Une décision, prise par le PJDiste Mohamed Sadiki, président du Conseil de la ville de Rabat, ordonnant la démolition d’un immeuble à Rabat pour cause de «vétusté», suscite la colère des habitants de ce bâtiment. En cause: la décision serait basée sur une «expertise falsifiée»!
La colère et l’inquiétude prédominaient, ce samedi 11 novembre, devant l’immeuble en question, sis au boulevard Patrice Lumumba, à Rabat Hassan. Etaient rassemblés, dès 10 heures, les habitants de ce bâtiment (6 familles), les propriétaires des deux restaurants au rez-de chaussée de ce même bâtiment et des associatifs locaux, ainsi que les 15 salariés des deux restaurants. La cause de ce mécontentement? Une décision prise par le Conseil de la ville de Rabat ordonnant l’évacuation dudit immeuble pour cause de «vétusté». Cette décision a fait l’objet d’un procès devant le tribunal de commerce de Rabat, il y a quelques mois. Les propriétaires ont requis la résiliation du contrat de bail avec les propriétaires des deux restaurants et l’évacuation des locataires sans indemnisation. Le tribunal a validé la décision du Conseil qui devait être mise en exécution le 2 novembre 2017. Pourtant, les initiateurs du sit-in organisé, samedi 11 novembre, pour protester contre leur évacuation, ne cessent de crier au scandale. Ils pointent du doigt des vices de procédure dans ce dossier et contestent l’ordre de démolition. Selon eux, la décision serait prise sur la base d’un «document falsifié».
Cette affaire a éclaté, en mars 2017, date où le maire de la ville, Mohamed Sadiki, a donné son feu vert pour la démolition de l’immeuble de trois étages, suite à une expertise établie par les propriétaires. «La décision a été basée sur un faux document. Ce sont les propriétaires du bâtiment qui se sont chargés d’établir une expertise falsifiée dont ils avaient besoin pour l’obtention de l’évacuation de l’immeuble. Malgré que cette expertise ait été falsifiée, elle a néanmoins été approuvée par la responsable de l’urbanisme à la mairie de Rabat», lance l’un des propriétaires des restaurants concernés par la décision. Et celui-ci de poursuivre: «Nous nous sentons méprisés. Car tout ce qui est en train de se faire est injuste. Le bâtiment a subi un effondrement de sa partie arrière, suite à des travaux d’excavation opérés pour la reconstruction d’un immeuble mitoyen. Mais le bâtiment en question est indemne et ne présente aucun danger à son environnement. Car, ses structures sont tout simplement stables». En témoigne, dit-il, l’expertise qui nous a été délivrée par LPEE, attestant qu’il ne s’agit nullement d’un bâtiment menacé de ruine. Dans ce document -dont Le Reporter détient copie- il est souligné: «L’effondrement d’une partie du bâtiment est limité à sa partie arrière, construite en place et lieu d’une cour ancienne». Dans sa globalité, lit-on toujours dans le même document, «ce bâtiment ne manifeste aucun désordre pouvant être attribué à l’effondrement, à l’exception de la rupture par torsion d’un tronçon de la poutre qui sert à l’ancrage du plancher de la partie effondrée». Même conclusion du côté du Laboratoire des experts en géotechnique, bâtiments et travaux publics (LEGBTP).
En effet, dans une expertise commanditée par les protestataires -et dont Le Reporter détient également copie-, ce laboratoire déclare: «L’immeuble expertisé est stable et aucune anomalie n’a été détectée», ajoutant que «la modification de l’état d’équilibre du sol n’a intéressé que la partie cour du bâtiment en question». Comment alors expliquer la décision de la mairie?
Verdict, le 27 novembre…
Les contestataires ne peuvent pas ignorer la situation à laquelle ils sont confrontés. Ils ont intenté un procès devant le tribunal administratif pour faux et usage de faux dans ce dossier. Le 27 novembre tombera le verdict final du procès en appel de cette affaire de falsification. Faux et usage de faux document, c’est l’accusation à laquelle devraient faire face les responsables à la mairie de Rabat -notamment ceux de l’urbanisme- dont le nom est cité dans cette affaire au niveau du Conseil de la ville de Rabat. Ils devraient apporter des explications à propos d’«une expertise présentée par les propriétaires à la mairie pour obtenir la décision de démolition et d’évacuation des locataires, alors que le document est falsifié».
Sûrs de leur combat, les plaignants profitent de toutes les occasions pour contester la décision du maire de Rabat, le PJDiste Mohamed Saddiki. En effet, les propriétaires des deux restaurants (chaque fonds de commerce est estimé à 7 millions de DH, selon les propriétaires) ont tenu, avec les habitants, des associatifs et les salariés des deux restaurants, plusieurs sit-in de colère. Ils ont lancé un appel au procureur de Roi pour ouvrir une enquête sur cette affaire de falsification de document ayant éclaté à Rabat, en mars dernier. Un dossier qui devrait connaître un nouveau rebondissement; puisque, d’après des sources officieuses qui se sont confiées au Reporter, une commission mixte s’est rendue sur les lieux, mardi 14 novembre, pour établir un rapport sur la stabilité des structures de l’immeuble. Pour l’heure, aucune information ne filtre sur les conclusions de cette commission. Mais une chose est sûre: ce dossier pourrait mettre à nu les irrégularités qui entachent certaines décisions prises au niveau du Conseil de la ville, indiquent des associatifs ayant participé au sit-in du 11 novembre. Les falsifications de cachets officiels, d’extraits d’actes de naissance, de certificats de résidence, de vente ou d’autres documents administratifs ne manquent pas, en effet. Plusieurs dossiers de faux et usage de faux documents officiels sont d’ailleurs présentées devant les tribunaux. «Dans toutes ces affaires, des agents d’autorités et des fonctionnaires des communes et même des citoyens sont cités», tiennent à souligner des associatifs.
Naîma Cherii