Que reproche-t-on au juste, à ce projet de loi de finances de 2015? Outre le fait qu’il ne surprend par aucune de ses mesures, on relève surtout cette parfaite ressemblance avec le PLF 2014. Il repose essentiellement, encore, sur les équilibres macro-économiques, l’encouragement des exportations et la lutte contre les déclarations tarifaires incomplètes, entre autres, pour s’inscrire dans la continuité.
C’est essentiellement ce qui ressort de son examen par la Commission des finances et du développement économique à la Chambre des représentants. Un exercice qui s’est fait sur fond de divergences entre les groupes de la majorité et de ceux de l’opposition… L’opposition n’y a d’ailleurs pas trouvé un budget en mesure de faire face aux différents défis auxquels est confronté le pays, ni à la hauteur des attentes et des aspirations de la population dont il faut d’abord préserver le pouvoir d’achat.
Ainsi, Noureddine Mediane, président du groupe istiqlalien de l’Unité et l’Egalitarisme (opposition), a ouvert le bal en estimant que le projet de loi de Finances 2015 intervient dans une conjoncture économique marquée par la stagnation. Il manque ainsi la touche politique. Il ne s’agit, selon lui, que d’un texte faible de par les mesures apportées et qui demeure une copie conforme des anciens projets de loi de Finances avec quelques modifications mineures. Mediane a relevé le fait majeur que ce projet, qui n’apporte aucune nouveauté, accentue la crise au lieu de la résoudre et est aux antipodes des aspirations pour la promotion de la situation économique et sociale, notant que les dispositions du texte ne répondent pas aux préoccupations sociales des citoyens et à la politique de l’emploi.
Il a aussi ajouté que le PLF 2015 est purement technique et ne traduit pas les orientations du programme du gouvernement, notant qu’il s’agit d’un projet qui manque d’innovation, de créativité, d’effort et de vision stratégique pour promouvoir l’économie nationale et favoriser le développement global.
De son côté, Abdellah Bouanou (PJD), président du Groupe Justice et Développement (majorité), a souligné que ce projet est au diapason de la conjoncture actuelle et du modèle de développement auquel aspire le Maroc, ainsi que des défis à relever. Bouanou a ainsi noté que ce texte consacre 30 MMDH au développement local. Le projet intervient dans un contexte politique ordinaire et stable et s’ajoute aux différentes mesures déjà prises par le gouvernement, a-t-il relevé, notant que le texte comprend d’importantes mesures économiques, comme le soutien à l’investissement privé, la promotion de l’entreprenariat et l’orientation vers l’industrialisation, ainsi que la création de 22.000 postes d’emploi. Bouanou a toutefois appelé à ne pas dénigrer et vider le projet de sa substance, qualifiant d’inconstitutionnel le volet relatif aux «recettes diverses» qui doit être retiré du texte, précisant que son groupe apportera des amendements au PLF 2015 touchant notamment les aspects relatifs à la consolidation des acquis et des comptes spéciaux.
Pour sa part, le président du groupe du Rassemblement National des Indépendants (RNI, majorité), Ouadie Benabdellah, a fait savoir que le PLF 2015 répond aux aspirations des différents partenaires, des citoyens et des acteurs, ajoutant qu’il s’agit d’un projet prometteur, élaboré dans un contexte économique et géopolitique spécial où le Maroc occupe une place singulière marquée par la stabilité, la sécurité et le compromis autour des causes cruciales. Le projet reflète l’engagement du gouvernement à mettre en œuvre les priorités constitutionnelles et un nouveau pas sur la voie de la réalisation des réformes majeures initiées par le Maroc, a-t-il ajouté. De même, a-t-il soutenu, le texte intervient dans un contexte international encore instable en raison de la persistance de la stagnation dans la zone euro, premier partenaire du Maroc.
De vives critiques ont aussi été portées par Milouda Hazib (PAM), sur le projet de loi de Finances 2015, notamment en matière de prévisions. Pour son parti, les prévisions retenues par le ministère des Finances dans l’élaboration du PLF 2015 recèlent «une trop grande marge d’erreur». Pour Hazib, cette trop grande inexactitude «rend ces prévisions irréalistes» et ces dernières «pourraient être dictées par d’autres considérations». «Pauvre» et «frustrant» sont les qualificatifs de l’Union Constitutionnelle (UC). Cette dernière a signifié par le biais du président de son groupe parlementaire, Chaoui Bellassal, que le PLF 2015 est «dicté par les orientations du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale». Le projet de budget est ainsi jugé par l’UC comme étant «loin d’être à la hauteur des défis auxquels fait face le pays».
