Renoncer à ma femme porte-bonheur !?

Fouad, 32 ans, vendeur de fruits, père de deux enfants, est en instance de divorce. Pour ce jeune homme, le divorce sera synonyme de cataclysme dans ses affaires et dans sa destinée. Voici son récit.

«Ce mot «divorce», il me donne la chair de poule. Entendez bien que ce n’est pas moi qui le souhaite. Vous pourriez croire que c’est parce que je suis un homme qui a un orgueil démesuré. Autant vous rassurer, ce n’est pas dans ma nature. Je ne suis pas non plus un illuminé, ou un extraterrestre. Juste un homme banal qui a de bonnes raisons de s’acharner à empêcher sa moitié de l’abandonner… C’est cela qui me définit correctement.  J’aimerais si possible que votre esprit n’aille pas trop vite en besogne dans le mauvais sens. Permettez-moi s’il vous plait de vous poser une question. Est-ce que vous croyez au pouvoir d’un porte-chance ? De la baraka ? Si oui, vous allez me comprendre.  

Ma femme, puisqu’il est question d’elle, je la connais depuis qu’elle était haute comme trois pommes. Surtout arrêtez avec cette paranoïa de voir le mal partout! Non, je ne suis pas un pédophile, que le Tout Puissant me préserve de toutes sortes d’abjections. Revenons à notre histoire. Je l’avais vue, le jour où ses parents avaient débarqué dans notre «derb» avec leur déménagement. Je m’en souviens très bien puisqu’avec d’autres jeunes, nous les avions aidés à décharger leur «carossa». Et ne vous moquez pas de ce moyen de transport qui continue, ici dans notre ville, de rendre service à pas mal de gens. C’était une journée d’été, plombée par une insupportable chaleur et le conducteur de cette charrette était un vieux mal crotté qui râlait comme un chien enragé. Il voulait être payé une fois arrivé sur place et repartir, refusant d’entendre qu’il devait patienter pour des raisons bien évidentes. Il déblatérait en chiquant qu’il aurait dû demander le double de son tarif tant cette galère lui avait fait perdre de temps et de l’énergie. Il n’avait pas tort vu qu’il était difficile de se frayer un chemin, en ce lieu précisément improvisé en «souika» de fortune où beaucoup de petits marchands de légumes et fruits venaient le dimanche, écouler leur marchandise. 

Mes beaux-parents avaient beau expliquer à cette tête de mule qu’ils ne savaient pas que ça tarderait, mais rien à faire. Ils furent sauvés de son langage rude et grossier quand qu’il avait fini par se prendre le chou avec une vieille vendeuse d’herbes aromatiques assise au bord du trottoir. Pendant ce temps-là, le déplacement de leurs affaires s’activait grâce à notre dévouement sous les yeux hagards de leurs petits surveillés par leur grande sœur, ma future épouse. Cette petite faisait vraiment pitié tant elle était maigrichonne avec ses cheveux crépus et ébouriffés. Bref, elle et sa famille deviendront nos voisins. Ainsi, nous allions obligatoirement nous rencontrer presque tous les jours. 

Ce n’est que des années plus tard, que je lui trouverai du charme et qu’elle acceptera de devenir ma petite amie. Je peux vous dire également que nous ne nous cachions pas. Parce que n’ayant été qu’un glandeur invétéré, préférant tuer le temps dans le quartier plutôt que les bancs de l’école, je ne voyais pas comment il aurait été possible d’envisager de me marier avec elle. Cependant, c’est ma mère qui aura le courage d’aller demander sa main en tant que mon garant. Elle avait avancé qu’elle se faisait un cadeau pour ne pas avoir à payer les conséquences de mon effronterie. Mes beaux-parents avaient accepté, puisqu’ils connaissaient très bien ma mère, la seule veuve propriétaire du coin. Elle leur avait promis de nous prendre en charge sous son toit pour toujours. Je vous jure que je n’avais pas le rond quand j’avais épousé cette jeune fille, elle non plus d’ailleurs. 

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Première semaine de vie commune, je trouverai par terre un billet bleu de 200 DH, plié en six, en allant aux courses pour ma mère. Je n’en parlerai qu’à ma moitié qui me suggèrera sur le champ de faire une petite aumône de 5 dhs et de jouer au loto. Elle viendra avec moi et comme des fous nous nous amuserons à griffonner quelques numéros au hasard. Je lui achèterai une glace tout en lui tendant le reste des sous à garder précieusement. C’était notre seul pécule mais la chance tournera pour nous. Nous gagnerons 8000 DH. Mon épouse exigera d’en faire bon usage en commençant par acheter trois caisses de fruits. Je suivrai ses conseils quand elle me suggèrera de dire à ma mère que j’avais trouvé 200 balles et qu’il m’en fallait plus. Son idée était géniale, celle d’ouvrir un carnet d’épargne à la poste aussi. Ma mère fut enchantée de mon désir de vouloir travailler pour gagner ma vie. 

