20 ans après une tentative génocidaire et d’élimination au Rwanda de la communauté Tutsie par des extrémistes du pouvoir Hutu, la commémoration du génocide a débouché sur une nouvelle crise diplomatique entre Kigali et Paris.
Pour le président Kagamé, la France a non seulement laissé faire, mais elle a participé directement et activement.
Pendant ces cérémonies, le président rwandais, Paul Kagamé, s’en est pris à la France sur son rôle réel durant les massacres. «Aucun pays n’est assez puissant, même s’il pense l’être, pour changer les faits», a-t-il déclaré en anglais, avant de lancer en français: «Après tout, les faits sont têtus», déclenchant les acclamations des 30.000 spectateurs rassemblés au Stade Amaharo de la capitale rwandaise.
De son côté, la France a tenté l’apaisement en déclarant s’associer au peuple rwandais pour honorer la mémoire de toutes les victimes du génocide. «Le 7 avril 1994 s’ouvrait l’une des pages les plus sombres de l’Histoire internationale», souligne l’Elysée qui rappelle: «Au Rwanda, en quelques mois, près d’un million d’innocents étaient massacrés parce qu’ils étaient tutsis ou parce qu’ils s’opposaient à la folie meurtrière d’une idéologie et d’un système politique». Certes, mais c’est bien sûr déplacer le problème.
«Le génocide rwandais a été une des pires atrocités de notre temps», ajoute la présidence française. «Il a été commis alors que le monde savait et n’a pas pu l’empêcher» et «a marqué notre humanité et nos consciences». «Nous avons le devoir de tout mettre en œuvre pour qu’un tel drame ne se reproduise plus», écrit encore l’Elysée qui insiste: «La prévention des génocides est devenue un élément central de l’action extérieure de la France» et «inspire à la fois nos interventions en Afrique et notre action au Conseil de sécurité des Nations Unies pour limiter l’usage du droit de veto en cas de crimes de masse».
Voilà qui n’explique pas en effet ce qui s’est passé à l’époque. En fait, les Tutsis, anciens maîtres féodaux au Rwanda et au Burundi, puis au temps de la colonisation, marginalisés politiquement par la majorité Hutue en raison de l’application dogmatique et donc brutale du principe démocratique, ont tenté de reprendre le pouvoir par les armes et la France a aidé le régime hutu, retardant sa chute et lui permettant de se lancer dans une opération de génocide. Cela est indiscutable.
Des Français ont-ils été plus loin aux côtés des Hutus? Sur ce point, il y a des débats virulents par livres interposés, notamment d’anciens militaires français.
Deuxième clef, l’histoire du Rwanda et du Burundi. Colonisés par les Allemands, ces deux petits pays passent sous mandat des Belges pendant la Première Guerre mondiale. Ces derniers, comme leurs prédécesseurs, pratiquent le gouvernement indirect, laissant l’aristocratie tutsie administrer la population hutue. Puis, en 1962, le Rwanda et le Burundi accèdent à l’indépendance. Au Rwanda, en 1961, à la suite de plusieurs révoltes des Hutus contre les Tutsis, la monarchie est renversée et la République proclamée. Les Hutus, qui forment 85% de la population, élisent alors un président de leur ethnie. Affolée, la minorité tutsie s’exile, principalement en Ouganda où elle s’organise en guérilla et effectue des raids contre le Rwanda.
Quand Juvénal Habyarimana, le président hutu, est tué le 6 avril 1994 dans un attentat, un déferlement de violence s’empare du pays pour prendre la forme d’un génocide anti-Tutsis. Cette vague de meurtres fait de 800.000 à un million de victimes, incluant des Hutus dits modérés. Une chose est indiscutable: au Rwanda, la France avait choisi son camp: celui du régime hutu contre la rébellion tutsie. Est-elle allée trop loin?
La France voulait établir un régime démocratique. Elle a été dépassée par les dérapages ethniques. Elle a tenté de sauver un régime francophone, elle l’a aidé militairement et n’a sans doute pas agi assez rapidement pour éviter le processus génocidaire. Elle est impliquée si elle n’est pas responsable directement.
Le pays, qui intervient partout dans le monde au nom des droits de l’homme, du respect des minorités menacées physiquement par des régimes totalitaires, ne peut continuer à refuser toutes les vérités sur le drame rwandais. C’est de son honneur. Cela participe au devoir de mémoire qui ne peut être exclusif, au devoir d’histoire; cela participe à sa crédibilité aujourd’hui en reconnaissant les erreurs d’hier. Il faut tout dire pour éviter l’accusation excessive et mal intentionnée…
20 ans après, alors que l’on sait tout, il reste encore un effort pour admettre ce qui s’est vraiment passé et quel a été le rôle de la France dans ces ténèbres africaines.
Dernier épisode sanglant, finalement, d’une époque coloniale ou colonialiste et qui en a connu bien d’autres…
Patrice Zehr
Cher Monsieur,
Sur les preuves de l’implication de la France dans le génocide des Tutsi, je vous renvoie à l’ouvrage monumental de Jacques MOREL, La France au coeur du génocide des Tutsi, téléchargeable en cliquant sur le lien ci-dessous :
http://jacques.morel67.pagesperso-orange.fr/
Très cordialement,
Aymeric GIVORD
Merci de publier sur ce sujet dans un journal marocain. La responsabilité de la France est telle, qu’elle doit être connue de tous, et ce n’est pas P Kagamé seul qui doit demander des comptes à la France. C’est l’Humanité toute entière.