L’actuel épisode du dossier du Sahara donne à réfléchir.
Il s’agit, bien sûr, du retrait par le Maroc de sa confiance à Christopher Ross, l’envoyé personnel du Secrétaire général de l’ONU, dont il a estimé que sa médiation dans ce dossier devenait à la fois partiale et abusive ; le médiateur onusien se montrant plus sensible aux arguments de la partie adverse (Algérie et Polisario) et outrepassant les limites de son mandat en voulant élargir les compétences de la MINURSO sans obtention préalable de l’accord des parties. Et il s’agit surtout des suites de cette décision…
Depuis que le Maroc s’est plaint officiellement de Christopher Ross à Ban Ki-Moon, il y a plus de deux mois, que s’est-il passé ?
Au niveau du fond du problème, rien de déterminant. On peut noter l’annulation de la tournée de Ross dans la région, initialement programmée pour mai dernier ; ou encore la nomination (le 15 juin) d’un nouveau chef de la MINURSO, le diplomate allemand Wolfgang Weisbrod-Weber… Mais l’essentiel est en suspens puisque aucun autre médiateur n’a encore été nommé pour succéder à Christopher Ross. Et si le dossier du Sahara s’est quelque peu compliqué, depuis la décision marocaine de remettre en cause la médiation de C. Ross, le Maroc -contrairement à ce qu’en disent ses détracteurs- s’y attendait plus ou moins. C’est pourquoi, avait expliqué un responsable marocain à la presse, cette décision a été prise dès le lendemain de l’adoption par le Conseil de Sécurité de sa dernière résolution sur la Sahara (avril 2012). Ce qui laisse à la diplomatie une année pour remettre le processus sur rails, avant le prochain rapport onusien sur le Sahara et une éventuelle prorogation du mandat de la MINURSO.
Par contre, c’est au niveau du comportement des uns et des autres qu’il y a matière à réflexion.
Que cherchent le Polisario et son mentor algérien en occupant le terrain, comme ils le font actuellement ? Presse déchaînée, menaces de reprise des armes, mobilisation de lobbies (tantôt le barreau américain, tantôt celui de Paris), organisation de forums, danse du ventre devant le nouveau chef de la MINURSO, reprise en mains des séparatistes de l’intérieur du Maroc…
Et que fait le Maroc qui donne l’impression de subir, d’être désappointé, de manquer d’idées, de combattivité et de ressort ?
En réalité, dans ce conflit du Sahara, le Maroc a trop souvent eu le tort de croire qu’être convaincu de son bon droit suffisait. Alors que c’est tout le reste du monde –y compris l’adversaire- qu’il faut convaincre de cela, toujours et encore, sans relâche, jusqu’à obtention du résultat final.
Le Maroc s’est toujours comporté en Etat, s’efforçant de convaincre les dirigeants des Etats, sans déployer autant d’efforts en direction des opinions populaires ; utilisant les méthodes orthodoxes d’un Etat, où le combat se livre sur une ligne de front précise, où l’action défensive l’emporte sur l’offensive…
Le Maroc a toujours utilisé les méthodes d’une guerre classique.
Tandis que la partie adverse, elle, a opté pour celles de la guérilla.
Il est grand temps pour le Maroc d’en tenir compte.
Du reste, même l’approche défensive faiblit… Où sont passées les thèses du Maroc qu’il développait en matière de droit international, à l’époque des batailles juridiques devant la CIJ et autres instances onusiennes ? Où sont ses arguments des années 70 sur les critères d’un Etat, la définition d’un peuple, la décolonisation du Sahara (qui doit bien avoir lieu, mais en faveur du Maroc et non du Polisario qui n’existait pas quand l’Espagne occupait les terres marocaines réclamées par Rabat devant l’ONU depuis les années 50) ? Le plein cap a été mis sur la diplomatie et le droit a été relégué au second plan. A tel point que la partie adverse a développé un argumentaire fallacieux où c’est elle qui réclame la décolonisation et où le colon est devenu… Le Maroc. Même Christopher Ross a compté sur la diplomatie (avec le dessein de mobiliser l’opinion publique internationale) plutôt que sur un processus juridique pour transformer le mandat de la MINURSO…
La ligne défensive a également faibli au niveau de la force de proposition du Maroc qui –lui et non ses adversaires- doit occuper le terrain avec des idées toujours nouvelles, des lettres au Secrétaire général de l’ONU et aux membres du Conseil de Sécurité, à chaque occasion. Elle a faibli au niveau des réponses aux attaques, mensonges et campagnes d’«intox». Le Maroc laisse dire, laisse faire… Alors qu’il faut un travail inlassable de réponse aux accusations, de réaction systématique à tout propos inexact concernant le dossier du Sahara… Aujourd’hui, par exemple, il aurait fallu un mémorandum au barreau américain qui vient de prendre position, un autre à celui de Paris et à l’association internationale des juristes démocrates, etc. Réagir ne rétablira peut être pas la vérité, mais ne pas réagir, c’est laisser les thèses mensongères prendre le dessus.
Quant à l’épisode Ross, il a besoin d’une reprise de l’initiative par le Maroc. Les idées ne manquent pas…
Enfin, ce qui a également faibli, c’est la mobilisation du front intérieur. Les forces vives de la nation se plaignent régulièrement de n’être pas suffisamment (voire pas du tout) informées. De même que la presse (en dehors des moments de crise). D’où le grand déséquilibre entre le nombre infini d’articles de presse sur le Sahara balancés par les Algériens (notamment sur internet) et celui, dérisoire, portant une signature marocaine.
Diplomatie, diplomatie parallèle, presse… Aucune contribution n’est superflue. Il faut une vraie volonté et de vraies structures pour s’en assurer.