Elu à la tête de la CGEM (Patronat du Maroc), le 22 mai 2018, Salaheddine Mezouar, ex-ministre des Finances, ex-ministre des Affaires étrangères et ex-Président du parti de la Majorité, le RNI, n’a pas eu un début de mandat tranquille. Les secousses se sont enchaînées, depuis sa prise de fonction, au point que le nouveau patron des patrons semblait avoir entamé une épreuve de «Rodeo».
Après 8 mois de silence, c’est un homme «blessé mais sans rancune, rassembleur mais ferme sur la volonté de réforme» -selon ses propres termes- qui s’est présenté ce mercredi 23 janvier, devant un aréopage de patrons de presse.
Cette rencontre avec les éditeurs a deux objectifs, a-t-il d’emblée expliqué: clarifier les malentendus des 1ers mois du mandat et présenter les chantiers de la CGEM.
Les malentendus, Salaheddine Mezouar les a passés en revue l’un après l’autre, non sans avoir d’abord précisé que «chacun a son style, ses méthodes, sa conception de la gestion» et que son style «soit n’a pas été compris, soit n’a pas été accepté».
Pourtant, se défend le nouveau patron des patrons, «j’ai appliqué les conclusions de la tournée d’un mois que j’avais effectuée auprès des fédérations, avant les élections de la CGEM». Conclusions qu’il a résumées en «une volonté de renouvellement exprimée par tous».
Les malentendus…
Ainsi, concernant la polémique qui a porté sur la composition du Conseil d’administration, Mezouar a précisé: «Les 2/3 du Conseil d’administration sont statutaires. Pour le dernier 1/3, on a voulu que la représentation soit élargie. La CGEM doit être la plus représentative possible. Représentative notamment de la génération montante. Le principe avait été accepté en Conseil d’administration. J’ai été transparent. J’ai dit que les statuts étaient dépassés. Mais après, la décision a été contestée…». Et Salaheddine Mezouar d’annoncer qu’il a nommé un comité pour la réforme des statuts.
Pour ce qui est de la polémique autour du groupe parlementaire de la CGEM, sans jamais nommer Neïla Tazi (sauf pour lui présenter ses condoléances pour la perte de sa mère, ce jour-là), le patron des patrons a regretté que le malentendu ait pris ces dimensions «en dehors de la CGEM». Pour lui, les faits sont simples. «Dans les textes, il n’existe pas de mode opératoire pour attribuer les fonctions au sein de ce groupe. C’est le fait du Prince. C’est le Président qui décide. Ce n’est pas normal !», s’exclame-t-il. Ajoutant «il n’y a pas de position de rente. Ma responsabilité est de poser des règles. Toute représentation doit passer par la case élective. Or, j’ai reçu 2 autres candidatures. Voilà comment les choses se sont passées». («Je n’ai rien contre Neïla Tazi, je n’ai rien contre les femmes», confiera-t-il plus tard).
A propos des rumeurs qui ont couru au sujet du départ de la CGEM de Ahmed Rahhou (PDG du CIH et membre du CESE), Salaheddine Mezouar a déploré ces rumeurs, mais expliqué qu’il ne lui appartenait pas de s’exprimer sur une décision qui n’appartient qu’à son auteur. «Ahmed Rahhou est un membre de la CGEM qui lui a beaucoup apporté. C’est quelqu’un de très engagé, avec lequel on a beaucoup de plaisir à travailler. Mais s’il décide, pour des raisons personnelles, de prendre du recul, il faut respecter ses positions. C’est sa volonté. Je n’ai pas à m’expliquer sur ça», a-t-il dit.
Autre point clarifié, celui de la participation de la CGEM à la préparation de la Loi de Finances 2019. Se défendant d’avoir été absent, ou passif, S. Mezouar a lancé: «bien sûr que j’ai discuté le PLF 2019 avant la présentation de la Loi. Nous avons tenu plusieurs réunions et ce, depuis le mois de juillet ! J’avais des doléances concernant les retards de paiement et la contrebande. J’ai agi sur ça. Entre quelques milliers de dirhams à gagner sur des «mesurettes» et les milliards gagnés sur les arriérés de TVA, il y a une différence. Beaucoup d’entreprises ont pu avoir du cash qui a mis fin à leurs difficultés».
…Et les chantiers
S’excusant d’avoir pris beaucoup de temps pour «dissiper les malentendus, mais sans rancune, sans jugement, juste le droit de dire ce que j’ai ressenti parce que j’ai été profondément blessé», le patron des patrons a ensuite décliné les chantiers de la CGEM.
«Nos chantiers sont nombreux, intenses. Ils sont clairs», avance-t-il, avant d’entrer dans les détails.
Ainsi, certains ont été abordés à l’occasion des malentendus, comme réformer les statuts, s’atteler à remettre de l’ordre en interne, installer des règles de gestion claires… D’autres ont davantage trait aux préoccupations de l’entreprise.
D’autres encore concernent les relations et activités de la CGEM, à l’international.
Il s’arrête sur un des plus grands chantiers, celui qui concerne les Assises de la fiscalité, prévues en mars prochain.
«D’abord, nous voulons agir sur le court terme. Nous voulons des résultats rapides et nous voulons agir sur le fond. Nous ne voulons pas aller aux Assises avec des recommandations, mais avec des dispositions et mesures claires et opérationnelles immédiatement. Les gens en ont assez des recommandations. Le Maroc a accumulé des milliers de recommandations». Et Mezouar de préciser davantage: «Pour les Assises de la fiscalité, on s’est mis d’accord sur une doctrine. 3 principes ont été arrêtés avec le ministère des Finances et la Direction des impôts. Le 1er consiste à donner de la visibilité au cadre fiscal marocain. Il faut qu’il soit clair. Le 2ème principe porte sur la nécessaire neutralité de l’Etat. Enfin, 3ème principe, il faut un respect des règles par tous».
Autre grand chantier, le dialogue avec les partenaires sociaux.
Ici, Mezouar révèle la nouvelle approche qu’il compte adopter. Constatant que le dialogue social classique est dans l’impasse, le nouveau patron des patrons a décidé que «la CGEM doit avoir ses propres canaux avec les partenaires sociaux». Il s’agira de discuter, voire négocier, directement avec chacun des partenaires sociaux, afin de débloquer les situations. La méthode est nouvelle et se veut plus pragmatique, mais elle n’exclut pas la participation de la CGEM au dialogue social tripartite classique «patronat- gouvernement- syndicats». A suivre, pour en voir les résultats qui, s’ils sont probants, révolutionneront le dialogue social en quasi-stand by depuis le gouvernement Abbas El Fassi.
B. Amrani