Dans le dossier du Sahara, SM Mohammed VI a procédé à 3 changements majeurs. Les titres génériques de ces changements pourraient être: «Solution du Maroc», « Séparatistes de l’Intérieur» et «Investissements».
Le dossier du Sahara a connu bien des évolutions, depuis les années 50…
Trois Rois ont géré ce dossier, avec une montée crescendo des difficultés.
Sous Feu SM Mohammed V, dès l’Indépendance du pays, en 1956, le Maroc réclamait son Sahara, comme il réclamait ses autres territoires sous colonisation espagnole.
Sous Feu SM Hassan II, l’affaire est devenue 1ère cause nationale, après que l’Algérie de Houari Boumediène -et de ses successeurs- a décidé de s’approprier ce conflit et de le prendre en charge sur les plans politique, militaire, financier et diplomatique.
C’était les années de «la guerre des sables» (1963) ; de la Marche Verte, dont le 44ème anniversaire est commémoré ce 6 novembre 2019 ; et des nombreuses et infructueuses recherches de solution à ce différend devenu régional, confié à l’ONU.
Puis est venu le règne de SM Mohammed VI (1999).
Le dossier est toujours devant l’ONU.
Cela va bientôt faire deux décennies que les principales instances onusiennes -Conseil de Sécurité, Secrétariat général et Assemblée générale- conjuguent leurs «velléités» de lui trouver une issue… En vain.
Le 1er changement royal, chapitre VI de l’ONU
En s’arrêtant sur l’évolution du dossier du Sahara, depuis l’intronisation de SM Mohammed VI, un constat s’impose.
Trois changements majeurs sont intervenus dans la gestion de ce dossier.
Le premier a consisté à changer la donne face aux autres parties au conflit et devant l’ONU. La solution du referendum ayant bien été tentée, mais ayant échoué, après qu’il a été impossible pour les parties de se mettre d’accord sur les votants, il ne restait plus que deux voies. Soit s’enliser dans le blocage. Soit tenter l’option alternative au referendum: la solution politique. Autrement dit, celle des négociations.
Le temps de la réflexion et d’une concertation avec un certain nombre de membres de l’ONU… Et le Maroc a proposé, en 2007, une solution politique en bonne et due forme.
C’est le projet d’autonomie élargie que l’ONU a jugé «sérieux» et «crédible», le retenant –à ce jour- comme pouvant servir de base de négociations entre les parties au conflit.
Cette proposition a réellement changé la donne. Car, depuis sa présentation en 2007, toutes les résolutions du Conseil de Sécurité n’évoquent plus qu’une «solution politique».
La partie adverse, qui n’a rien eu d’autre à présenter, durant toutes ces années, tente de s’accrocher à la solution du referendum, essayant de convaincre la communauté internationale que «l’autodétermination» passe nécessairement par un referendum.
Le Maroc y rétorque que «l’autodétermination» ne signifie pas systématiquement referendum ; qu’elle passe aussi par la négociation débouchant sur un accord politique ; et qu’à l’ONU, seuls 5 cas d’«autodétermination» ont emprunté la voie du referendum.
C’est ainsi que le Roi Mohammed VI a définitivement placé le dossier du Sahara dans la case «négociations», sous les dispositions du chapitre VI de la Charte des Nations Unies, relatif au «Règlement pacifique des différends».
Et c’est encore cette case «négociations» qui a été retenue par le Conseil de Sécurité, dans sa dernière Résolution (la Résolution 2494 du 30 octobre 2019), lorsqu’il a consacré le format des tables rondes. Processus que sera invité à suivre le successeur de Horst Köhler, ex-envoyé personnel du Secrétaire Général de l’ONU au Sahara.
«Séparatistes de l’intérieur» et logique royale
L’autre grand tournant que le Maroc a connu, sous le règne Mohammed VI, c’est la tolérance par l’Etat de ceux qu’on appelle «les séparatistes de l’intérieur».
Jamais, sous Feu SM Hassan II (et du temps de Driss Basri, ministre de l’Intérieur), un résident au Maroc ne pouvait se déclarer séparatiste et continuer de vivre librement. Jamais personne n’aurait même osé se dire pro-Polisario.
Ce que l’actuel Roi a changé, c’est cette acceptation par l’Etat de l’idée que des séparatistes puissent défendre leurs positions au Maroc-même. L’acceptation également que des pro-Polisario aillent suivre des formations (quasiment de guerre) en Algérie et reviennent au Maroc (les exécuter parfois).
Ce faisant, le Roi Mohammed VI respecte une logique. Si le Maroc s’engage dans un processus démocratique et de respect de l’Etat de droit, alors il lui faut aller jusqu’au bout de cette logique… Et donc, tolérer des séparatistes au sein du pays et tolérer qu’ils expriment leurs opinions…
Une position tout à l’honneur du Souverain.
Alors que de simples citoyens marocains –et parfois même des intellectuels- ne sont pas aussi disposés à faire preuve d’autant de tolérance.
Le fait est que, non seulement ils reprochent à ces «séparatistes de l’intérieur» leurs opinions, qui heurtent le patriotisme des uns, ou le deuil des autres (ceux qui pleurent encore leurs morts, tombés pour défendre le pays et/ou son intégrité territoriale)… Mais ils leur reprochent surtout d’être à la solde d’un pays étranger -l’Algérie- qui livre une guerre sans répit au Maroc, depuis près d’un demi-siècle.
Quoiqu’il en soit, «les séparatistes de l’intérieur» font aujourd’hui partie du paysage socio-politique du Maroc, notamment au Sahara.
Cela étant, les trois régions du Sahara (Laâyoune Sakia Al Hamra, Dakhla Oued Eddahab, Guelmim Oued Noun) sont présidées par des Sahraouis-pure souche, unionistes, légitimement élus. Et cela aussi relève de la démocratie…
80 milliards pour boucler la vision royale !
Dans sa Résolution 2494 du 30 octobre 2019, le Conseil de Sécurité dit noter «qu’il est essentiel que les négociations progressent pour que la qualité de vie des habitants du Sahara occidental s’améliore dans tous les domaines».
Pour sa part, le Maroc n’attend pas «que les négociations progressent pour que la qualité de vie des habitants du Sahara occidental s’améliore».
Ce qu’il a entrepris dans ce sens remonte à plusieurs années.
Mais –et c’est le 3ème grand changement opéré par le Roi Mohammed VI- tout un plan de développement et investissements a été conçu pour le Sahara.
Les paroles se traduisent en actes.
Annoncé le 6 novembre 2015, à Laayoune, à l’occasion de la commémoration de la marche verte, avec une enveloppe prévisionnelle de 77 milliards, il est, depuis, en cours de réalisation, le budget lui étant alloué ayant grimpé à 80 milliards, répartis entre les 3 régions (Laâyoune Sakia Al Hamra: près de 45 milliards ; Dakhla Ouad Eddahab: quelque 22 milliards, Guelmim Ouad Noun: 11 milliards).
Les projets sont aussi ambitieux que variés. Ils portent sur des routes, des connexions électriques, des barrages, des programmes de dessalement de l’eau de mer (pour eau potable et pour eau d’irrigation), des sites éoliens et solaires… Ils portent également sur le complexe Phosboucraâ, le port de Dakhla, l’aéroport de Guelmim… C’est dire le gigantisme de ce nouveau plan de développement des provinces du Sahara…
Un plan qui participe d’une Vision royale englobant tous les angles de traitement du dossier du Sahara, dans ses dimensions humaines, politiques, diplomatiques, socio-économiques…
Une vision globale. Voilà le maître-mot.
Bahia Amrani