Retraite : Le CESE ménage le gouvernement… et les syndicats

Nizar baraka cese

Un dead-line est fixé au mois de juin 2015 pour élaborer une loi-cadre

Personne ne peut nier que les caisses de retraite courent à la faillite. Pour les responsables de ces caisses, il est urgent de procéder à la réforme du régime des retraites au Maroc. Selon les responsables de la Caisse marocaine de retraite (CMR, caisse des fonctionnaires), le coût financier du retard dans la mise en place de la réforme du régime des retraites au Maroc est évalué à près de 20 milliards de dirhams (environ 1,8 million d’euros) pour chaque année au-delà de 2012: «Plus on tarde dans la prise de décision, plus les mesures à prendre deviennent compliquées et accentuent la charge à répartir sur les trois paramètres de la réforme de retraite (âge de la retraite, prestation de la retraite et taux de cotisation)», avancent-ils.
Une étude du Haut commissariat au Plan (HCP) relève de son côté que la dépense totale des retraites représenterait 10% du PIB marocain à l’horizon 2050, contre 3% en 2010, tandis que les recettes ne représenteraient que 2,6% du PIB, soit un déficit de 7,4%. Un document préparé par le ministère de la Communication estime que le déficit dont souffre le régime des pensions civiles, dont celui de la Caisse marocaine des retraites (CMR), devrait se creuser d’année en année pour atteindre 135 milliards en 202,3 si la réforme n’est pas introduite. Une solution impliquant tous les acteurs s’impose donc.

Le Conseil économique, social et environnemental (CESE) a rendu, jeudi 30 octobre, sa copie sur les projets de loi 71.41 et 72.14 concernant la réforme des régimes civils de retraites. «Ainsi, le CESE recommande l’élaboration d’une loi-cadre avant juin 2015qui devrait reprendre les principes directeurs et le schéma cible de la réforme globale des régimes de la retraite et établir un échéancier précis, engageant pour les différentes parties. Un dispositif de gouvernance et de pilotage devrait accompagner le processus d’élaboration et de mise en œuvre de la réforme globale en capitalisant sur l’expérience des commissions nationale et technique. Il est à noter que, concernant la réforme paramétrique, les mesures proposées par le CESE assureraient au système actuel une viabilité minimale de 5 ans», souligne le CESE.

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Démarche progressive

Concernant l’obligation de prolonger la durée de contribution des affiliés au régime des pensions civiles, le Conseil recommande de relever l’âge de la retraite à 63 ans, à raison de 6 mois par an pendant les six prochaines années. «Cette approche doit aussi ouvrir la possibilité, à ceux qui le souhaitent, d’opter pour le départ à la retraite à l’âge de 65 ans, en accompagnant cette mesure par l’introduction d’un échelon supplémentaire dans la grille de la Fonction publique, permettant aux affiliés d’améliorer la base de calcul de leurs pensions», souligne le rapport. Le CESE appelle à évaluer, au bout de deux ans, les résultats des mesures mises en place et à en évaluer l’impact sur la viabilité du régime. En relation avec la proposition d’augmentation du taux de cotisation de 20 à 28%, la proposition du CESE va dans le sens d’une répartition de la cotisation globale des 28%, pour les salaires inférieurs au plafond, à raison de 12,5% pour l’employé et de 15,5% pour l’Etat/employeur et ce, en application du principe de l’équitable répartition des efforts (principe de répartition d’un tiers pour l’affilié, deux tiers pour l’Etat-employeur pour les régimes de base) et en préparation de la distinction au sein du régime des pensions civiles entre une tranche de base et une tranche complémentaire. Ce qui faciliterait la fusion, à terme, avec le RCAR.
La mise en œuvre de la réforme préconisée par le gouvernement devrait, selon le Conseil, s’accompagner de la mise en œuvre d’une première étape de réforme du régime du RCAR et de la CNSS. Concernant ce sujet, le CESE propose d’améliorer le niveau des pensions distribuées grâce à la révision de la base de calcul de la pension, en prenant en compte la moyenne des 10 meilleures années, au lieu de la moyenne valorisée sur toute la carrière et en introduisant un plafond; mesures qui seraient favorables essentiellement aux bas et moyens revenus. Le CESE met également l’accent sur la nécessaire révision des placements de réserves de la CNSS afin d’en permettre une meilleure optimisation dans le respect des règles prudentielles de risques. De même, les affiliés du Régime collectif d’allocations de retraites (RCAR) et de la Caisse Nationale de Sécurité Sociale, souhaitant repousser leur âge de mise à la retraite à 65 ans, devraient se voir offrir cette possibilité. Le Conseil recommande par ailleurs d’amender l’article 7 du décret n° 2-95-749 relatif au pilotage du régime des pensions de retraites en fixant le minimum des réserves réglementaires à 5 fois (au lieu de 2 fois) la moyenne des prestations des 3 dernières années. Enfin, le CESE appelle à instaurer les principes de gouvernance participative et de transparence basée sur une clarification des prérogatives de gestion et de gouvernance en s’assurant de la représentativité effective de toutes les parties prenantes, notamment de l’Etat, des employeurs et des centrales syndicales les plus représentatives. Le CESE ne s’est pas prononcé sur les départs anticipés à la retraite possibles à partir de 15 ans de service pour les femmes et 21 ans pour les hommes.

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Les syndicats réagissent

Pour les centrales syndicales, la «seule voie pour débattre du dossier n’est autre que celle du dialogue social. D’ailleurs, l’UMT compte adresser au CESE un nouveau mémorandum comportant ses réserves relatives à certaines mesures proposées concernant la réforme paramétrique des retraites, à commencer par l’âge de départ à la retraite. Miloud Moukharik, SG de l’UMT, reste ferme devant la proposition faite par le CESE de relever l’âge de la retraite à 63 ans, à raison de 6 mois par an pendant les 6 prochaines années. Mais le responsable syndical se félicite de l’option accordée aux fonctionnaires de repousser l’âge de départ à la retraite à 65 ans. Pour l’UMT, le calcul du montant des pensions sur la base de la moyenne des 8 meilleures années «bénéficiera plutôt aux cadres de la Fonction publique, notamment les secrétaires généraux». L’UMT s’est dite disposée à accepter l’augmentation des cotisations, mais à condition que l’Etat supporte les 2/3 et que le 1/3 reste à la charge du salarié.
L’autre mesure saluée par les syndicats est la réforme du Régime collectif d’allocations de retraites (RCAR) préconisée par le Conseil. «Nous avons réussi à introduire la réforme du RCAR, alors que le gouvernement cherchait à limiter la réforme à la Caisse marocaine des retraites et ne voulait rien entendre à propos du RCAR», soulignent les syndicalistes.

Bouchra Elkhadir

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