Port de M’diq
La situation serait-elle catastrophique pour la pêche pélagique dans la zone nord, comme le soutiennent cette semaine des sardiniers. Pour ces derniers, la seule solution à cette situation provoquée par les attaques du gros dauphin noir serait de bénéficier d’un quota de thon rouge. Nos sources soufflent que les sardiniers envisagent des mouvements de protestation pour forcer la relance d’un dialogue avec le gouvernement au sujet de ce quota de thon rouge.
Décidément, les sardiniers du nord ne décolèrent pas. De nombreux professionnels opérant dans la zone allant de M’diq à Saîdia évoquent «une situation catastrophique», qui s’est accentuée avec l’afflux d’une grande population de dauphins noirs. Une situation, qui disent-ils, perdure depuis plus de six ans.
«Les attaques de ce gros poisson sont devenues très fréquentes dans toute la zone méditerranéenne», expliquent les mêmes professionnels. Ils alertent: «La pêche pélagique a beaucoup souffert. Quand le dauphin noir attaque les filets des pêcheurs, il ne reste parfois que très peu de caisses de sardines. Les dégâts que cet animal cause aux sardiniers sont énormes dans les filets et une lourde facture». Conséquences de cette situation: Certains armateurs, en désespoir de cause, ont même été contraints de vendre leurs bateaux et d’autres s’apprêtent à le faire, selon nos sources. Dans certains ports, comme celui de M’diq, 7 bateaux sardiniers seraient aujourd’hui en arrêt d’activité, assure-t-on.
Et ce n’est pas tout. Beaucoup de marins-pêcheurs ont été obligés de quitter la zone nord pour aller travailler dans d’autres ports dans la zone atlantique, affirment nos sources, ajoutant que certains d’entre eux ont même changé de métier à cause de leur situation précaire. De quoi inquiéter la filière de pêche pélagique dans la zone méditerranéenne, qui demeure une activité capitale pour quelque 15.000 postes d’emplois indirects, souligne, pour sa part, Karim Lamrabat, vice-président de la chambre des pêches maritimes de la Méditerranée, ajoutant que les professionnels n’ont pas cessé de demander aux autorités locales et au département de la pêche d’intervenir pour mettre fin à leurs difficultés avec le dauphin noir.
Il convient de rappeler qu’en vertu d’un accord, signé en 2017 pour accompagner les marins pêcheurs victimes des attaques du grand dauphin noir «Negro», il a été décidé que les professionnels de la pêche côtière soient dédommagés à hauteur de 100% (800.000 DH pour chaque bateau). C’est ce qui leur a permis d’acquérir un nouvel engin de pêche de poissons pélagiques. L’opération avait profité à 114 navires opérant dans la zone allant de Fnideq à Saïdia. Mais le problème n’aurait pas été réglé pour autant. «Le dauphin noir est toujours là, et ses attaques détruisent les filets des marins-pêcheurs», affirme Karim Lamrabat, qui tient à préciser «que les sardiniers n’ont plus touché d’aides depuis quatre ans pour remplacer les filets de pêche détruits».
Pour protéger les marins-pêcheurs des attaques de ce gros poisson, qui envahit les côtes de la Méditerranée, un appel d’offres avait été lancé, en 2017, pour l’acquisition d’un nouveau filet de pêche de poissons pélagiques, en remplacement des filets actuels. Les sardiniers espéraient trouver enfin une solution avec les nouveaux filets réalisés par une société française. Arrivé au Maroc en juillet 2018, le nouveau filet de pêche a fait l’objet d’une expérimentation dans les ports de Saïdia, cap de l’eau, Nador, Jebha, El Hoceima et M’diq. Mais les résultats des tests n’étaient pas satisfaisants, selon les sardiniers.
Les signataires d’une lettre, adressée aux autorités locales et aux responsables par les professionnels et dont Le Reporter détient copie, l’avaient clairement souligné. «Le nouveau filet est plus lourd que celui utilisé actuellement. Les pêcheurs doivent fournir un grand effort pour le soulever. En plus, son prix est très élevé», soulignaient les signataires dans leur lettre, ajoutant qu’aucune solution n’est encore portée pour régler le problème des frappes du dauphin noir.
Ils l’ont d’ailleurs fait savoir lors des rencontres ayant été tenues par la profession pour interpeller les autorités sur ce sujet préoccupant de ce gros poisson qui avale plusieurs tonnes de poisson, selon des marins-pêcheurs. La dernière en date a été organisée, il y a quelques semaines, par l’Alliance professionnelle des propriétaires de la pêche côtière au port de M’diq, en présence des représentants des autorités locales, de l’Institut national de recherche halieutique (INRH), de la délégation régionale de la pêche maritime à M’diq et de la chambre des pêches maritimes de la Méditerranée. Le Reporter a pu avoir le PV de cette réunion qui a été focalisée sur les difficultés rencontrées par les opérateurs de la pêche pélagique dans la zone nord.
Ces derniers disent avoir tout essayé pour sauver la pêche pélagique. Mais, en vain, regrettent les sardiniers, qui demandent leur quota de thon rouge.
Cette demande est appuyée par l’Alliance professionnelle des propriétaires des bateaux côtiers au port de M’diq, reconnait son président Karim Lamrabat, également président de la Commission du poisson pélagique au niveau du Conseil régional de Tanger-Tétouan-Al Hoceima.
«Pour l’heure, nous ne voyons pas venir une solution pour sauver le secteur de la pêche pélagique dans la zone de la Méditerranée. Cela fait maintenant plus de quatre ans que les sardiniers souffrent avec le dauphin noir qui se glisse dans les filets des pêcheurs pour y manger leur prise. Beaucoup d’entre eux ne peuvent plus sortir en mer à cause de leurs difficultés financières», dit-il, précisant, au passage que «les nouveaux filets proposés par l’INRH ne sont pas efficaces».
«Les patrons de pêche ayant testé ces nouveaux engins de pêche affirment d’ailleurs qu’ils ne sont pas la solution aux problèmes des attaques du dauphin noir», explique ce professionnel de la pêche pélagique.
Il poursuit: «La situation est catastrophique. La seule solution aux difficultés des sardiniers c’est de bénéficier d’un quota de thon rouge. C’est ce que demandent les opérateurs de la pêche pélagique».
Notre interlocuteur confie que les sardiniers n’écartent pas d’envisager des mouvements de grève pour forcer la relance d’un dialogue avec le gouvernement au sujet de ce quota de thon rouge.
Notons, enfin, que le mécontentement des sardiniers du nord survient alors que la Région de Tanger-Tétouan-Al Hoceima a validé, lundi 7 mars 2022, la décision de subventionner le nouveau filet français, lequel est actuellement très critiqué par les sardiniers.
En attendant, l’heure est à la mobilisation. Dans les coulisses, depuis quelques jours, les sardiniers se consultent et enchaînent les réunions avec le président de la région de Tanger-Hoceima, Omar Mouro, confie une source proche du dossier. Objectif: mettre de l’ordre dans ce dossier «sensible», avant la tenue, très prochainement, d’une réunion officielle pour débattre du sujet. Un dossier à suivre…
Naîma Cherii