place qu’ils méritaient ! Quelle crédibilité ce parti –qui en a de moins en moins- aurait pu mettre à profit, sur la scène internationale, pour défendre les grandes causes du pays, notamment celle de l’intégrité territoriale !
Dans l’actuelle montée de tension entre le Maroc et la Suède, où est l’USFP, parti socialiste qui aurait pu parler au nom du Maroc et être écouté, s’il avait été dirigé aujourd’hui par l’un des leaders historiques, ou l’un des militants perdus en route, comme Ali Bouabid ou Omar Balafrej ?
Le parti compte encore des jeunes (comme Ouafae Hajji qui se débat au sein de l’Internationale Socialiste) qui ont encore foi dans leur parti. Mais depuis l’arrivée de Driss Lachgar à la tête du parti, c’est la débandade.
Les ténors font profil bas.
Le courant de feu Mohamed Zaidi, qui s’est longtemps opposé à Driss Lachgar, a fini par concrétiser la scission et constituer, malgré la mort de Zaidi, un parti à part entière. Un énième sur l’échiquier politique.
Tous les sympathisants de l’USFP reprochent à Driss Lachgar de n’avoir pas su sauver l’unité, même de façade, du parti. Tous lui reprochent de n’avoir pas su conduire le parti à meilleur port, voire d’en avoir précipité la débâcle.
Lui, en veut à… On ne sait qui…
Sa sortie, le 6 octobre, alors qu’il commentait devant la presse les résultats des dernières échéances électorales, laisse pantois.
Pour lui, l’USFP n’a pas récolté ces résultats désastreux, à cause de ce qu’il s’y est passé, mais parce que ces élections étaient «nulles et entachées de fraudes du début à la fin».
Il dénonce «une volonté avérée de revenir en arrière en matière de démocratie» et n’hésite pas à affirmer que, durant ces consultations, l’USFP a fait l’objet de pressions pour revenir sur son appartenance ou donner de l’argent, mais que le parti a refusé de prendre part à ces pratiques qui portent atteinte à la démocratie.
L’achat des voix a bien eu lieu. Tout le monde en a convenu. La commission composée du ministère de l’Intérieur et de la Justice a même engagé des poursuites judiciaires contre les contrevenants.
Mais ce n’est pas la raison essentielle de la bérézina qu’a connue l’USFP.
Le fond du problème n’est pas là. Il ne le touche du doigt que lorsqu’il admet que l’USFP connaît des problèmes organisationnels ; qu’il y a des «Usfpéistes en colère» ; que «le Bureau politique laisse la porte ouverte à tout projet visant à resserrer les rangs du parti» ; et que «les dirigeants du parti oeuvreront à réintégrer tous les usfpistes en colère qui sont restés fidèles à leur parti pour participer à la décision et à la gestion».
Belle profession de foi, mais qui y croit encore ?
BA
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USFP : Chronologie d’une chute
Mais où est-donc passé l’USFP? Ses piètres résultats aux dernières élections montrent que le parti est bel et bien gangréné par différents maux qui ne font qu’empirer…
Flash-back. Au bout de près de 40 ans de solide présence sur la scène politique, les remparts socialistes ont fini par lâcher. Pour la 1ère fois de son histoire, le parti allait coincer sur l’élection d’un secrétaire général. Pour la 1ère fois il allait se lancer dans l’aventure de cinq candidats en course. Le départ d’Abdelouahed Radi qui a pris la relève de Mohamed El Yazghi ne semblait déjà pas arranger les affaires du parti. Radi était souvent contesté mais on finissait par revenir à la raison. Qui alors de Fathallah Oualalou, Habib El Malki, Driss Lachgar, tous anciens ministres, Ahmed Zaidi, chef du groupe parlementaire et Mohamed Talbi, allait être le futur 1er secrétaire? Principalement, tout se jouait entre Fathallah Oualalou et Driss Lachgar. Habib Malki semblait d’emblée hors course et la candidature de feu Ahmed Zaidi n’était qu’une option de rechange après qu’Ahmed Chami a renoncé à se présenter…
C’est ainsi qu’est né au sein du parti le jeu de «qui est pour qui». Géographiquement, on commençait à compter: le Souss est partagé entre Lachgar et Oualalou. De Marrakech-Tensift à Kalâat Sraghna, fief électoral d’Abdelali Doumou, c’est Ahmed Zaidi qui a la cote. Ailleurs, dans les autres provinces de la région, les votes seraient partagés entre Lachgar et Oualalou. Au Sahara, c’est Driss Lachgar qui semble largement en avance. Ce dernier compterait également avec l’appui des structures du parti, de la jeunesse et des femmes. La région de Meknès-Tafilalet est, elle aussi, partagée entre Driss Lachgar et Ahmed Zaidi.
Lachgar remporta la course et les langues se sont déliées pour dénoncer… Quoi au juste ? Une mauvaise gestion? Il n’avait pas encore commencé pour qu’on puisse en juger! En fait, c’est cette fameuse guerre des égos qui se poursuivait. Les protestataires se sont constitués en groupe, puis en mouvement… Pour se prémunir, le tout nouveau secrétaire général n’a pas hésité à frapper fort et à renvoyer des membres du parti… Ce qui a enflammé le mouvement guidé par feu Ahmed Zaïdi qui ne voulait au début que «corriger» la trajectoire qu’avait pris le parti dès l’arrivée à sa tête de Driss Lachgar.
Le courant «Ouverture et démocratie» était en conflit avec le 1er secrétaire de l’USPF. Le bureau politique, en convoquant des militants en commission de discipline, renforçait l’organisation du mouvement réformateur…
Le bureau politique a suspendu Abdelali Doumou et Ahmed Chami de leurs fonctions au sein du parti. La commission administrative a été saisie sur le processus de scission en cours. L’appel à la préservation de l’unité de l’USFP séduit les militants mais n’arrive pas à convaincre les deux clans.
Tarek Kabbaj, président du Conseil municipal d’Agadir, a sorti l’artillerie lourde accusant Driss Lachgar de battre en brèche le principe de démocratie interne.
«Lachgar en a fini avec l’USFP». Le diagnostic est établi par Kabbaj. «Lachgar a réussi là où ont échoué les anciens adversaires de l’USFP et le Makhzen des années 80 et 90». Le parti a subi des démissions en cascade. Les démissionnaires rejoignant Al-Badil Addimocrati (l’Alternative Démocratique), parti nouvellement créé par le courant de feu Ahmed Zaidi «Ouverture et démocratie», ne cessent de se muliplier pour renforcer la formation de Tarik Kabbaj.
HD