Avez-vous remarqué que pendant le mois de Ramadan, les pauvres et les mendiants ne se comptent plus ?
Non, ce n’est ni du sarcasme, ni du dédain. C’est juste une constatation.
Les mendiants, on ne voit plus qu’eux. Partout, dans la rue. Devant les mosquées, les boulangeries et pâtisseries. Devant les grandes surfaces commerciales, les marchés, les banques. Aux «feux rouges»…
Où que l’on se rende, à pied ou en voiture, ils sont là. Chacun a sa méthode. Parfois, ils sont juste assis ou adossés au mur et attendent… Parfois, ils interpellent les passants, font des signes aux conducteurs de voitures, ou tambourinent sur la vitre, côté chauffeur, insistent, voire harcèlent…
Ils frappant par leur nombre et leurs méthodes, mais également par leur diversité. Des vieillards, de très jeunes enfants (notamment des fillettes), des gaillards en âge de travailler, des femmes portant des bébés… Tous marocains… Auxquels s’ajoutent –et cela aussi est frappant- des subsahariens de plus en plus nombreux et des syriens affichant leur nationalité sur un bout de papier.
Bien sûr que le mois du Ramadan est le mois de la générosité et de la solidarité par excellence. Mais indépendamment du fait que nul ne peut répondre à toutes les sollicitations qui se comptent par dizaines quotidiennement, il y a ces sentiments de méfiance et de scepticisme qui se développent de plus en plus chez les citoyens.
En effet, ces derniers ne savent plus qui, parmi ces mendiants, est réellement dans le besoin et qui en fait un commerce, profitant du mois sacré pour «forcer» la générosité des croyants.
Aux cas de mendiants qui se sont révélés plus riches que leurs donateurs, mais addicts à la mendicité parce que rentable, se sont ajoutés de nouveaux cas.
Celui de faux Syriens qui finissent la journée dans une belle voiture et un bel appartement achetés grâce aux recettes de leur supercherie (la vidéo circule sur les réseaux sociaux).
Ou encore celui de subsahariens bien organisés, qui réunissent l’argent qu’il leur faut, grâce à la mendicité, puis l’envoient au «grand frère» qui tient les comptes de ses compatriotes et leur donne le signal le jour où ils peuvent (à plusieurs centaines) forcer le passage de Sebta ou celui de Melillia…
Il y a aussi le fait que la surenchère sur la solidarité, que se livrent certains partis politiques et certains membres de la société civile –chacun pour des raisons qui lui sont propres- a un double effet pervers. D’un côté, il se développe une «mentalité d’assisté» chez ceux qui ne font plus rien d’autre que d’attendre l’aide. De l’autre, les éventuels donateurs sont de plus en plus rétifs à ce phénomène et finissent par mettre tous les pauvres dans le même panier.
Restent les interrogations politiques que tout ceci soulève. Car, à partir d’un moment, les vraies questions se posent… Pourquoi la pauvreté a-t-elle atteint cette ampleur dans notre pays ? Ne va-t-elle pas en s’aggravant ? L’actuel Gouvernement est-il en mesure de planifier une feuille de route pour résoudre ce problème ? Quelles idées nouvelles et efficaces, telles que celle (royale) de l’INDH, le Gouvernement saura-t-il avancer et mettre en œuvre ? Croit-il que la solidarité, à elle seule, résoudra le grand problème des disparités sociales ?
Toutes ces questions et bien d’autres, qui conduisent à la conclusion que le mal est bien plus profond que ce que l’on en voit à travers les mendiants qui ont pris d’assaut notre paysage quotidien, en ce mois sacré de Ramadan.
Il s’agit de pauvreté endémique. Or, la pauvreté est la pire des menaces pour une société dont elle gangrène et ronge les fondations, silencieusement, lentement, mais sûrement, si le remède ne s’attaque pas aux racines du mal. Car en l’occurrence, la solidarité, malgré tous ses effets positifs, n’est que cautère sur une jambe de bois.
Bahia Amrani