Rim, 30 ans, cadre en entreprise, est divorcée et mère d’un enfant. Victime d’escroquerie, elle souffre du manque de compréhension de la part de sa famille, qui en a après son bébé. Elle raconte sa douleur…
«Cette année, je me suis privée de vacances d’été. Il ne faut surtout pas vous imaginer que je n’ai pas eu besoin de faire un break. Non, ce n’est pas du tout le cas. D’ailleurs, en ce moment même, si mon état émotionnel et mon état psychologique étaient en mesure de s’exprimer à voix haute, ils auraient hurlé avoir besoin de changer d’ambiance afin de colmater tous les chocs qu’ils accusent. Il faut me croire, eux ne délirent pas. Ce qui m’est tombé dessus il y a dix-huit mois en arrière et cela se poursuit, je ne le souhaite vraiment à personne. Tenez-vous bien. Un, il a fallu que je me délivre des griffes d’un escroc. Deux, liquider ses délits m’a ruiné. Et trois, malgré le fait que ma situation soit absolument dramatique, je n’ai aucun soutien moral de la part des miens.
D’emblée, je vais commencer par vous avouer que je regrette amèrement d’avoir eu à vivre trois années de vie de couple. En fait, mon mariage n’était rien d’autre qu’un infect piège. L’homme que j’ai épousé se déguisait en gentleman aisé et je n’y avais vu que du feu. Il nous avait fait croire à tous qu’il était orphelin, diplômé d’une école supérieure et qu’il gérait un patrimoine familial. Pour nous duper, il était venu avec des membres de sa famille, notamment ses grands frères et sœurs et leurs conjoints, pour demander ma main. Ces gens, à l’apparence très respectable, nous les avions crus sur parole quand ils nous avaient garanti que je vivrai très heureuse avec leur benjamin dans cette belle propriété dont il avait hérité. Mes parents, conquis, avaient accepté les yeux fermés leur condition de ne pas m’offrir tout de suite une fête et ce, par égard à la mémoire de leur mère récemment disparue. Malheureusement, nul de ceux qui me jettent la pierre aujourd’hui n’avait osé demander à ces inconnus des preuves de ce qu’ils avançaient.
Après la transcription de notre acte de mariage, nous avions effectivement emménagé dans cette maison située dans la campagne que j’avais déjà visitée. Mais dès les premières semaines, les kilomètres à parcourir pour me rendre à mon boulot s’étaient avérés insoutenables, sans oublier ceux des retours également. Mon époux sera le premier à me parler d’acheter un logement en ville pour me soulager de ce calvaire. Sauf qu’il m’exposera une histoire abracadabrante pour que je sollicite plutôt l’aide de mes parents pour effectuer cet achat à crédit. Ces derniers ne refuseront pas sachant que j’en serai l’unique propriétaire. Sauf que lui n’étant pas engagé personnellement dans cette transaction, il sera affranchi de payer les traites et de rembourser leur avance pécuniaire. Ce n’est pas tout. Il saura aussi comment me convaincre sans m’alarmer de m’occuper aussi de l’aménager avec mes sous.
Mais le meilleur morceau de l’arnaque qu’avait concocté ce voyou arrivera par la suite. Tout ce temps, je ne saurai jamais rien des occupations réelles de mon époux. Je ne me douterai de rien qui cloche. Pas même quand il évitera que je remette les pieds dans notre première maison. Et dire que l’espèce d’idiote que j’étais s’en verra soulagée. C’est que la vie à la campagne après l’avoir testée, je n’en raffolais pas. De même, je ne rencontrerai plus jamais aucun membre de sa supposée famille. Pour se justifier, il me relatera souvent quelques frasques d’une sordide guérilla entre eux. Il endormira ma méfiance en faisant les courses, en m’offrant de temps à autre des bricoles ou des vêtements.
Le moment opportun d’agir pour notre homme fut après que j’ai accouché de notre enfant. Il m’avait fait miroiter un avenir doré, assuré avec la création de ma propre société. Je ne vous dirai pas de quoi mais c’était du vent. Il m’avait expliqué tel un spécialiste de ce business que je n’avais rien à perdre mais tout à gagner. Seulement, je devais attendre que les profits commencent à pleuvoir avant de démissionner. Etant donné qu’il s’était présenté le premier jour comme étant une grosse pointure du monde des affaires, je lui avais délégué la gérance sans lire un mot des statuts et autres documents qu’il me présentait à signer. Je ne me doutais pas que je me mettais en danger en lui offrant autant de pouvoir. Ce n’est que trop tard que j’ai été mise au courant par notre soi-disant chauffeur que l’homme que j’avais épousé était un vil escroc. Il n’était pas le patron mais un simple coursier, fils unique d’une des domestiques de la famille qu’il nous avait présentée. Les patrons qui l’avaient vu naitre s’étaient crus dans leur devoir de se présenter comme étant des membres de sa famille pour lui permettre de fonder un foyer. Il les avait embobinés eux aussi! Par contre, ils l’avaient réellement autorisé à s’installer provisoirement dans leur maison restée inoccupée depuis le décès de leur mère. En vérité, cela les arrangeait sachant qu’ils n’ont jamais eu pour intention de l’occuper et encore moins de liquider leur patrimoine familial. Pour finir, ce brave homme (notre faux chauffeur), qui était fatigué des menaces proférées par son collègue pour le contraindre à rester associé à cette mascarade m’avait aussi avoué que mon époux était entrain de m’enfoncer jusqu’au cou dans un projet infructueux. Le moins qu’on puisse dire, c’est que ces révélations ont eu un effet de tsunami dans tout mon être. Je me suis évanouie ; et quand j’ai repris connaissance je me suis retrouvée entourée par les miens. Ils affichaient une mine défaite, complètement anéantie. Bien évidemment, tous avaient su l’inadmissible vérité.
