Bien sûr, la profession s’impatiente. Chaque fois que l’occasion lui en est donnée, elle pose la question: «quand donc ce nouveau code de la presse verra-t-il le jour ?».
La dernière fois que la question est revenue sur le tapis, c’était la semaine dernière, lorsque le ministre de la Communication, Mustapha Khalfi, recevait les nouveaux membres du bureau de la Fédération marocaine des éditeurs de journaux (FMEJ), élus lors du renouvellement des instances de la Fédération, mi-octobre dernier.
M. Khalfi sait, mieux que quiconque, ce que la profession attend. Il est aussi celui qui peut défendre ce dossier du mieux que l’on puisse attendre d’un membre du gouvernement.
Mais, malgré son souhait de mener cette mission à son terme dans les meilleures conditions et les efforts qu’il déploie pour rassurer la profession, nul n’est dupe. Les textes et lois concernant la presse ne sont pas la priorité du pays.
Ils l’étaient un certain temps. Ils ne le sont plus. Au contraire, aujourd’hui, toutes les attentions s’en détournent peu ou prou.
On est loin de 2004, lorsque le Roi, auteur d’un message mémorable, à l’occasion de la journée nationale de la presse (15 novembre), où il recommandait la concertation avec la profession avant toute réforme des textes la concernant, avait suscité une spectaculaire mobilisation, aussi bien au sein du gouvernement (dirigé par Driss Jettou) qu’au sein de la profession.
Le code de la presse et le statut du journaliste professionnel avaient alors fait l’objet de concertations ininterrompues, de 2004 à 2007, entre le gouvernement (Driss Jettou en personne et son ministre de la Communication, Nabil Benabdellah), les patrons de presse (FMEJ) et le syndicat des journalistes (SNPM). Tous les textes avaient été passés au crible et les articles, voire les alinéas, discutés un par un… Des innovations avaient été introduites dans le projet de réforme (c’est ainsi qu’était née l’idée d’un Conseil national de la presse, pour une autorégulation de la profession qui permettrait une intermédiation du Conseil avant d’éventuels recours aux tribunaux).
Le projet n’avait pas abouti, la profession refusant, par principe, de donner sa bénédiction à un texte où subsistaient 4 articles prévoyant des peines de prison et le mandat du gouvernement Jettou avait pris fin.
Depuis, la réforme du code de la presse est un sujet récurrent et de nombreuses initiatives ont été prises en son nom. Notamment le dialogue national sur les médias, qui a duré un an sous le gouvernement El Fassi. Ou, la mise sur pied par l’actuel ministre de la Communication d’une commission scientifique regroupant différentes parties, dont les représentants du gouvernement, de la société civile, la FMEJ, le SNPM…
Pour autant, les textes sont toujours à l’état de projets !
Cela va faire bientôt 10 ans que l’on parle de réforme du code de la presse !
Certes, ce qui est à l’étude aujourd’hui –et auquel travaille Mustapha Khalfi qui cherche à élargir la concertation au plus grand nombre d’interlocuteurs- dépasse de loin la simple réforme du code de la presse. Il s’agit désormais d’un ensemble de textes visant à organiser le secteur dans son ensemble, qu’il s’agisse du statut du journaliste, du code de la presse, du Conseil national de la presse, de la presse électronique, des agences de publicité, ou des imprimeurs…
Le chantier est tellement vaste que l’on peut comprendre qu’il traîne autant…
Mais, en réalité, ce n’est pas plus mal. C’est la conclusion à laquelle on arrive finalement, quand on y réfléchit.
En effet, il en va du code de la presse, comme il en va de la loi de Finances. L’important, ce n’est pas le contenu technique, mais la philosophie qui le dicte et les objectifs qui sont assignés à ce contenu.
L’important dans une loi de Finances, ce n’est pas seulement que les recettes couvrent les dépenses, c’est aussi et surtout ce que l’on veut faire avec cette loi: ménager le pauvre, privilégier le riche, décider pour le court terme, investir pour l’avenir…?
De la même manière, dans le domaine de la presse, il y a une politique qui préside aux choix qui sont faits. Veut-on plus de liberté, moins de liberté, responsabiliser le journaliste ou plutôt le sanctionner ? Or, au Maroc, aujourd’hui, non seulement les réponses à ces questions ne sont pas favorables à la profession, mais il n’y a même plus, au sein de la classe politique, de volonté réelle d’y réfléchir. Pour une raison ou pour une autre, ministres et députés sont largement remontés contre la presse. Et les «affaires» qui surgissent de temps à autre n’arrangent rien… Dans ce cas, il vaut mieux ne pas toucher aux textes. Un code de la presse qui serait plus répressif ne servirait ni la profession, ni l’image du pays.
Bahia Amrani