Sahara Ce rapport de Christopher Ross…

On attendait avec impatience le rapport que devait faire, fin novembre, au Conseil de Sécurité, Christopher Ross -l’envoyé personnel du Secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-Moon- après la tournée qu’il a effectuée, du 25 octobre au 15 novembre, à Rabat, Laayoune, Nouakchott, Alger, Tindouf, Madrid et Paris. A la date prévue (28 novembre), Christopher Ross a bien présenté ses conclusions au Conseil de Sécurité. A huis clos, certes, mais le brief est aujourd’hui intégralement connu de ceux qui suivent le dossier de près.

L’envoyé personnel commence par rappeler les 3 objectifs qu’il s’était fixé en entreprenant cette tournée: évaluer les dernières années de pourparlers avant d’identifier les causes de l’impasse ; chercher des pistes de progrès aux négociations; et -3ème et tout nouvel objectif- mesurer l’impact des événements du Sahel sur le dossier du Sahara. Puis il livre aux membres du Conseil de Sécurité ses conclusions générales, en 13 points.

Lors de cette tournée, rapporte-t-il d’abord, les parties au conflit lui ont réaffirmé leur engagement à continuer de collaborer avec lui et l’ONU pour la recherche d’une solution, soulignant cependant des nuances dans les positions. Le Roi du Maroc inscrivant cette collaboration dans le cadre de la proposition d’autonomie sous souveraineté marocaine. Le chef de file du Polisario, dans le cadre d’une perspective de référendum. Tout comme le président Bouteflika qui, continuant de soutenir que «l’Algérie n’est pas et ne sera jamais partie au conflit», estime que «tout règlement qui n’inclut pas un véritable référendum n’est pas une solution du tout». Le Premier ministre mauritanien, lui, plaçant la collaboration de la Mauritanie dans le cadre d’une «neutralité positive».

Concernant l’impasse des négociations -2ème point-, C. Ross rapporte que chaque partie en a imputé les causes à l’autre, toutes appelant à une «action décisive de la communauté internationale» ; mais que personne ne peut imposer quoi que ce soit aux parties, le conflit du Sahara relevant du Chapitre VI de la Charte de l’ONU (règlement pacifique des différends. Donc, aucune mesure coercitive).

Le 3ème point a porté sur le constat d’inutilité des rounds de pourparlers: 4 rounds officiels et neuf informels, sans résultats. Ross dit avoir proposé d’entreprendre «davantage de consultations avec les acteurs internationaux clés, suivies de navettes diplomatiques discrètes avec les parties et les pays voisins», avant d’envisager un quelconque autre round.

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Parlant du Sahel (4ème point), C. Ross dit que toutes les parties sont conscientes du danger que les tensions dans cette zone constituent pour chacune d’elles ; que cela plaide pour une solution rapide au conflit du Sahara, mais que «personne ne semble prêt à faire le premier pas».

Aux 15 membres du Conseil de Sécurité, Christopher Ross confie (point 5) qu’il a rencontré «un large éventail de Sahraouis pro-indépendantistes et pro-autonomistes», qu’il y avait «clairement» une soif à parler avec lui, la liste de ceux qu’il n’a pas eu le temps de rencontrer ayant largement dépassé celle de ceux qu’il a rencontrés ; mais que si «tout le monde parlait avec une sincérité évidente», il est «incapable de déterminer où se penche la balance des opinions». Il ajoute qu’il a été frappé par le fait que «presque aucune des forces de sécurité» au Sahara n’est d’origine Sahraouie et qu’il a plaidé auprès des responsables marocains «en faveur d’une modification de l’équilibre et une meilleure formation dans la gestion des manifestations».

C. Ross rapporte ensuite avoir écouté les plaintes du Polisario, prêt à «revenir à la lutte armée» et celles des dissidents du Polisario, à Nouakchott, «impatients de faire connaître leurs griefs» (point 6). Il se dit «consterné» par l’utilisation de ses déclarations, tantôt raccourcies, tantôt rallongées ; la télévision marocaine ayant censuré la fin de sa phrase quand il a parlé d’«une solution politique, qui permette l’autodétermination du peuple du Sahara occidental» ; et le Polisario lui ayant fait dire qu’il se félicitait du rôle des femmes de Tindouf dans «la lutte pour libérer le Sahara Occidental». «Je n’ai pas fait une telle déclaration», a-t-il rectifié (point 7). Puis il a rendu un hommage aux hommes de la MINURSO et du SMNU (service de déminage de l’ONU), ainsi qu’au HCR (points 8 & 9), précisant à propos du recensement des populations de Tindouf, que la question a été soulevée par Rabat, mais que le Polisario et les autorités algériennes ont dit que le HCR était «satisfait des estimations des réfugiés» qu’ils lui ont données. Hommage surtout au HCR pour son encadrement des mesures de confiance, tels les échanges de visites entre familles sahraouies, les séminaires inter-sahraouis et autres rencontres entre les parties, que Ross appelle à multiplier (point 10). S’agissant des droits de l’homme (point 11), le médiateur onusien indique que chaque partie a profité de sa visite pour déposer des plaintes contre les pratiques de l’autre, mais que les Droits de l’homme ne font pas partie de son mandat. Il ajoute cependant que si une approche devait être adoptée, elle devrait concerner «la situation des droits humains, non seulement au Sahara occidental, mais aussi dans les camps de réfugiés».

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Enfin, Christopher Ross s’arrête sur 2 derniers points (12 &13). Son intention -et 1ère tentative- de «promouvoir des relations plus normales entre l’Algérie et le Maroc» (point 12). Et la relance de l’Union du Maghreb arabe, soulignant à ce sujet que le sommet auquel appelait la Tunisie était bien accueilli par tous, mais que pour l’Algérie, il devait être préparé par «une série de réunions sectorielles, en cours mais pas encore finies», sous peine d’aller vers un échec certain.

La 1ère question qui se pose, concernant ce rapport, est de savoir s’il est objectif ? Inutile de préciser que chaque partie l’a lu avec la plus grande attention, essayant d’y déceler ce qui est en sa faveur et ce qui dessert la partie adverse. Il n’a encore été suivi d’aucune réaction officielle publique. Mais si l’on peut reconnaître qu’à l’évidence, de gros efforts de neutralité ont été faits par C. Ross, chaque partie voit bien aussi à quels détails le diplomate ne partage pas son point de vue. Par exemple, concernant le Maroc, quand il souligne sciemment que le Sahara est un territoire non autonome, ou quand il annonce vouloir faire céder par le Maroc quelques-unes de ses attributions de souveraineté (des personnes d’origine sahraouie dans la police), ou encore quand il se contente, concernant le recensement des populations de Tindouf, de donner la réponse du Polisario et de l’Algérie au HCR qui s’y opposent…

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