Dégoutée au plus profond de mon âme, j’engageai sur le champ un avocat pour annuler cette union et pour me défendre du reste. Par rage, il m’importait peu tous les problèmes auxquels j’allais être confrontée pour divorcer, liquider la société et m’affranchir de tout ce qui me reliait à un homme de cette trempe. Ainsi, je me verrai dans l’obligation de vendre à perte mon appartement, mes meubles, mes bijoux et mes vêtements. Pour sauver ma peau d’un contentieux en mon nom, je contractais plusieurs prêts sauf que ce gouffre n’a pas de fond. Le malfaiteur qu’était mon époux s’en est sorti, indemne, et il profite d’une liberté qu’il ne mérite pas. Il avait tout prémédité l’enfoiré! La seule chose qui agit comme un baume apaisant sur mon cœur dans cette sale affaire s’est de savoir qu’il ne viendra jamais réclamer ses droits de paternité. Mais à cause de ce désastre, j’ai perdu toute dignité.
J’ai conscience qu’il me faudra patienter encore de longues années avant que je puisse venir à bout définitivement de tous mes soucis d’ordre juridique et financier me rattachant, contre mon gré, à ce passé.
Il y a qu’avec un semblant d’affection des miens, j’aurai beaucoup mieux tenu le coup. Sauf que de ce côté, j’ai bien l’impression qu’il me faudra ne jamais y songer. Mes parents, bien que sachant que nous avons tous été fourvoyés, ne cessent de jurer que j’en suis l’unique responsable. Ils rabâchent sans arrêt qu’ils ne me pardonneront jamais d’avoir permis qu’une crapule de cet acabit rentre chez eux par la grande porte et qu’il souille leur nom et leur honneur. Puisque par nécessité, j’ai été obligée de retourner vivre chez eux, ils ne se gênent pas pour nous maltraiter, mon bébé et moi, avec des mots extrêmement douloureux et humiliants. Je ne saurai vous décrire mon bouleversement, quand ils se sont mis dernièrement à nous dévaloriser aux yeux de mes frères et de mes sœurs avec leurs conjoints et enfants qui sont venus passer quelques jours de vacances d’été à la maison. Mon fils est beaucoup trop petit pour comprendre, mais pas moi. Pour le coup, j’ai remercié le ciel d’avoir la lucidité de ne pas signer de demande de congé en cette période.
Le peu de fois où je me suis laissée aller en m’asseyant avec eux, je l’ai beaucoup regretté. Ce weekend dernier par exemple, il fut très dur pour moi d’entendre ma mère dire à ma sœur que pouponner la progéniture d’un criminel, de surcroit le fils d’une bonne lui restait en travers de la gorge. Plus insupportable encore, c’est quand elles s’étaient mises avec mes belles sœurs à décider du sort d’un petit qui n’est pas le leur. En chœur, elles prêchaient vivement de me débarrasser de lui et de chercher par tous les moyens de le remettre à son père. Parce que selon elles, m’attacher à lui et l’élever seule me causerait sans l’ombre d’un doute d’autres énormes et ingérables soucis.
Toujours selon leurs dires, sa présence à mes côtés ne ferait que faire perdurer indéfiniment les relents puants de ce cauchemar qui a porté un coup fatal à toute la famille. Comme de puissants moulins à parlottes, les voilà encore me conseillant de vite refaire ma vie avec un homme de mon niveau, plutôt que de plomber mon avenir avec un mioche sur les bras.
Était-ce nécessaire de me révolter et risquer de tomber encore plus bas que je ne l’étais déjà? Assurément, non merci! Heureusement pour moi, qu’il y a les jeux et les câlins avec mon bébé pour m’enchanter immédiatement et me faire oublier au moins un instant l’ignominie de certaines paroles. Aussi, je vous rassure, jamais rien ni personne ne me séparera de mon enfant qui est mon seul bien le plus précieux en ce monde».
Mariem Bennani