L’élection présidentielle française -vote majeur de la Ve République- aura lieu dans moins de deux mois.
Jamais une «présidentielle» n’aura été aussi imprévisible.
Cette échéance provoque un intérêt mondial, accompagné par une inquiétude internationale. Cela est dû essentiellement à la possibilité évoquée d’une victoire de Marine Le Pen. Cette dernière, dans tous les sondages, est qualifiée pour le second tour avec entre 25 et 30% des suffrages.
Il faut bien voir que l’inquiétude, notamment médiatique et de l’idéologie dominante, est liée à un contexte mondial de poussée populiste aux USA, en GB et dans les pays d’Europe de l’Est. Elle n’est bien sûr pas partagée par les électeurs de Trump, du Brexit, ceux d’Orban le Hongrois ou les admirateurs du Russe Poutine.
La possibilité d’un nouveau saut dans l’inconnu, d’un pays essentiel aux équilibres européens et mondiaux, est accrue par les incertitudes sur les autres candidatures. En effet, le doute s’est installé. Il est particulièrement fort pour la droite de Fillon. Ce dernier, après la primaire, était déjà élu dans la presse et, quelques semaines plus tard, il allait renoncer, emporté par le scandale des emplois familiaux. Il ira jusqu’au bout, même mis en examen. Sa dénonciation d’ un traquenard judicaire, monté par le pouvoir socialiste et relayé par des médias majoritairement de gauche, lui a permis d’ éviter l’effondrement. Il n’en reste pas moins qu’il est affaibli et que sa qualification, face à Marine Le Pen, pour le second tour n’est plus assurée. Il est dépassé ou talonné par Emanuel Macron. Ce dernier, qui avait beaucoup souffert de ses propos algériens sur la colonisation auprès d’une partie de l’opinion, a reçu un ballon d oxygène avec le soutien du centriste Bayrou. Il va tenter encore d’élargir ses alliances pour crédibiliser sa candidature, au risque de se normaliser dans un jeu politicien dont les Français ne veulent plus. Il semble cependant que la «bulle» ne peut plus exploser et que Macron a une vraie chance d’aller au second tour.
C’est bien plus difficile pour Benoît Hamon. Il est plus en rupture que Macron sur le bilan Hollande, mais ce positionnement ne lui permet pas, malgré le soutien de certains écologistes, pour le moment, d’effectuer une vraie percée. Il n’a qu’un espoir, le ralliement de Jean-Luc Mélenchon qui, pour le moment, fait la sourde oreille. Un retrait de Mélenchon remettrait la gauche dans la course au second tour.
Il faut donc bien voir que tout est possible. Sans oublier que les sondages sont démentis de plus en plus par les votes et que les analyses des journalistes médiatiques donneurs de leçons irritent de plus en plus l’opinion.
Et puis, il y a un élément majeur qu’il ne faut pas oublier. Pour appliquer son programme, le président élu a besoin d’un gouvernement qui s’appuie sur une majorité parlementaire stable. La réforme qui a fait passer le temps de la présidence de 7 à 5 ans fait coïncider la présidentielle avec les législatives. C’est une fausse bonne idée. Normalement, l’élu de la présidentielle- un Sarkozy ou un Hollande, voit dans la foulée une majorité de députés sortant du parti les soutenants.
Mais là?
Hamon sait que les socialistes seront victimes du rejet de la présidence Hollande. Fillon, soutenu par «Les Républicains» et le discours de l’alternance radicale, est sans doute le mieux placé pour obtenir dans la foulée une majorité présidentielle.
Macron doit bâtir une majorité et cela, pour lui, se fait pas après pas. Il est de plus évident que le soutien de Bayrou est lié à un calcul politicien du leader centriste qui veut obtenir un groupe à l’Assemblée nationale, ce qui renvoie tout de même Macron à des jeux assez politiciens. On sait qu’avec peu de suffrages, les communistes ont obtenu des groupes à l’Assemblée nationale par des accords électoraux avec le PS, tout comme les écologistes, alors qu’avec des millions de voix, le FN n’a que 2 élus. Cela fait vieille tambouille.
Quant au FN, il va se heurter au même problème, avec un scrutin à deux tours où, au deuxième tour, il peut être contré -comme ce fut le cas pour les régionales- par les alliances dites de «front républicain».
Marine Le Pen tente donc d’élargir sa majorité à De Villiers et Dupont Aignan, mais c’est peu sûr et marginal.
Cette incertitude législative aggrave l’incertitude présidentielle et pose le problème de la stabilité politique de la France après les élections de 2017.
Les milieux financiers redoutent surtout une victoire de Marine Le Pen. Mais ils avaient annoncé une catastrophe après le Brexit et l’élection de Trump. Or, il y a bien eu le séisme redouté mais, pas les tsunamis annoncés.
La presse, elle, tente de comprendre la montée populiste en France et le fonctionnement de cette démocratie qui se veut exemplaire et modèle, mais qui ne cesse d’être minée par les affaires et des soupçons de corruption.
Il y a bien un mal français et il n’est pas sûr que la présidentielle sauve le malade; elle peut même aggraver le mal.
Patrice Zehr