Elle m’avait avancé le montant exact de ma première marchandise. Ensuite, pour faire fructifier mon business, je rajoutais de mes fonds propres tout en partageant avec elle mes premiers bénéfices. Quelques semaines plus tard, je lui avais rendu sa mise mais je continuais de lui verser une petite part de mes gains.

Au fil du temps, j’ai même été capable de soulager ma mère des dépenses de la maison tout en entretenant correctement mon épouse et nos deux bébés. Certes, sur le terrain j’avais appris énormément de choses concernant ce métier, mais je ne prenais aucune décision sans me concerter avec la meilleure collaboratrice qui soit. C’est grâce à son ingéniosité, aussi je l’avoue, à son avarice, que personne à la maison ne viendra jamais me demander comment j’avais réussi à me procurer un étal roulant puis le second. 

Pour éviter que de nuisibles curieux aient un œil sur mes activités, je louerai une place dans un garage d’immeuble très éloigné de chez nous mais à deux pas d’un espace très achalandé. Toujours grâce à ses idées, j’irai ouvrir un compte bancaire. Les yeux fermés, je lui laisserai le loisir de s’occuper de ma comptabilité, des versements et des retraits en plus d’élever nos deux gosses. Je serai infiniment comblé quand elle viendra me surprendre avec une tonne d’informations nécessaires à l’achat à crédit d’un bien immobilier ou d’un petit terrain. A partir de là, va naitre notre ambition commune de construire une maison à nous. Avant tout, nous projetions de commencer par les travaux d’aménagement d’un garage pour entreposer plus de marchandise. Spécialement depuis que mon fournisseur m’avait offert la possibilité de devenir son revendeur attitré. Vous n’imaginez quand même pas que je vais vous révéler les secrets de mon taf. Je peux seulement vous dire que vendre des fruits ça rapporte mais depuis le foutu Covid les choses ont beaucoup changé.  

Je regrette d’être né homme

Sauf qu’à peine avais-je eu le temps de comprendre que de si belles opportunités étaient à ma portée, qu’un soir en rentrant je fus giflé par l’impensable. En clair, les projets et toute ma vie vont se figer. La foudre me tombera dessus quand je saurais que ma mère et mes sœurs, ce jour-là, avaient dépassé toutes les limites qu’impose la bienséance. Je savais que très souvent elles s’accrochaient avec ma moitié. Cette fois, elles avaient été beaucoup trop loin en se liguant à trois contre elle pour lui faire la peau. Immédiatement, comme un fou j’avais couru chez mes beaux-parents pour apporter du soutien et du réconfort à ma femme. Hélas, il n’y avait aucun doute sur le fait que les ogresses l’avaient sauvagement battue. Pire encore, elles l’avaient éjectée de la maison en l’insultant sous les yeux de nos enfants et de presque tout le voisinage. Mon beau père, hors de lui, s’était vu dans l’obligation d’emmener de toute urgence sa fille pour des points de suture. Sans penser aux conséquences il l’avait aussi sommée de déposer une plainte pour agression avec coups et blessures. 

Bien sûr que la situation était regrettable puisqu’il était question de convocation au poste de police de ma mère et de mes sœurs, des femmes qui comptent tout autant pour moi que mon épouse. Ma fierté d’homme de la famille, celui qui a pris la place honorifique de mon père après son décès, mais aussi grâce à ses revenus, allait en prendre pour son grade. Je les avais suppliés de ne pas engager de poursuites mais ce fut sans succès puisque ma femme souhaitait également divorcer. Je suis resté interdit en l’entendant déclarer devant l’assistance qu’elle avait tant supporté avant de subir l’inacceptable et qu’elle refusait de garder nos deux garçons. Que maintenant, elle avait besoin de repos, de liberté et qu’elle ne risquait pas de mourir de faim si elle restait chez ses parents. J’ai tout essayé pour qu’elle me revienne en lui expliquant plus d’un millier de fois que je n’étais pas responsable de ce qui était arrivé. A chaque fois, ce fut peine perdue. Mais, je recommencerai encore et encore. Pour ma consolation, depuis son absence, c‘est la chute libre dans mes affaires. Comment ma fidèle clientèle snobe mon étal pour aller chez mes voisins, il faut le voir pour le croire. Même les habitués qui sont toujours là pour me débarrasser des fruits trop murs à un prix dérisoire font pareil. Sans mentir, déboussolé par tout ce qui me tombe dessus en série, j’ai cru en l’influence d’un mauvais sort. J’ai engagé deux assistants.  Figurez-vous que je n’ai même pas été étonné que rien ne change. Ce fut la confirmation de ce que je sais depuis toujours, à savoir que ma femme est porteuse de «baraka». Elle est mon trèfle à quatre feuilles, ma coccinelle, mon talisman porte bonheur. Sans elle à mes côtés, mon retour à la case zéro sera assuré».

Mariem Bennani

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