Vendredi 25 octobre au Salon international des dattes à Erfoud. Nous sommes allés à la rencontre de plusieurs exposants et producteurs de dattes qui participaient à la 10ème édition du Salon international des dattes au Maroc (SIDATTES 2019) tenu, cette année, sous le thème « Palmier dattier, levier de l’emploi et pilier de l’économie oasienne ». Un thème qui ne semblait pas refléter la réalité du secteur comme il est ressenti dans les témoignages de ces agriculteurs qui ont fait part de leurs difficultés et évoqué certains soucis majeurs. La commercialisation, le déficit hydrique, qualité des dattes, ainsi que d’autres questions étaient ainsi sur toutes les lèvres…Reportage.
Un nouveau site, sur la voie principale, à quelques kilomètres de la petite localité d’Erfoud. Cette année, pour sa dixième édition, le Salon international des dattes (SIDATTES 2019), qui a clos ses portes dimanche 27 octobre, a été installé sur son nouveau site, à côté du siège de l’Agence nationale pour le développement des zones oasiennes et de l’arganier, sur une superficie de 40.000 m2, dont 11.000 aménagés en stands dédiés à cet événement. Ce qu’il faut pour accueillir au moins 220 exposants venus des régions marocaines productrices de dattes et une quinzaine de l’étranger ayant fait le déplacement dans les lieux, curieux de découvrir le produit national. Une manière pour les organisateurs de contribuer à stimuler une renaissance de la datte marocaine, un produit indispensable dans toutes les occasions des Marocains.
Les premières dattes de la saison ont commencé à faire leur apparition sur les étals du Souk «Arrahba » d’Erfoud, depuis déjà deux semaines, souligne un exposant d’Erfoud.
Durant quatre jours, le Salon a présenté les diverses variétés de dattes cultivées dans les différentes palmeraies du sud marocain. Il y en avait pour tous les goûts: «Mejhoul», «Jehel», «Bouzekri», «Khalt», «Khalt Ezzahra», ou encore «Boufagous»… Ce qui permet aux visiteurs de trouver de quoi satisfaire leurs besoins.
La récolte de ce fruit millénaire peut s’étendre encore jusqu’au mois de décembre pour certaines variétés les plus tardives. Mais pour plusieurs variétés, dont la saison touchera à sa fin, d’ici quelques jours, les associations et coopératives locales et régionales, présentes au Salon et œuvrant dans les domaines liés à la phoeniciculture, placent beaucoup d’espoir dans cette manifestation.
Commercialisation, soucis majeur des agriculteurs
La commercialisation étant l’un des soucis majeurs de toutes les coopératives et associations représentées dans cette édition, celles-ci espèrent y rencontrer de nouveaux clients pour écouler leurs marchandises et conclure de nouvelles commandes, souligne un directeur d’une Coopérative exposante au Salon. Ce dernier, qui dit être passé par une année très difficile, nourrit beaucoup d’espoir sur le Salon.
«La datte est notre principal gagne-pain. L’année dernière était très difficile notamment pour les agriculteurs de la région d’Erfoud. Nous espérons améliorer cette année notre chiffre d’affaires. Nous comptons beaucoup sur ce Salon pour vendre une bonne partie de notre marchandise», lance cet agriculteur.
Et de poursuivre: «Dans le passé, notre production était achetée par des intermédiaires à des prix très bas. Ce sont ces gens qui profitent, en fait, de la hausse des prix, notamment en période de forte demande. C’est pourquoi, nous avons choisi de nous regrouper dans des coopératives pour essayer de nous en sortir sur le plan commercial».
Le concept de la coopérative, précise-t-il, commence peu à peu à s’installer dans les habitudes des agriculteurs de la région, qui jusque-là ont des difficultés à s’en sortir individuellement.
Toutefois, tenait-il à signaler, «le retard dans le paiement décourage les petits agriculteurs à mutualiser leurs efforts autour de ces coopératives. Cette question de délai de paiement, pouvant parfois dépasser les deux mois, est une autre raison qui fait qu’une bonne partie d’agriculteurs préfèrent commercialiser, eux-mêmes, leurs dattes». Mais, dit-il, les coopératives, elles-aussi, « ont des difficultés financières et souhaitent que l’Etat leur apporte une aide dans ce cadre ».
Un malheur n’arrive jamais seul…
Un autre exposant évoque, quant à lui, la problématique du déficit hydrique, ainsi qu’un volume en baisse pour la récolte en 2018, notamment dans certaines régions où la maturation des dattes a été altérée par les précipitations qu’a connues la région durant le mois d’octobre de l’année 2018.
