Après cinquante jours et six rounds de concertations et de négociations parfois houleuses avec Salaheddine Mezouar, président du RNI (Rassemblement national des indépendants), le chef de gouvernement, Abdelilah Benkirane (PJD), a présenté lundi à SM le Roi Mohammed VI le gouvernement Benkirane II tel qu’il a été recomposé. Jeudi 12 septembre 2013, le Souverain devrait recevoir la nouvelle équipe gouvernementale. Avec le maximum pour le RNI…
Des sources concordantes nous ont affirmé que les négociations étaient difficiles. Le chef du PJD avait une marge de manœuvre très réduite face au président du parti de la colombe qui négociait en position de force et exigeait le maximum. Mezouar aurait en fin de compte réussi à arracher du chef de gouvernement huit portefeuilles ministériels, dont celui des Finances, après des tractations difficiles. Selon nos sources, ce qui a rendu les négociations sur ce poste (des Finances) plutôt fluide, c’est que Benkirane ne s’y est pas opposé, contrairement à nombre de membres du Secrétariat général du parti de la lampe qui refusaient catégoriquement ce scénario –et ils ne le cachaient pas!-. Mais ces membres ont trouvé face à eux un Benkirane résolu, refusant toute opposition des siens et qui n’était pas disposé à sacrifier son poste de chef de gouvernement. Il l’aurait fait savoir à ses pairs, lors de la réunion de samedi dernier (7 septembre) du Secrétariat général du PJD, ceux qui n’arrivaient pas à avaler la couleuvre, à savoir la remise du poste des Finances à Mezouar, impliqué, selon eux, dans l’affaire des primes dudit ministère dont il avait le portefeuille.
Mezouar refuse le perchoir
Selon une source du Reporter, le gouvernement recomposé dépasserait les 31 ministres; un geste de Benkirane pour avoir les coudées franches dans le partage du gâteau et contenter ainsi Salaheddine Mezouar qui aurait refusé le présidence de la Chambre des représentants; ce qui lui aurait rapporté deux portefeuilles supplémentaires venant, toujours selon notre source, de la séparation de certains ministères, tels que le département de l’Équipement et du Transport de Aziz Rabbah coupé en deux et celui de l’Energie, des Mines, de l’eau et de l’Environnement, départements qui reviendraient, en conséquence, au RNI.
Bouche cousue
De ces six rounds de difficiles négociations et d’âpres et longues tractations, peu d’informations ont circulé, Abdelilah Benkirane ayant donné de sévères consignes à son parti pour garder le secret jusqu’à l’annonce officielle du gouvernement. Pressé d’éclairer notre lanterne sur le sujet, un ministre proche de Benkirane nous a affirmé que «seul Benkirane est dans le secret des Dieux et nous serons mis au parfum en temps voulu». La consigne de Benkirane n’a pas été appréciée par les PJDistes, mais la réponse du chef du PJD est cinglante: «Je suis mandaté par le Conseil national, la plus haute instance, le parlement du Parti, ce qui veut dire: bouclez-la».
Devant ce silence bien orchestré pour éviter que rien ne filtre, la redistribution des cartes au sein du nouveau gouvernement a été étalée quand même dans les médias. Plusieurs listes d’éventuels ministrables ont été publiées par la presse, dont Rachid Talbi, Anis Birou, M’barka Bouayda, Naïma Farah, Chafiq Rachidi…
Le portefeuille le plus alléchant et pour lequel le RNI s’est battu est celui de l’Économie et des Finances. Son attribution à Mezouar a cependant rencontré une opposition farouche de la part des PJDistes, qui ne voyaient pas d’un bon œil cette probable nomination, du fait que le chef du RNI était impliqué dans l’affaire des primes et que son retour au poste qu’il occupait dans le gouvernement de l’Istiqlalien Abbas El Fassi éclabousserait automatiquement l’actuel ministre délégué chargé du Budget, de surcroît PJDiste, Idriss Azami Al Idrissi.
Aftati revient à la charge
Le très controversé député du parti de la lampe, Abdelaziz Aftati, n’a pas mâché ses mots en confiant à un quotidien arabophone que «si Mezouar revient au ministère de l’Économie et des Finances, cela voudra tout simplement dire que tous les combats menés pour imposer la transparence dans ce ministère n’auront abouti à rien». Aftati n’est cependant pas sans savoir que, pour Salaheddine Mezouar, le retour à ce département tant convoité est une revanche sur ceux qui ont misé sur l’affaire des primes pour le discréditer et nuire au RNI. Le PJD, lui, avale difficilement la pilule en ce sens que, pour Aftati, Bouanou et d’autres encore nombreux, le retour de l’ex-argentier du Royaume est en soi une façon de restructurer le gouvernement, ce qu’ils refusent, comme ils craignent que le chef du RNI n’utilise son poste d’argentier du Royaume pour prendre le dessus sur le chef de gouvernement, vu l’importance de ce département.
Pour empêcher que cela ne se produise, certains PJDistes vont jusqu’à suggérer que le portefeuille de l’Économie et des Finances soit octroyé à l’actuel ministre de l’Agriculture et de l’Économie par intérim, Aziz Akhannouch. Et, encore une fois, Abdelaziz Aftati revient à la charge. Il réfute tout retour au gouvernement des «ex» et cite Mezouar et Belkhayat. Le renouveau, dit-il, ne se fera pas avec les vieux visages ou ceux qui rappellent le passé. Il va jusqu’à frapper à la porte de l’USFP, affirmant que l’étape actuelle nécessite la participation des socialistes à la recomposition du gouvernement. Il n’est d’ailleurs pas le seul à le penser au sein du PJD.
Mezouar se défend
Réponse du berger à la bergère, Salaheddine Mezouar corrige la trajectoire. Dans un communiqué officiel portant sa griffe, il précise que le RNI est dans une position confortable dans l’opposition. Et, pour montrer sa bonne foi, il assure que son parti, preuves en main, à tout à fait respecté les règles des négociations, répondant ainsi à ceux qui l’accusent de bloquer les négociations, ce dont il se défend énergiquement, mais qui ne l’empêche pas pour autant de revendiquer l’ensemble des portefeuilles des ministres istiqlaliens démissionnaires, y compris celui de l’Éducation nationale, occupé par Mohamed El Ouafa considéré comme partant.
El Othmani garderait son fauteuil
Les faucons du PJD seraient même prêts à accepter que le portefeuille des Affaires étrangères revienne à Mezouar, plutôt que celui des Finances. Mais Saâd-Eddine El Othmani garderait quand même ce portefeuille. La députée RNI, M’barka Bouayda, remplacerait Youssef Amrani. Dans un souci de tempérer, Abdelilah Benkirane a nié toute intervention d’une quelconque partie pour influencer le cours de ses négociations avec le RNI.
Les alliés du PJD, le MP et le PPS, se sont semble-t-il réveillés un peu tard pour réclamer à Benkirane un nouveau portefeuille chacun. Benkirane les avait devancés et présentés ses propositions au Palais royal.