Le PLF est aussi épinglé sur les remboursements de la dette qui vont coûter 68 MMDH au budget de l’Etat en 2015. La charge absorbera 86% des rentrées d’impôts sur le revenu et sur les sociétés attendues l’année prochaine. Le projet prévoit aussi de réduire les investissements bénéficiant d’avantages fiscaux à l’importation. Il s’agit de passer aux projets d’une valeur de 150 MDH, au lieu de 200 millions comme cela est en vigueur depuis plusieurs années. En plus, le texte prévoit l’extension de 24 à 36 mois de la durée d’exonération de la TVA à l’intérieur et à l’exportation.
Alors que l’endettement extérieur prend une ampleur démesurée, le gouvernement promet d’alourdir davantage l’endettement extérieur du Maroc. Le gouvernement a besoin de 24 MMDH en 2015 pour faire face au déficit budgétaire estimé à 4,3% du PIB.
Enfin, Driss Sedraoui, président de la Ligue marocaine pour la citoyenneté et les droits de l’Homme, estime quant à lui que, dans le projet de loi de Finances 2015, le gouvernement «consacre des politiques qui servent une minorité au détriment des intérêts de larges couches du peuple». Le président précise que l’élimination de la pauvreté au Maroc «n’est pas une action caritative, mais une question pressante des droits de l’Homme».
Hamid dades
Emploi : La promotion encore et toujours En matière de promotion de l’emploi, Mohamed Boussaid a noté que le PLF prévoit la mise en place du statut de l’auto-entrepreneur, l’élargissement du champ des activités y afférentes et la mise en œuvre de l’indemnité pour perte d’emploi (250 MDH), outre la poursuite du soutien des programmes de l’emploi à travers la réalisation de 60.000 insertions dans le cadre du programme «Idmaj», la mise à niveau de 18.000 personnes dans le cadre du programme «Taehil» et l’accompagnement de 1.500 porteurs de projet dans le cadre de l’auto-emploi. A cela s’ajoute, a-t-il poursuivi, l’exonération, pendant une période de 24 mois, du salaire mensuel brut plafonné à 10.000 DH versé par une entreprise créée entre le 1er janvier 2015 et le 31 décembre 2019 et ce, dans la limite de 5 salariés; cette exonération qui figure aussi parmi les mesures prévues par le PLF 2015 et ce, dans le but d’encourager la création de petites entreprises et l’insertion du secteur informel dans le tissu formel. |
Investissements : Un Fonds et bien d’autres procédures Selon Boussaid, le PLF prévoit, pour ce qui est de la promotion de l’investissement, la refonte de la charte d’investissement, la simplification des procédures relatives à l’investissement, l’accélération de l’adoption des projets d’investissement présentés aux comités d’investissement au niveau national et régional, le développement et l’encouragement du partenariat public-privé et l’achèvement de son arsenal juridique. Le PLF propose aussi la création du compte d’affectation spéciale intitulé «Fonds de développement industriel et des investissements» qui sera doté d’une enveloppe de 3 MMDH, la réduction du montant des investissements bénéficiant de l’exonération du droit d’importation et approuvés par la commission nationale des investissements de 200 à 150 MDH, outre le relèvement de la durée d’exonération de la TVA sur l’acquisition des biens d’investissement, aussi bien à l’intérieur qu’à l’importation, de 24 à 36 mois à compter de la date de début d’activité. |
Pouvoir d’achat : Jouer le maintien Notant que le PLF 2015 envisage la poursuite du soutien du pouvoir d’achat des ménages, dont le revenu brut global augmente de 5% par an depuis 2000, Boussaid a démenti toute éventuelle hausse des prix de l’eau et de l’électricité. |
Consommation : Le thé en pôle position Le prix de vente du thé devra rester inchangé, sinon à la baisse. Certes, a expliqué Mohamed Boussaid, il y a une hausse de la TVA, mais il y a eu aussi une forte baisse des droits de douane. Au final, le prix de vente du thé devrait baisser. L’équation est un peu compliquée et le ministre a expliqué que le PLF 2015 propose de porter la TVA sur le thé de 14% à 20%, après avoir rappelé que les assises de la fiscalité avaient conclu à la nécessité de simplifier les taux de TVA pour ne garder que deux taux, 10% et 20%. Le PLF propose toutefois un réaménagement des droits de douane pour encourager le conditionnement local. Les droits de douane sur le thé importé conditionné passent ainsi de 40% à 32,5% et les droits de douane sur le thé importé en vrac passent de 32,5% à 2,5% pour le thé vert et de 25% à 2,5% pour le thé noir. Logiquement, si ces baisses sont répercutées sur le prix de vente au détail, ce prix baissera. La forte concurrence entre les opérateurs devrait les pousser à baisser les prix, a ainsi estimé le ministre. |