«En général, la production nationale a augmenté de 20 %. Mais dans notre région (Erfoud), la production a baissé de près de 80%, à cause du manque d’eau», souligne ce même vendeur auprès d’une coopérative dans la région d’Erfoud. Selon lui, une grande partie de dattes vendues actuellement au souk «Arrahba» de cette région vient des autres régions, telles par exemple, les localités de «Siffah» ou encore d’«Aoufouss».
Avec une récolte maigre pour 2018, explique notre homme, les agriculteurs ont eu du mal à approvisionner les unités de stockage des Groupements d’intérêt économique (GIE).
Et comme un malheur n’arrive jamais seul. Selon des responsables de coopératives approchés au Salon, un certain nombre d’agriculteurs ont perdu une bonne partie de leur production dans les frigos de ces unités, notamment à Erfoud. C’est ce qui explique, dit-il, que beaucoup d’agriculteurs refusent aujourd’hui d’adhérer à des coopératives qui se sont rassemblées dans des unités de conditionnement et de stockage, dont l’objectif principal est de permettre aux agriculteurs de valoriser leur récolte et de pouvoir vendre toute l’année.
Dans ce cadre, Lahcen Agaman, responsable à la Coopérative agricole «Les dattes des oasis de Draa» explique que «Certaines variétés comme «Mejhoul» ou encore «Boufegous» doivent être conservées à des températures allant de -10°C à -15°C ». Or, fait-il savoir, «dans pratiquement toutes les unités des GIE, les températures vont de 1°C à 8°C».
Et d’ajouter: «Ce problème doit être réglé pour reconquérir la confiance des agriculteurs ayant perdu leur production à cause de ce problème de température».
La qualité, pour reconquérir la confiance des consommateurs
Au salon international des dattes, la question de la qualité était également sur toutes les langues. Pour Lahcen Agaman, des efforts restent encore à déployer pour améliorer la qualité des dattes marocaines. Cet exposant estime que 80 % des consommateurs marocains ont perdu la confiance en les dattes marocaines. C’est ce qui explique d’ailleurs l’engouement des Marocains pour les dattes importées, dit-il.
«Ici, les dattes sont la principale source de revenu pour les populations locales. Beaucoup d’agriculteurs refusent encore le concept de coopératives. Ils travaillent de manière traditionnelle. Ce sont les membres de leur famille qui récoltent les dattes arrivées à maturation. Et parfois, on procède même à la récolte des dattes alors qu’elles ne sont pas encore mûres. Ces dattes ne sont pas triées et ne sont pas calibrées », a indiqué Lahcen Agaman, également directeur commercial.
Pour celui-ci, «les dattes triées au sein des coopératives sont de meilleure qualité et peuvent concurrencer les dattes importées». Avant leur commercialisation, les dattes doivent être triées dans une unité d’emballage où elles doivent être calibrées, lavées et congelées pendant 24 heures, pour écarter toute présence d’insectes, nous explique cet exposant.
Le «Bayoud», une menace à Taghajijt
Malgré les efforts déployés dans le cadre de la lutte contre le «bayoud», cette pathologie endémique, qui affecte les palmiers, inquiète toujours les agriculteurs marocains. En tout cas, le sujet a également été soulevé par certains exposants du Salon international des dattes à Erfoud. Dans la région de Taghajijt, par exemple, la menace «bayoud» pèse encore sur ce patrimoine végétal emblématique de cette région. «Le problème persiste encore dans les palmeraies traditionnelles. C’est surtout la variété Bouskry, qui est menacée par cette pathologie à Taghajijt. Le problème doit être maîtrisé pour que les palmiers continuent à jouer leur rôle dans notre région connue pour la variété de Bouskry», insiste Boubker Cherkaoui, directeur de la coopérative Agricole de palmier Taghajijt.
Ce dernier évoque aussi la question du nettoyage des touffes de palmier. «Cette opération d’entretien est indispensable pour sauvegarder le palmer et améliorer le rendement de cet arbre. Toutefois, on ne comprend pas pourquoi, dans le cadre de certains projets de nettoyage lancés par la tutelle, on fait appel à des gens de l’extérieur de la région pour venir entreprendre ces travaux de nettoyage, qui –normalement- doivent être confiés aux jeunes de la région qui travaillent dans le domaine. D’autant qu’ils connaissent mieux quiconque les spécificités de leur palmeraie», s’interroge ce directeur de coopérative.
DNES à Erfoud, Naîma Cherii