Tout ce que j’ai pu lire sur le pain, sur les différents supports (papier et électronique) ne traitait le problème du pain que sous les angles du poids et du prix. Pour ma part, je vais traiter ce problème sous un autre angle, à savoir «l’ajout du sucre dans le pain».
Retenons d’abord ces chiffres: 195 millions … 3,5… 34 Kg…
195 millions d’unités, c’est le nombre de pains fabriqués par jour au Maroc.
3,5 est la consommation de pain par Marocain et par jour.
34 kg, c’est la consommation annuelle de sucre par Marocain contre une consommation moyenne mondiale de 23 kg.
Jusqu’à maintenant entrait dans la composition du pain un produit extrait du maïs, nommé «glucose de maïs» et qui avait pour rôle principal de garder au pain une certaine souplesse tout au long de la journée. Seulement ce glucose de maïs est devenu horriblement cher, d’où son remplacement par le sucre semoule. Au cours de l’émission «Echos Eco», deux personnes différentes, en parlant du prix de revient du pain, ont reconnu l’ajout du sucre dans le pain, même si la première est une personne qui travaille d’une manière artisanale et la seconde de manière moderne. Deux questions s’imposent.
Pourquoi le sucre semoule?
Le sucre semoule est venu en remplacement du glucose de maïs, même s’il ne peut pas le remplacer. Par contre, le sucre semoule permet:
– de donner un aspect extérieur au pain d’être bien cuit, grâce à la caramélisation du sucre semoule.
– le temps de la caramélisation étant relativement rapide, il en résulte une économie substantielle d’énergie, vu son prix.
– toujours dans cette soif du gain rapide, certains boulangers traditionnels chauffent leur four avec des bois de toutes provenances. Voire des chutes de bois de coffrage encore imbibé de ciment, achetées à deux sous auprès des gardiens de chantiers. Résultat des courses, nous avons un «pain armé». Puisque nous avons le ciment avec les chutes de bois et le fer avec la farine.
Dans quelle quantité?
J’ai été vraiment surpris d’entendre l’aveu franc de ces deux boulangers de l’utilisation du sucre semoule car, pour une bonne part de leurs confrères, ils ne reconnaissaient pas du tout l’ajout du sucre semoule dans la composition du pain. Certains se fâchaient vraiment à la prononciation du mot «sucre». Quant à la quantité, il a fallu ruser pour arriver à des quantités plus ou moins logiques. La moyenne retenue est de 1 kg de sucre semoule par sac de 50 kg de farine. Un simple calcul nous donne un ajout de 3,6 g de sucre semoule par pain de 180 g. 34 kg de sucre, c’est la consommation annuelle qui dépasse de 24% la consommation moyenne mondiale. Si on multiplie le nombre de pains consommés par Marocain et par an, on aura:
(3,5 x 3,6 g x 365 jours = 4,600 g/1,000 g = 4,6 Kg). La consommation de sucre chuterait de 34 kg – 4,6 kg = 29,40 kg. Ce qui nous rapprocherait considérablement de la consommation moyenne mondiale et nous ne serions plus qu’à un écart de 11%.
L’objectif réel n’est pas de réduire ou d’augmenter la quantité de sucre consommée par le Marocain, mais de voir l’impact de cet ajout anarchique du sucre dans le pain sur la santé du consommateur. Il ne faut pas être guidé uniquement par l’appât du gain au détriment de la santé du citoyen. Dans cette situation, nous avons trois cas de figures:
– Une personne saine qui consommerait 34 kg ou 27 kg de sucre, pour nous, c’est un apport comme un autre.
– Un diabétique qui s’ignore, vu le rôle essentiel du pain dans le régime et l’habitude alimentaire du Marocain. Ce dernier consommera sans se rendre compte et personne n’attirera son attention sur le fait qu’il est en train de consommer quotidiennement 12,6 g de sucre semoule rapide (quantité dont il peut se passer) d’où la déclaration rapide de son diabète. Selon les chiffres qui circulent, nous avons entre 5.000 et 8.000 nouveaux diabétiques tous les ans (je ne dis pas que ce nombre élevé de nouveaux diabétiques chaque année est le résultat du seul sucre semoule, mais je reste persuadé qu’il y contribue grandement)
– Le nombre qui circule et qui varie entre 2 et 4 millions pour les malades traités par la seule santé publique et qui suivent leurs traitements ne comprennent pas pourquoi il y a un décalage entre le dosage des médicaments et le résultat des analyses glycémiques. Les diabétiques, comme le reste des consommateurs, ignorent qu’ils consomment «du sucre semoule rapide» à raison de 12,6 g/jour, dans le seul pain et à leur insu.
Ebauches de solutions
L’idéal serait de supprimer le sucre semoule de la production du pain. Du même coup, nous aurons un pain qui sera mieux cuit, d’où la suppression d’un certain nombre de problèmes de digestion, une baisse de la consommation du sucre, une réduction du montant de la compensation et une économie au niveau des médicaments. Mais comme il est impossible de passer du jour au lendemain d’une fabrication avec sucre à une fabrication sans sucre, je pense qu’il va falloir procéder par étapes intermédiaires, à savoir:
– Informer le consommateur par tous les moyens de communications disponibles que le pain acheté en boulangeries traditionnelles ou modernes contient du sucre semoule.
– Faire participer le corps médical et paramédical à informer à leur tour leurs malades de l’existence du sucre dans le pain.
– Engager la société civile (Associations de lutte contre le Diabète, etc.).
– S’adresser à tous les centres d’intérêt de la femme (presse féminine, Emissions destinées aux femmes) pour la sensibiliser au problème du sucre dans le pain.
– Exiger des boulangers, en plus des autres activités, de répondre à la demande d’un pain sans sucre au même titre que le pain sans sel.
– Il faudrait aussi que nos chefs d’entreprise dépassent cet état d’esprit archaïque qui veut que tous les produits doivent générer une marge positive et raisonner enveloppe globale, avec une marge positive à la fin de l’exercice.
– C’est par la conjugaison de tous ces efforts avec la participation du consommateur et surtout la participation de la consommatrice, qui sera une véritable force influente, que les choses avanceront.
Je voudrais terminer par un chiffre, pour montrer ce que peuvent représenter ces 3,6 g par pain et par jour au bout d’un an:
(195 millions x 3,6 g) x 365 j/1 million G = 256.230 tonnes de sucre semoule
Ahmed Bayoud, de l’Association «Les Amis De NAIL», FMDC/Ampoc