Une conférence à Paris, certes, mais ensuite? Un engagement décrété par le président français au niveau de la guerre aérienne en Irak seulement, mais dans quelle stratégie globale?
Réunie pour définir le rôle de chacun dans la coalition internationale voulue par Washington contre ce mouvement djihadiste ultra-violent, la communauté internationale a affiché son soutien à l’Irak face aux terroristes, sans toutefois annoncer de plan concret.
Les participants «se sont engagés à soutenir, par les moyens nécessaires, le nouveau gouvernement irakien dans sa lutte contre Daesh, y compris par une aide militaire appropriée», a déclaré Laurent Fabius à la fin de la rencontre, insistant sur la détermination à «faire reculer et disparaître» les «égorgeurs de Daesh». Un mouvement d’une «dangerosité extrême» qui n’est «ni un Etat, ni représentatif de l’Etat» a-t-il martelé.
Pour le moment, la guerre vraiment engagée est celle des mots et de la sémantique. La communauté internationale et notamment la France parlent d’Etat terroriste et refusent l’appellation islamique qu’imposerait une traduction.
C’est Laurent Fabius qui a lancé la charge, le 10 septembre dernier. Lors d’une séance de questions au gouvernement, le ministre des Affaires étrangères a réclamé un changement de dénomination du groupe de djihadistes qui sévit en Syrie et en Irak: «Le groupe terroriste dont il s’agit n’est pas un Etat. Je recommande de ne pas utiliser l’expression Etat islamique, car cela occasionne une confusion: islam, islamistes, musulmans. Il s’agit de ce que les arabes appellent »Daesh » et de ce que j’appellerais les »égorgeurs de Daesh »». Depuis lors, différents membres du gouvernement français, dont François Hollande, ont adopté ce glissement sémantique.
Le but est donc clairement affiché: éviter la confusion et les amalgames avec l’islam. Et réduire la portée du terme «Etat» que les djihadistes ont autoproclamé. Laurent Fabius suggère donc le mot «Daesh», qui est l’acronyme en arabe de l’EIIL (Etat islamique en Irak et au Levant).
Cela concerne donc les opinions publiques occidentales par rapport aux musulmans vivant sur leur sol. Les fédérations et responsables de mosquées français ont lancé, cette fois de manière unitaire, un «appel des musulmans de France» contre Daesh (EI) exigeant une enquête sur les responsabilités des soutiens de cette organisation terroriste ainsi que sur l’origine de ses moyens. «Nous condamnons fermement les exactions commises par l’organisation Daesh à l’encontre des civils en Irak et en Syrie parmi les chrétiens, les Yézidis, les Kurdes, les Turcomans, les musulmans chiites ou sunnites, les humanitaires, les journalistes», écrivent les signataires de cet appel qui estiment que ce groupe, en dépit de son appellation usurpée, n’a rien ni d’État, ni d’islamique.
Outre-Atlantique, Barack Obama prône également l’oubli de la dénomination «Islamic State» et utilise plutôt ISIS (Islamic State of Iraq and Syria)». «Ce groupe se fait appeler »Etat islamique », mais il faut que deux choses soient claires: ISIS n’est pas islamique. Aucune religion ne cautionne le meurtre d’innocents et la majorité des victimes de l’ISIS sont des musulmans. ISIS n’est certainement pas un Etat. Il était auparavant la branche d’Al-Qaïda en Irak», a déclaré le président américain.
Le problème, c’est que ce langage étatique imposé passe mal auprès de la presse. Comme le rapporte le HuffingtonPost, cette nouvelle appellation est peu suivie par les médias hexagonaux.
«Malheureusement pour Laurent Fabius et le président de la République, et malgré leurs efforts, les médias ne semblent pas avoir pris le pli. Seuls Jean-Pierre Elkabbach sur Europe 1 ou encore Olivier Ravanello, spécialiste des questions internationales sur I-Télé, se sont approprié le terme »Daesh »», écrit le journal. Au journal télévisé de TF1 ou sur celui de France 2, on utilise encore «EIIL».
Cela étant, le changement d’appellation ne permettra pas de mettre un terme à la menace… Il faudra frapper puis il faudra bien un jour aller au sol, aux côtés des combattants de la région.
La coalition a affirmé son objectif, mais reste bien imprécise sur ses moyens et sa solidité même peut être mise en doute. Le fait que l’Iran soit écarté est bien sûr une erreur.
Le «Financial Times» a publié un article où il se penche sur les réticences des régimes arabes et alliés des Etats-Unis, face à Obama et à son idée de créer une coalition internationale pour combattre cette force terroriste. De nombreux pays arabes accusent les Etats-Unis d’avoir contribué à l’extension de l’extrémisme. Les pays arabes sont témoins de la sauvagerie dont font preuve des terroristes de Daesh, mais ne peuvent ne pas en tenir rigueur aux Etats-Unis pour leur refus de s’engager, militairement, en Syrie, ainsi que pour avoir abandonné leurs vieux alliés sunnites. Le Front Al-Nosra, le Front islamique, Daesh sont certes, des milices terroristes forgées à l’aide de l’argent saoudien, qatari et à la faveur du soutien logistique de la Turquie… Mais les USA savaient et ont laissé faire, sinon encouragé ces appuis.
Les pays arabes du Golfe rejettent, d’emblée, la stratégie anti-Daesh d’Obama, puisqu’ils y voient une stratégie risquée qui ne servira que les intérêts des Etats-Unis et qui ne fera que marginaliser les Sunnites des principaux centres du pouvoir, pour le grand bénéfice de l’Iran.
Patrice Zehr