Après plusieurs tractations, le projet de loi réglementant la profession comptable vient d’être voté par la Chambre des représentants. Les problèmes ne sont pas résolus pour autant. Détails.
La Chambre des représentants a adopté le projet de loi réglementant la profession de «comptable agréé» et instituant une Organisation professionnelle des comptables agréés (OPCA). Ce projet vise à réorganiser cette profession en remédiant aux insuffisances liées à l’absence de définition des actes professionnels réservés aux comptables agréés, des modes d’exercice de la profession, des obligations, des incompatibilités et des sanctions relatives à l’exercice de la profession. Ce texte fixe les modalités d’organisation et de fonctionnement de l’organisation professionnelle des comptables agréés.
Une «organisation» pour les comptables agréés
Le texte adopté par la première Chambre du Parlement prévoit la création d’une structure qui fonctionnera comme un ordre professionnel, à la seule différence qu’elle sera appelée organisation. Elle sera dotée d’un conseil national et de conseils régionaux. L’adhésion à la corporation sera ouverte à toute personne inscrite sur la liste des comptables agréés, titulaire d’un baccalauréat et d’un diplôme public obtenu après trois ans d’études minimum et reçue au test d’aptitude. Un décret devra préciser les modalités de cet examen. Une période transitoire de trois ans est prévue par le texte pour résorber le stock de comptables agréés.
Il faut dire que l’adoption de ce projet de loi avait été retardée à cause, entre autres, de la nature de la structure devant encadrer les comptables agréés. En effet, l’Ordre des experts comptables était ouvert à toutes les options, sauf à la création d’un ordre des comptables agréés pour éviter toute confusion. Il avait également violemment critiqué la grille des critères d’accès à la profession de comptable agréé au motif qu’ils étaient trop laxistes et qu’ils nuiraient gravement à la crédibilité de l’information financière. Pour les nouveaux entrants, il faut justifier d’un diplôme de niveau bac+3 en économie, gestion ou finances, d’une expérience de deux ans dans une structure de tenue et de révision comptable et réussir au concours. Après de longues discussions, le consensus a porté sur la création d’une organisation au lieu d’un ordre. En réalité, seule la forme change, mais le fond, c’est-à-dire les attributions, reste le même, l’objectif étant de sortir le projet de loi de son impasse.
Un cadre juridique dépassé
Jusqu’à présent, la profession de comptable agréé est régie par le décret 2.9.837 remontant à 1993. Ce cadre juridique est dépassé. D’autant plus que le Maroc, qui est lié à l’Union européenne (UE) par le Statut avancé, doit harmoniser les réglementations relatives à certaines professions. Ce qui passe par l’élaboration d’une loi. Sauf que le Parlement ne peut légiférer que dans le domaine des institutions relevant du droit public. Ce qui veut dire que le Parlement a pour vocation d’adopter des lois portant création d’ordres professionnels qui se verront attribuer certaines prérogatives relevant du gouvernement. Mais le projet de loi qui vient d’être voté prévoit la création d’une organisation. Une structure qui relève plutôt de la société civile. L’institution parlementaire ne peut donc pas adopter une loi prévoyant la création d’une organisation, domaine régi par le dahir de 1958 relatif aux associations.
Le projet de loi doit maintenant arriver à la Chambre les conseillers. Lors de son examen, il sera probablement amendé en remplaçant la mention organisation par ordre. En attendant le vote de la deuxième chambre, le projet de loi, qui vise à mettre de l’ordre dans la profession de comptable, prévoit des dispositions qui suscitent les réserves des experts comptables. Leur instance ordinale rejette la version finale qui a été votée et s’en tient à celle convenue avec le gouvernement.
Anas Hassy