Le président du Centre marocain pour la gouvernance et le management (CMGM),Youssef Guerraoui Filali, a accordé à la MAP une interview dans laquelle il livre sa lecture des dernières prévisions de Bank Al-Maghrib (BAM) concernant le taux d’inflation. En voici la teneur :
– L’inflation a été maintenue en dessous du seuil de 2% durant plusieurs années, grâce à la politique monétaire menée par Bank Al-Maghrib (BAM). Toutefois, le récent conseil de BAM prévoit que l’inflation risque de grimper à 4,7%. Comment s’explique cette hausse ?
Cette hausse s’explique par plusieurs facteurs internationaux qui ont impacté les hypothèses macroéconomiques du Maroc, surtout que les hypothèses de la Loi de Finances de l’année budgétaire 2022 se basaient sur le prix du baril et du gaz butane.
Ces deux variables, qui sont très importantes, permettent de calculer la portée des charges de l’État, ainsi que le niveau de la croissance et le taux d’inflation.
Ainsi, plusieurs indicateurs économiques sont basés sur ces éléments parce que le baril est nécessaire à la circulation des ménages, et au transport de marchandises, et de capitaux, et du coup tous les prix de marchandises dépendent du prix du baril, et donc quand le prix de ce dernier augmente au Maroc systématiquement toutes les marchandises transportées du milieu rural au milieu urbain subissent des augmentations.
Nous vivons aujourd’hui une inflation sous-jacente avérée, notamment à cause de la hausse des prix du pétrole, eu égard du conflit entre la Russie et l’Ukraine, et face à la baisse de la production et l’augmentation de la demande.
– Quelles sont les répercussions de cette hausse sur l’économie réelle ?
On serait éventuellement en décroissance sur l’année 2022, ce qui est tout à fait normal, vu que le budget de l’État est très limité, et donc au lieu de financer le soutien aux entreprises et l’investissement, l’État se dirige vers le financement des dépenses de compensation, surtout avec le gaz butane, l’État va financer des milliards de plus pour soutenir la bouteille de gaz.
L’État a également décidé de soutenir les professionnels de transport suite à la hausse des prix à la pompe et donc on est en train de financer des dépenses de compensation au lieu de dépenser dans l’investissement et dans la création de la richesse.
Le taux de croissance serait ainsi très impacté, devant un taux d’inflation élevé, sachant qu’on est déjà sur une valeur ajoutée non agricole en baisse très significative par rapport à l’année précédente, suite aux retards des précipitations.
On est encore un pays en voie d’industrialisation, c’est à dire que notre PIB dépend toujours de la valeur ajoutée agricole en comparaison avec la valeur ajoutée industrielle, qui reste quand même faible malgré tous les chantiers industriels lancés.
– Comment sera la réaction du dirham sur le marché des changes ?
La valeur du dirham se dépréciera encore face au dollar et éventuellement face à l’euro, vu que la grande majorité des produits sont des produits importés en dollars.
De son côté, l’euro serait moins sollicité vu que l’Union européenne est face à une crise souveraine liée à la sécurité militaire, les importations se feront plus en dollars et donc la balance commerciale serait impactée et la valeur du dirham serait touchée.
– La croissance serait compromise en 2022 en raison notamment de la sécheresse et du conflit russo-ukrainien. Faut-il se projeter dès maintenant sur 2023 ?
Avant de se projeter sur 2023, il faut absolument adopter des mesures pour sauver l’économie marocaine, et surtout soutenir les très petites entreprises (TPE) qui sont en difficulté et qui représentent plus de 70% de notre tissu économique.
Il faut ainsi créer des écosystèmes productifs, où on va permettre à la TPE marocaine de bénéficier d’un carnet de commandes, pour lui donner une bouffée d’oxygène.
LR/MAP